« Un jour, je devrais peut-être dire non au CROSS Med. » La phrase ne franchit pas souvent les lèvres de Gil Rochette, 20 ans de bénévolat à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) du Cros-de-Cagnes.
Patron de la vedette – c’est lui qui est responsable du bateau d’intervention et de l’équipage – il n’a jamais refusé une seule mission.
Mais aujourd’hui, la situation devient critique. Comme de nombreuses associations, la SNSM peine à trouver des bénévoles prêts à s’investir sur la durée.
Pourtant, face à une plaisance en pleine expansion, les missions de sauvetage en mer sont à la hausse depuis des années.
Car à la différence du secours en montagne, le sauvetage en mer en France repose presque exclusivement sur des bénévoles.
Interventions en hausse, bénévoles en baisse
Entre mars et octobre 2025, la station du Cros-de-Cagnes a déjà enregistré 30 interventions, un volume en hausse par rapport à 2024.
Une activité concentrée dans un secteur allant de la Siesta à l’aéroport de Nice, même si l’équipage peut être envoyé ailleurs selon les demandes du CROSS Med, dont il constitue « le bras armé » sur l’eau.
Les missions sont variées : avaries moteur, échouements, naufrages, situations de détresse, assistance à des plaisanciers en difficulté.
Toutes sont assurées par des bénévoles, mobilisables 24 heures sur 24, 365 jours par an, avec un impératif : pouvoir rejoindre la station en 15 minutes.
« Nous sommes une vingtaine de sauveteurs opérationnels. Il nous en faudrait dix de plus. En vingt ans, je n’ai jamais vu une situation aussi tendue », constate Gil Rochette.
La moyenne d’âge de l’équipage – 50 ans – renforce le besoin de « sang neuf ».
Parmi les nombreux sauvetages, celui de novembre 2024 reste gravé dans les mémoires.
Alertés par le Cross Med pour un voilier de 13 mètres en détresse, l’équipage cagnois prend la mer en pleine nuit à bord de la vedette Marguerite.
« J’avais mobilisé six gars ce soir-là car la mission s’annonçait compliquée, la mer était déchaînée, raconte Gil Rochette. Le couple à bord du voilier avait quelques notions de navigation, mais ils ont été complètement dépassés par le vent. Leur bateau dérivait à une vitesse folle. Au bout de quatre heures de navigation, nous les avons finalement retrouvés à vingt milles nautiques des côtes, voiles déchirées, moteur hors service. En état de panique. »
Une mission parmi d’autres, mais qui témoigne de la technicité et de l’engagement quasi professionnel de ces sauveteurs bénévoles.
Un bénévolat parmi les plus exigeants
« Partout, les associations manquent de bénévoles. Chez nous, c’est encore plus compliqué : il faut être disponible tout le temps, vivre près de la station, être véhiculé, s’entraîner, se former… »
En journée, les interventions posent un autre défi car la plupart des bénévoles travaillent. Parfois, les employeurs peuvent aider.
Au Cros-de-Cagnes trois bénévoles ont signé avec leurs employeurs une convention leur permettant de quitter leur poste en cas d’alerte.
« C’est précieux et ça peut nous aider à recruter de nouvelles forces qui seraient tentées de nous rejoindre mais freinées par leur travail. ».
Quelle reconnaissance ?
Pour le SNSM, le défi est de taille : « Il faut fidéliser les bénévoles, éviter l’essoufflement, renouveler nos forces et préserver l’esprit d’équipe », cette « famille orange » qui soude les sauveteurs et participe aussi au succès des interventions.
Faut-il en faire plus ? Face à un engagement en berne dans de nombreuses associations la question d’une meilleure reconnaissance ressurgit régulièrement. A la SNSM aussi. Et les idées de « statut du bénévole » ou d’avantages liés à la retraite reviennent régulièrement, sans jamais aboutir pour le moment.
Mais pour la plupart des sauveteurs bénévoles, la vraie récompense est ailleurs : « C’est le service rendu, l’utilité, le lien humain. Pas autre chose », confie Gil Rochette.
Mais l’inquiétude est là : « Nous ne voulons surtout pas en arriver à refuser une mission. Pour continuer à sauver des vies, nous avons besoin de monde. Maintenant. »
Comment devient-on sauveteur en mer ?
Contrairement aux idées reçues, nul besoin d’être marin professionnel pour intégrer les rangs des bénévoles de la SNSM.
Pour embarquer, il faut être âgé de 18 à 66 ans, avoir l’envie d’aider et l’esprit d’équipe, vivre à proximité de la station et être véhiculé, être disponible et motivé.
Les formations (sécurité, matelotage, secourisme, nageur de bord…) sont assurées en interne et prises en charge par la SNSM.
Pour postuler : station.cagnes@snsm.org