La France ne compte que 2 880 dermatologues dont 19 dans le Gard. Ils seront encore moins nombreux en 2030. Ce qui rend l’accès aux soins de plus en plus compliqué avec le risque que des cas urgents passent sous les radars. Objectif de cette pétition : que 150 internes soient formés chaque année.

Un rapide tour sur Doctolib, la plateforme de prise de rendez-vous médical, le confirme : impossible d’obtenir un rendez-vous avec un dermatologue à Nîmes. La plupart n’acceptent plus de nouveaux patients, certains renvoient vers un standard téléphonique où il faudra s’armer de patience pour entendre une secrétaire vous octroyer, peut-être, un rendez-vous dans des mois.

« Le délai moyen est de six mois, souvent plus ». Et pour beaucoup, comme Alice, 40 ans, c’est un parcours du combattant. « Je suis suivie pour une peau à problème mais en arrivant à Nîmes impossible d’avoir un rendez-vous. Je suis obligée de retourner régulièrement chez mon dermato à 150 kilomètres, insensé ! »

La pétition.

La pétition.

Trente consultations par jour, peu de place pour de nouveaux patients

Marion Vincent, dermatologue à Nîmes depuis 2023, qui a participé à la naissance de la pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale il y a quelques jours, le confirme. « Si je prenais les rendez-vous sur Doctolib, il y aurait des délais à quatre ans », se désole-t-elle. Elle a opté pour un créneau de deux heures hebdomadaires où l’on peut prendre rendez-vous par téléphone… si on y arrive. « Je vois trente patients par jour, je consacre deux matinées à opérer des cancers de la peau qu’on voit de plus en plus ».

Pour voir un dermatologue, il faut d’abord passer par son médecin traitant qui peut adresser un patient ou demander une télé-expertise sur une lésion suspecte, par exemple. Avec des risques de prise en charge trop tardive « pour des mélanomes mais aussi des maladies complexes comme le psoriasis, l’eczéma sévère ou la pelade ».

Seulement 3,25 dermatologues pour 100 000 habitants

Derrière cette réalité quotidienne, des chiffres implacables : 22 % des dermatologues ont disparu en dix ans, 50 % ont plus de 60 ans dont 17 % sont déjà en emploi-retraite. Et les perspectives sont alarmantes : « On est à 3,25 praticiens pour 100 000 habitants quand il en faudrait au moins 5 et d’ici 2030 le nombre de dermatologues va chuter de 30 % », insiste Marion Vincent.

« On est au seuil critique de pauvreté sanitaire, on ne fait plus face aux besoins de la population », renchérit Raphaël Besnier, président de l’équipe de soins spécialisée en dermatologie sur l’Occitanie. Avec 19 dermatologues, le Gard ferait presque illusion quand la Lozère ne compte qu’un dermatologue et l’Ariège aucun !

« On en a marre du dermato bashing ! »

« Contrairement à une idée reçue tenace, lance Marion Vincent, la dermatologie esthétique et correctrice (rides, tâches, laser, botox…) représente moins de 10 % des prises en charge chez un dermatologue et seulement 4 % en font leur activité principale ». Elle assure n’en faire que deux par semaine. Mais déplore que 75 % des actes de médecine esthétique ne soient pas réalisés par des dermatologues : « près de 10 000 médecins les pratiquent sans être spécialistes, ce qui multiplie les risques ».

« L’esthétique prend une part de l’activité, c’est vrai, mais il y a une demande, admet Raphaël Besnier. Ça renforce la pénurie mais ça ne l’a pas créée ».

Et, face à cette pénurie, les besoins ne cessent d’augmenter. « En France, 16 millions de personnes souffrent d’une pathologie cutanée. Et il y a 200 000 nouveaux cas de cancers de la peau par an », alerte la pétition. « Le mélanome, particulièrement agressif, atteint près de 18 000 nouveaux cas annuels, il reste l’un des cancers les plus meurtriers ».

« Pourtant, la spécialité n’est pas désertée, assure Marion Vincent. La dermatologie est même dans le top trois des spécialités demandées en internat après la chirurgie plastique et l’ophtalmologie. »

Une urgence : augmenter le nombre d’internes formés

Les dermatos en colère pointent le nombre d’internes formés. « Actuellement, on forme 102 dermatologues par an sur 8 900 étudiants, il en faudrait 125 à 150 pour rattraper le retard », explique-t-elle. « À 130, on compenserait juste les départs à la retraite. En 2041, on reviendra au niveau de 2022 qui était déjà dégradé », précise Raphaël Besnier.

« La situation est dramatique, confirme Frédéric Jean, le président du conseil de l’Ordre des médecins. Avec des départs à la retraite non remplacés, très peu d’installations, la dermatologie est particulièrement sinistrée. Malheureusement, c’est général. D’autres spécialités sont aussi en difficulté : psychiatrie, ophtalmologie, gynécologie. Sans oublier la médecine générale. »