Ingénieure en informatique, Amandine Piguel a travaillé pendant dix ans comme architecte logiciel, successivement en entreprise de service numérique, en start-up et en édition de logiciel. « C’est un métier dans lequel j’ai beaucoup souffert de misogynie », confie-t-elle. De cette expérience, elle a d’abord voulu tirer des enseignements pour « créer des environnements professionnels sereins, bienveillants, équitables », avant d’étendre son ambition à l’éducation des enfants pour « construire une société plus harmonieuse ».
Ces valeurs, combinées à l’envie de renouer avec son métier « sans avoir de comptes à rendre à personne », ont conduit à la création de Piki & Co. La société travaille au développement d’un jeu vidéo pour les 4-10 ans, qui leur apprendra l’anglais presque à leur insu. Dans Piki – « un mot de la langue maori qui veut dire s‘épanouir, s’accomplir, grandir » -, une extraterrestre atterrit par accident sur la planète bleue et doit apprendre à vivre avec ses habitants pour réparer son vaisseau et repartir chez elle, sur Pikirengaro.
Des parents accompagnés
Le jeu vidéo amènera le joueur à pratiquer la langue dans une réalité virtuelle. Un « accompagnement pédagogique » pour les adultes – parents ou enseignants – entourant l’enfant expliquera comment soutenir son développement cognitif et social. Des jeux de société « sur table » permettront de rassembler la famille « sur un temps hors écran, pour soutenir les interactions ».
« Les jeux vidéo, quand ils sont bien utilisés, ne sont pas toxiques, estime Amandine Piguel. Au contraire, ils permettent de développer pas mal de compétences, comme la coopération, la créativité, la curiosité, la prise de risque… C’est un média puissant d’apprentissage. »
Encore faut-il que l’enfant ait envie de se plonger dans les aventures de Piki plutôt que dans celles de Mario. Une concurrence encore plus vive dans les familles où le temps d’écran n’est pas illimité. « Il faut que notre produit soit suffisamment attractif en termes de qualité, de déroulé, de soin artistique… Nous proposerons quelque chose qui sera vraiment immersif, engageant, dans lequel le joueur ne s’aperçoit pas qu’on est en train de lui développer plein de compétences utiles pour sa vie future. »
Plus de langues, plus d’ouverture
Concernant le choix de l’apprentissage des langues, Amandine Piguel se réfère à des études récentes qui montrent que « les individus au moins bilingues sont avantagés dans leur développement sociocognitif : ils sont plus ouverts, capables de gérer des conflits de manière plus créative, moins violente ».
Le projet, auquel collabore notamment Laurence Schmoll, docteure en didactique des langues au sein du laboratoire LiLPa (Linguistique, Langues, Parole) de l’Université de Strasbourg, a bénéficié en 2020 d’un soutien financier du CNRS, d’un autre en 2022 de Conectus , société d’accélération du transfert de technologies entre la recherche publique alsacienne et les entreprises. Ces subventions ont permis de tester le projet dans des classes de moyenne et grande sections, puis dans un cadre familial, afin de repérer les ajustements nécessaires.
Une levée de fonds est prévue pour 2027, avant la mise sur le marché du premier produit. En fonction de sa réception, Amandine Piguel en envisage d’autres, soit pour apprendre l’anglais à des non-francophones, soit pour apprendre d’autres langues.