Pour la «grande cause» nationale – c’est ainsi qu’Emmanuel Macron avait désigné les violences faites aux femmes au début de ses deux quinquennats –, on repassera. Brigitte Macron a qualifié de «sales connes» des militantes féministes qui ont interrompu samedi un spectacle de l’humoriste Ary Abittan, selon une vidéo publiée lundi 8 décembre. Pour sa part, l’entourage de l’épouse du chef de l’Etat évoque simplement «une critique de la méthode radicale employée» par le collectif #NousToutes. Mais la sortie de la Première Dame a enflammé les réseaux sociaux et de nombreuses réactions offusquées ont été publiées.
Samedi soir, quatre militantes du collectif féministe, portant des masques à l’effigie de l’acteur avec la mention «violeur», ont interrompu son spectacle dans la salle parisienne des Folies Bergère, scandant «Abittan violeur», a rapporté l’organisation dans un communiqué. Fin 2021, l’humoriste a été accusé de viol par une jeune femme qu’il fréquentait depuis quelques semaines. Après trois ans d’enquête, l’instruction a abouti à un non-lieu confirmé en appel en janvier, mais son retour sur scène est depuis contesté par des féministes protestant régulièrement aux abords des salles où il se produit. Le lendemain de cette interruption, dimanche, Brigitte Macron est allée voir sa représentation parisienne.
Sur une vidéo publiée lundi par le site de l’hebdomadaire Public, on voit la Première Dame apporter son soutien à Ary Abittan en coulisse, juste avant la représentation. «J’ai peur», lui dit-il. «S’il y a des sales connes, on va les foutre dehors», lui répond Brigitte Macron en riant. «Surtout des bandits masqués», ajoute-t-elle. #NousToutes a relayé cette vidéo sur son compte Instagram, ainsi que des messages de soutien à l’action de samedi soir. Sur le réseau Bluesky, le collectif a repris sur fond noir le mot-clé #salesconnes. Ce dernier est devenu viral sur les réseaux sociaux, tandis que le visuel sur fond noir a été massivement partagé.
«Nous sommes profondément choquées et scandalisées. Les mots utilisés en disent long sur sa vision des choses, le message politique est extrêmement choquant», a réagi une militante de #NousToutes Paris Nord ayant participé à l’action et se présentant sous le pseudonyme de Gwen. «C’est un crachat de plus sur les victimes et les associations féministes», poursuit-elle.
Judith Godrèche, qui accuse les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon de viol, a apporté son soutien au collectif sur Instagram, avec ce message écrit sur fond noir : «Moi aussi je suis une sale conne. Et je soutiens tous.tes les autres.»
Autrice de la Familia Grande, qui avait brisé le tabou de l’inceste et permis un débat d’ampleur sur le sujet, Camille Kouchner a partagé le visuel de #NousToutes. La chanteuse et comédienne Camélia Jordana s’est, elle, photographiée avant d’ajouter #salesconnes sur son front. Sur France Info, la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, a de son côté dénoncé des propos «absolument déplacés et grossiers».
«Ces propos sont gravissimes», «une Première Dame ne devrait pas dire ça», a dénoncé sur BFM TV la patronne des écologistes, Marine Tondelier. Au vu du non-lieu, Ary Abittan «peut remonter sur scène» et «les féministes ont le droit de donner leur avis là-dessus aussi», a-t-elle estimé. L’eurodéputée verte Mélanie Vogel a également publié un visuel sur Bluesky affirmant : «Et une très bonne journée à toutes les sales connes du pays.»
Du côté des insoumis aussi, la sortie de la Première dame a suscité un élan de colère. «On a commencé par les droits des femmes «grande cause du quinquennat», ça termine en les insultant», a notamment fustigé sur X l’eurodéputée LFI Manon Aubry. Et la tête de liste insoumise en 2019 et 2014 d’ajouter : «Il est temps que le couple Macron s’en aille.»
L’ancien président François Hollande a également critiqué les propos de Brigitte Macron. «Même si on peut critiquer la forme, quand il s’agit de femmes qui luttent contre les violences faites aux femmes, on ne prononce pas des mots de cette façon», a-t-il jugé. Son ancien ministre des Sports et patron des socialistes au Sénat, Patrick Kanner, a lui aussi écrit sur X : «On peut désapprouver les méthodes. Mais rien ne justifie d’insulter et de vouloir faire taire des militantes qui tentent de faire entendre la parole des femmes. Madame Macron doit s’excuser.»
Au sein du gouvernement, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a tenté d’éteindre l’incendie en concédant que «ce n’est pas un langage qui a vocation à être dans le débat public», tout en affirmant comprendre que les interruptions de spectacles puissent «amener de l’agacement».
L’ancienne porte-parole du gouvernement et députée Renaissance des Hauts-de-Seine Prisca Thévenot a, elle, défendu bec et ongles la Première Dame en clamant sur BFM TV : «A un moment on a envie de dire : “Ça suffit.” Et ces phénomènes sont de plus en plus fréquents.» Et l’élue macroniste d’appeler à stopper «les polémiques inutiles». C’est beau, la sororité.