Une étude majeure présentée au congrès 2025 de l’ESMO révèle un mécanisme inattendu : les vaccins à ARNm contre la COVID-19 pourraient considérablement améliorer l’efficacité des immunothérapies anticancéreuses. Des chercheurs du MD Anderson Cancer Center ont observé que les patients cancéreux vaccinés dans les 100 jours suivant le début d’un traitement spécifique avaient deux fois plus de chances de survie à trois ans. Cette découverte remet en question notre compréhension de la façon dont notre système immunitaire combat le cancer.

Une découverte accidentelle qui change tout

L’histoire commence dans un laboratoire universitaire, pas dans un essai clinique. Le Dr Adam Grippin travaillait sur des vaccins anticancéreux personnalisés à base d’ARNm pour traiter les tumeurs cérébrales. En développant ces vaccins thérapeutiques, son équipe a observé quelque chose de remarquable : l’ARNm entraînait le système immunitaire à éliminer les cellules cancéreuses, même lorsque le vaccin ne ciblait pas directement la tumeur.

Cette observation initiale a semé une graine chez les chercheurs. Et si d’autres vaccins à ARNm avaient le même potentiel anticancéreux ? Quand les vaccins COVID à ARNm ont reçu l’approbation réglementaire et ont commencé à être administrés massivement, les équipes de recherche ont eu une opportunité unique : tester cette hypothèse audacieuse sur une population massive de patients atteints de cancer.

Un test naturel sur plus de 1 000 patients

Entre août 2019 et août 2023, les chercheurs du MD Anderson ont étudié rétrospectivement plus de 1 000 patients cancéreux. Certains avaient reçu un vaccin COVID à ARNm dans les 100 jours suivant le début d’un traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire. D’autres ne l’avaient pas reçu. Les résultats se sont avérés spectaculaires.

Chez les patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules, la survie médiane était de 37 mois pour ceux qui avaient été vaccinés, contre seulement 21 mois pour ceux qui ne l’avaient pas été. Pour les patients atteints d’un mélanome métastatique, les chiffres étaient encore plus frappants : la survie médiane des patients vaccinés n’avait pas encore été atteinte au moment de l’analyse, tandis qu’elle était de 27 mois pour les non-vaccinés.

Mais l’observation la plus remarquable concernait un sous-groupe spécifique : les patients dont les tumeurs étaient immunologiquement « froides », c’est-à-dire peu propices à déclencher naturellement une réaction immunitaire. Chez ces patients résistants, la survie globale à trois ans a presque quintupler grâce à la vaccination COVID. C’était comme débloquer soudain une porte que les médecins croyaient verrouillée.

vaccins covid cancerCrédit : Pixabay/CC0 Domaine public

Le mécanisme : une alarme immunologique provoquée par conception

Pour comprendre pourquoi ce phénomène se produisait, les chercheurs ont étudié les mécanismes biologiques sous-jacents. Voici comment le processus fonctionne.

Quand vous recevez un vaccin à ARNm COVID, votre système immunitaire perçoit ce message génétique comme une menace. Il se met en hyperalerte, mobilisant les défenses anti-infectieuses. Mais voici le détail crucial : cette activation immunitaire massive « réveille » également les cellules tueuses naturelles qui patrouillent normalement dans le corps, y compris celles qui pourraient combattre le cancer.

Face à cette menace immunologique perçue, les cellules cancéreuses réagissent instinctivement. Elles commencent à produire massivement une protéine appelée PD-L1, qui fonctionne comme un bouclier de défense immunitaire, bloquant l’attaque des cellules immunitaires.

Ici intervient l’élégance du mécanisme : les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire administrés aux patients cancéreux sont précisément conçus pour bloquer cette protéine PD-L1. Le vaccin COVID crée donc une situation parfaite où les cellules cancéreuses sont forcées de se défendre massivement, exactement au moment où les inhibiteurs de points de contrôle sont présents pour démanteler cette défense. C’est un un-deux immunologique calculé.

Une porte ouverte vers une nouvelle norme thérapeutique

Ces résultats sont suffisamment prometteurs pour que la recherche progresse. Un essai clinique de phase III multicentrique et randomisé est actuellement en cours de conception pour valider formellement ces découvertes et déterminer si les vaccins à ARNm devraient devenir une partie standard du traitement du cancer.

Ce qui rend cette découverte particulièrement excitante, c’est son accessibilité économique. Contrairement à de nombreuses thérapies anticancéreuses coûteuses et personnalisées, les vaccins COVID à ARNm sont déjà largement disponibles et peu coûteux. Si ces résultats se confirment, ils pourraient transformer la pratique oncologique dans les années à venir.

La science repousse constamment les frontières de ce qu’on pensait possible. Ici, un vaccin créé pour lutter contre une pandémie virale pourrait s’avérer être un allié inattendu dans la bataille contre le cancer.