Gaël Perdriau condamné et démissionnaire, le conseil municipal de Saint-Etienne se dote d’un nouveau maire – et revoit ses adjoints avec – ce jeudi pour achever le mandat en attendant les élections au suffrage universel d’ici 3 mois. Comme nous l’indiquions il y a une semaine, cette succession ne s’est pas faite sans secousses au sein de la majorité. Marc Chassaubéné sortant vainqueur d’un vote au détriment de Jean-Pierre Berger mais est resté contesté. Ce matin, un communiqué de la majorité annonce la fin, au moins apparente, de cet énième conflit : Jean-Pierre Berger sera proposé comme maire, Marc Chassaubéné comme 1er adjoint.
L’hôtel de Ville de Saint-Etienne. ©If Saint-Etienne / Xavier Alix
Au gré des séismes qui secouent sa vie publique, Saint-Etienne n’en est plus à une « solution constructive et raisonnable » près. Pour rappel, la majorité municipale a implosé la semaine dernière, lors de sa réunion lundi 1er décembre qui sa suivi le verdict du procès condamnant son maire, Gaël Perdriau, loin du ton consensuel du communiqué transmis le lendemain évoquant des « échanges nourris et constructifs ». « Nourris » oui, mais au moins aussi – si ce n’est plus – conflictuels que « constructifs ». Présent à cette réunion, selon une partie des élus présents, l’ex-maire a désigné Marc Chassaubéné, 5e adjoint à la culture, pour lui succéder.
Des voix se sont élevées pour lui préférer Jean-Pierre Berger, 1er adjoint actuel, en charge de l’urbanisme. Celles-ci le jugeant plus consensuel en interne comme en externe pour achever ce mandat de la manière la plus sereine possible, ses ambitions politiques à 80 ans passées, n’entrant plus en jeu. C’est ce qu’argue Siham Labich, 2e adjointe – qui s’est elle-même retirée avant le scrutin interne – à la tête d’une douzaine d’élus ayant signé un communiqué commun exprimant toujours clairement leur opposition au lendemain de ce « choix ». Choix ou plutôt vote, disent leurs contradicteurs, celui qui a donné la « victoire » à Marc Chassaubéné, obtenant 17 voix en sa faveur contre 15 pour Jean-Pierre Berger. La tentative de mettre sous couvercle cette énième situation conflictuelle par un communiqué a rapidement été soulevée. Depuis ? Depuis, les tractations sont allées bon train, les disputes et conversations animées derrière les portes de bureaux de l’hôtel de ville aussi.
Il faut de toute façon un nouveau maire Saint-Etienne
Il faut de toute façon un nouveau maire et des adjoints à Saint-Etienne pour les trois mois à venir. Hors majorité, les oppositions de gauche ont rapidement indiqué qu’elles ne présenteraient personne et ne voteraient pour personne ayant soutenu ou étant restés aux côtés, même sans aller jusqu’au bout, de l’ex maire de Saint-Etienne. Nicole Peycelon certes va se présenter au nom du groupe Saint-Etienne avant tout – 9 élus de la droite et du centre ayant quitté la majorité Perdriau en juin 2024 – mais selon nos informations, elle était prête à se retirer en cas de deux candidatures issues de la majorité et de 2e tour (il peut y en avoir un 3e, si nécessaire avec un vainqueur alors par majorité relative : voici les règles) au profit de Jean-Pierre Berger. Sans confirmer ni infirmer, contactée par If, elle se contentait ce matin lors de notre échange de parler d’« une position raisonnablement possible, envisageable qui reste à trancher »…
Nicole Peycelon nous assurait aussi ne pas être au courante de l’accord finalement trouvé entre Jean-Pierre berger et Marc Chassaubéné que nous avions appris hier, lundi. Rebondissement à la réalité confirmée ce mardi 9 décembre peu après 12 h et un nouveau communiqué de cette majorité. Nous citons : « Jean-Pierre Berger et Marc Chassaubéné ont réuni hier lundi en fin d’après-midi les élus de la majorité municipale pour confirmer, en élus responsables, qu’une solution constructive et raisonnable avait été trouvée. Lundi dernier, un vote des élus de la majorité municipale avait désigné Marc Chassaubéné, adjoint au maire chargé de la culture, du patrimoine, du design, de la lutte contre les discriminations, vice-président de Saint-Etienne Métropole, pour être le candidat de la majorité municipale à la fonction de maire de la ville de Saint-Etienne. »
« Oui, il y aura une liste issue de la majorité actuelle »
Il poursuit : « Malgré ce vote et pour répondre à un souci d’apaisement, d’unité, de dialogue, de cohésion, et dans l’intérêt de la ville de Saint-Etienne et de la vie municipale, Marc Chassaubéné, a proposé à Jean-Pierre Berger qu’il soit le candidat de la majorité municipale, à la fonction de maire, jeudi prochain au conseil municipal de Saint-Etienne. Lors de la réunion de la majorité municipale hier lundi, Jean-Pierre Berger a indiqué qu’il serait bien le candidat de la majorité municipale, Marc Chassaubéné son 1er adjoint, et présentera jeudi une liste d’adjoints, afin de former une équipe au travail, soudée, à l’écoute, compétente, au service de Saint-Etienne et de ses habitants. » Comme la semaine passée, Jean-Pierre Berger, sollicité par notre media comme d’autres, conserve à ce stade le silence. En revanche, Marc Chassaubéné a cette fois répondu à nos questions, une fois ce nouveau communiqué, celui de ce mardi, publié.
Ce qu’on vous a dit est faux : Gaël Perdriau n’a pas fait acte de désignation envers moi. Il n’a rien réclamé, rien imposé aux autres. Il a juste, en une phrase avant le vote indiqué sa préférence personnelle, c’est tout
Marc Chassaubéné
Il conteste avoir été désigné autoritairement par Gaël Perdriau : « Ce qu’on vous a dit est faux : il n’a pas fait acte de désignation envers moi. Il n’a rien réclamé, rien imposé. Il a juste, en une phrase avant le vote indiqué sa préférence personnelle, en ma faveur, c’est tout. Puis a voté comme un autre. Il faut aussi savoir que Gaël avait déjà sondé il y a quelques mois les élus de la majorité sur l’éventualité de sa succession prématurée. Et déjà, cela m’était favorable. Il est trop tôt pour évoquer si j’en serai à sa tête car il y a d’abord un mandat à achever, des dossiers importants à traiter mais oui, il y aura une liste issue de la majorité actuelle et oui, je veux être de la continuité de l’œuvre politique menée ici depuis 12 ans parce qu’elle va dans le bon sens. Certes, tout n’est pas rose, on a conscience de la situation commerciale du centre-ville : nous y avons encore travaillé cette semaine avec la CCI. Mais cela ne doit pas occulter de franches avancées, de nombreuses dynamiques : urbanisme, attractivité, augmentation du nombre d’habitants, d’étudiants, dans la culture. Il faut continuer pour les Stéphanois malgré l’affaire. »
Places et « moyens » de communication
Marc Chassaubéné pointe la volonté, selon lui, exprimée la semaine passée, de plusieurs élus n’ayant pas voté pour lui à l’origine, le lundi 1er décembre mais pour Jean-Pierre Berger, de respecter ce « résultat démocratique » interne et donc de lui accorder leurs voix ce jeudi. Ils n’auront donc finalement pas besoin d’aller à l’encontre de leur premier choix. Les jeux sont donc faits à moins que… A moins que la douzaine d’élus (12 voix sur les 15 contre Marc Chassaubéné), ceux menés par Siham Labich, ne persiste dans l’idée de ne pas vouloir de lui, « en jetant » Jean-Pierre Berger avec l’eau du bain. Il faudrait pour cela qu’ils votent tous ou presque pour Nicole Peycelon et ses 9 voix acquises d’avance, voire 11 avec celles de Lionel Boucher (et Gilles Artigues). Poursuivons le calcul : cela ferait du coup 20 voix pour Jean-Pierre Berger avec Marc Chassaubéné en 1er adjoint et jusqu’à 23 donc pour une union de circonstance…
Mais l’opposition de droite et du centre qu’est Saint-Etienne Avant Tout – dont les membres sont partie prenante de la liste qui sera menée par Dino Cinieri en a-t-elle réellement envie ? Plus d’un de nos interlocuteurs avec qui nous avons échangé depuis une semaine pointe cet enjeu de communication, de présence (et en cas de brusque « empêchement » du maire, un 1er adjoint prend l’intérim), d’incarnation, de moyens qu’offre le poste de maire, voire aussi de 1er adjoint si… le maire le veut bien. Certes, en pleine campagne électorale municipale, il y a des règles pour ne pas en profiter abusivement au détriment des autres. Mais fatalement, la conduite de politiques publiques, amène à une existence sur le terrain, à la présentation d’initiatives en conférence de presse, à la présidence des débats en conseil municipal, bref à une exposition médiatique, supports municipaux compris.
Plus de coups à prendre que de légitimité à gagner ?
Toutefois, au regard du contexte stéphanois, n’y a-t-il pas plus de coups à prendre que de légitimité, d’incarnation de la fonction, à affirmer, à gagner ? C’est le sentiment de Siham Labich – toujours en réflexion, dit-elle sur la présentation d’une liste propre à elle aux élections municipales – estimant que le poste de 1er adjoint donné à Marc Chassaubéné reste un coup de projecteur à une future candidature dont elle ne doute pas. De quoi potentiellement générer de nouvelles série de tensions selon elle. « Pour les éviter et rester dans la sérénité, j’avais proposé non pas ma personne en 1ère adjointe mais Nora Berroukeche qui en tant qu’adjointe aux finances et ayant annoncé qu’elle ne ferait que deux mandats (2014/20 et donc 2020/26, Ndlr) dont ne pouvait qu’être consensuelle. Il est préférable que ceux qui ont de l’ambition pour la suite se mettent en retrait », nous précise-t-elle.
Les votes, jeudi seront probablement à bulletin secret. Aussi, à propos de secrets, qui sait quels autres peuvent être mis à jour d’ici là ? Derrière, il y a un autre enjeu urgent : la tenue le 19 décembre du conseil municipal originel et habituel avec 80 dossiers à l’ordre du jour concernant le « quotidien de Stéphanois et des Stéphanoises ». Parmi eux, les potentiellement épineuses Orientations budgétaires 2026 à faire débattre et voter et dont héritera l’équipe élue en mars prochain pour sa première année d’exercice. Derrière encore, les suites du verdict du procès n’ont pas fini de faire le quotidien de Saint-Etienne et au-delà du Sud Loire : à l’échelle de l’agglomération, il va falloir élire le 17 décembre un nouveau président à la Métropole et des vice-présidents. Et vis-à-vis de très nombreux élus, qu’ils soient de Saint-Etienne ou des 52 autres communes, les Stéphanois occupant actuellement les postes seraient loin d‘être tous en odeur de sainteté…