« C’est en train de craquer »: à Paris, agents du périscolaire et parents d’élèves décrivent un service public dégradé et expriment leur colère sur fond de suspicions d’agressions sexuelles dans plusieurs écoles maternelles.

« Les personnels sont épuisés, on arrive au bout d’un système et il va falloir que ça change », lâche Alexandre Herzog, délégué CGT aux affaires scolaires, lors d’une assemblée générale qui a réuni lundi parents d’élèves et personnels.

Après deux semaines de grève en novembre pour défendre leurs conditions de travail, les agents parisiens jugent insuffisantes les réponses apportées par la Ville et se mobiliseront de nouveau le 16 décembre, date du prochain Conseil de Paris.

Confrontée depuis plusieurs mois à une série de signalements pour agressions sexuelles, en particulier dans les XIe et XIIe arrondissements, la Ville a annoncé mi-novembre un plan de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

« Il a malheureusement fallu cette catastrophe pour que les parents d’élèves se posent la question de l’accueil de leurs enfants, car si beaucoup veulent savoir ce qui se passe dans la classe, très peu s’intéressent au temps périscolaire », remarque Loup Loubet, parent d’élève à l’école élémentaire Keller.

Les réponses apportées n’ont fait qu’accroître la colère des agents. « En principe, il y a une présomption d’innocence, mais là on est dans la suspicion généralisée », dénonce Marouan Tayibi, délégué syndical CFDT, qui s’oppose à ce que des agents « innocentés ne puissent plus retravailler auprès d’enfants ».

« Ça va créer une psychose, tout le monde pourra accuser tout le monde de tout et on va encore plus manquer de collègues », renchérit Alexandre Herzog, également directeur de périscolaire.

Les syndicats critiquent aussi la volonté de la Ville de supprimer 100 postes de titulaires, notamment des animateurs et Asem (agents spécialisés des écoles maternelles) à la rentrée 2026, dans un contexte de sous-effectif chronique.

« D’un côté, le premier adjoint (Patrick Bloche, ndlr) est contre les fermetures de classes par l’Education nationale mais il est pour la suppression d’agents quand cela concerne la Ville », pointe Nicolas Léger, du Supap-FSU.

– Précarisation –

Plus globalement, agents comme parents s’alarment de la précarisation des métiers d’animation.

« Beaucoup de parents estiment que ce qui permet à ces agressions sexuelles de se produire c’est la précarisation du secteur, la baisse du taux d’encadrement des enfants, et le recours massif à des vacataires qui sautent d’un établissement à un autre », témoigne Lucie, parent d’élève dans le XIe arrondissement.

Les mesures annoncées ne lui semblent pas non plus « questionner le système dans sa globalité », à savoir « les carrières, la formation, le recrutement ».

Le malaise des agents s’est pourtant aggravé depuis le Covid. « Certaines Asem s’effondrent en larmes dans notre bureau en nous disant qu’elles souffrent, qu’elles ont mal aux genoux, aux épaules », confie Marouan Tayibi.

Les souffrances sont aussi psychologiques, avec des « responsables éducatifs ville » (REV) qui voient les missions administratives s’empiler.

Avec une écrasante majorité de vacataires -8.500- au statut précaire, contre 2.500 animateurs titulaires et 1.000 contractuels, beaucoup ont du mal à boucler les fins de mois.

« Certains animateurs suivent même le cours du prix de l’oeuf en se demandant comment ils vont finir le mois », poursuit M. Tayibi, rappelant qu’un animateur touche « environ 200 à 300 euros s’il surveille uniquement la cantine, 500 à 600 s’ils assurent les TAP (temps d’activités périscolaires), environ 1.000 euros pour un vacataire à temps complet et 1.700 pour les titulaires ».

Au final, beaucoup se tournent vers d’autres métiers, comme la restauration ou chauffeur Uber.

C’est dans ce contexte qu’interviennent des « violences éducatives ordinaires », observe Alexandre Herzog. « Ça craque, c’est le collègue à bout qui hurle sur les enfants parce qu’il est seul avec 30 gamins », observe-t-il.

« Dans ce chaos, c’est du pain bénit pour celui ou celle qui a de mauvaises intentions. Tu peux t’éclipser parce que dans l’équipe, il manque la moitié des agents », ajoute-t-il.

Les syndicats et l’association de parents d’élèves FCPE ont prévu de porter des revendications communes auprès de la Ville et espèrent obtenir des réponses concrètes rapidement.

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