Une femme qui a réussi à obtenir un rendez-vous chez un dermatologue pour suivre son grain de beauté, malgré la pénurie de dermatologues en France.Le mélanome représente l’un des cancers de la peau les plus graves en raison de son fort potentiel métastatique. © Freepik

Avec moins de 3 000 praticiens pour près de 67 millions d’habitants, l’accès aux soins spécialisés pour la peau est devenu un véritable parcours du combattant.

Dermatologues en nombre insuffisant, disparités territoriales, délais interminables… Autant de facteurs qui sérieusement fragilisent la détection précoce des cancers cutanés et le suivi des maladies dermatologiques.

Maladie de peau : la dermatologie en mode survie  Un désert de dermatos

La France compte environ 2 880 dermatologues en exercice en 2024, soit une densité d’environ 3,3 à 3,6 dermatologues pour 100 000 habitants. Loin des besoins réels. Lors d’un état des lieux présenté au printemps 2025, les instances de la profession avaient rappelés que plusieurs départements n’ont aujourd’hui aucun dermatologue installé.

Cette pénurie s’explique notamment par un vieillissement marqué de la profession. Presque 30-40 % des praticiens ont plus de 55-60 ans et partiront à la retraite dans les prochaines années. En 2007, on comptait autour de 3 542 dermatologues en activité. La discipline a perdu entre 15 et 20 % de ses effectifs en moins de deux décennies.

Le problème ne se limite pas au nombre, mais à la répartition géographique. Les dermatologues s’installent surtout en zones urbaines, dans des cabinets bien équipés. Les zones rurales, les départements peu denses, sont laissés pour compte.

Quand prendre rendez-vous relève de l’exploit

Quand on a la chance d’habiter dans une zone “pourvue”, les délais restent longs. En 2023, 73 % des Français déclaraient juger l’accès à un dermatologue « difficile ». Le temps d’attente moyen pour une simple consultation a plus que doublé en dix-quinze ans. Nous sommes passé de 41 jours en 2012 à environ 104 jours en 2023.

Et pour beaucoup, le rendez-vous ne vient jamais. D’après certaines enquêtes, près de la moitié des patients renoncent à consulter un dermatologue à cause des délais, de l’éloignement ou du refus de nouveaux patients.

Pour ceux qui persistent, l’attente peut s’étirer à 6, 9 mois, voire plus. Un délai dramatique quand il s’agit de surveiller un grain de beauté suspect, une lésion ou une poussée dermatologique. 

Le déséquilibre entre l’offre et la demande

Si la pénurie s’aggrave, ce n’est pas par hasard. Plusieurs facteurs structurels expliquent cette situation :

  • Une formation qui ne suffit plus à maintenir les effectifs : depuis plusieurs années, le nombre d’internes choisissant la dermatologie n’équilibre plus les départs en retraite. Résultat, les spécialistes se raréfient progressivement.
  • Une implantation très urbaine : l’essentiel des jeunes dermatologues s’installe dans les grandes villes, plus attractives en termes de qualité de vie et de conditions de travail, laissant nombre de territoires ruraux sans solution locale.
  • Une demande en pleine expansion : le vieillissement de la population, la hausse des cancers cutanés, l’explosion des maladies inflammatoires de la peau et une exposition solaire plus importante augmentent fortement le volume de consultations.
  • Une discipline parfois réduite à tort à l’esthétique : le grand public imagine encore souvent lasers et injection comme le cœur du métier, alors que l’essentiel concerne le médical : dépistage des mélanomes, prise en charge des dermatoses chroniques, suivi des lésions suspectes.

Au final, la situation tient en une formule simple : moins de dermatologues, davantage de patients, et des professionnels concentrés dans les villes. Une combinaison qui met le système sous pression et les patients en attente.

Patients et soignants : des inégalités d’accès criantes Pénurie de dermatos : les conséquences pour la santé des Français

Lorsque les rendez-vous se font rares, c’est l’ensemble de la prévention qui s’enraye. Or, en dermatologie, le temps est souvent déterminant. Un mélanome détecté tôt se traite efficacement, détecté tardivement il peut devenir redoutable. Même réalité pour le psoriasis, l’eczéma ou les dermatoses chroniques, qui nécessitent un suivi régulier pour éviter les poussées sévères.

Faute de créneaux disponibles, certains patients se découragent. Ils reportent, attendent, renoncent. Une lésion qui aurait dû être contrôlée, patiente des mois, parfois des années. Avec à la clé des complications, une prise en charge plus lourde ou simplement une qualité de vie altérée : démangeaisons persistantes, douleurs, cicatrices visibles.

À cela s’ajoute une inégalité criante. Selon que l’on habite en centre-ville ou en zone rurale, l’accès à un spécialiste peut varier du tout au rien. Un rendez-vous à deux semaines pour certains, six mois pour d’autres.

Dermatologie : les alertes de la profession

Depuis 2024–2025, les sociétés savantes et syndicats de dermatologues multiplient les prises de parole : la pénurie n’est plus un accident, c’est une crise installée et structurelle, affirment-ils. La Société Française de Dermatologie appelle d’ailleurs l’État à agir rapidement pour éviter une dégradation durable du système de soins.

Former davantage d’internes, faciliter l’installation dans les zones rurales, renforcer le travail en réseau entre généralistes, pharmaciens et spécialistes, et organiser des équipes de soins coordonnées pour absorber une partie des consultations.

Mais toutes les réponses ne font pas consensus. Certains professionnels s’inquiètent de voir la médecine esthétique présentée comme une alternative au soin, ou de l’essor de plateformes commerciales peu encadrées, au risque d’une dérive consumériste éloignée des enjeux médicaux réels.

Comment agir en attendant que la situation s’améliore ?

Face à la pénurie, les patients ne sont pas totalement démunis. En attendant un rendez-vous, l’auto-surveillance reste une arme précieuse : 

  • observer régulièrement ses grains de beauté, 
  • repérer un changement de forme, de couleur, 
  • une lésion qui persiste. 

La campagne nationale YES, I CAN, lancée en 2025 par la Société Française de Dermatologie, encourage justement ce réflexe de vigilance et l’examen de la peau à domicile.

Dans les zones où aucun dermatologue n’est disponible, le médecin généraliste peut constituer un premier point d’appui, tout comme certains pharmaciens formés qui orientent si nécessaire vers une prise en charge spécialisée.

À SAVOIR 

En 2023, le mélanome cutané, la forme la plus grave de cancer de la peau, a représenté 17 922 nouveaux cas en France, dont 9 109 étaient des hommes et 8 813 des femmes.

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