Un grain de semoule posé sur une installation lumineuse de notre célébration nationale à nous, peuple lyonnais, la Fête des Lumières. Une édition qui offrait cette année quelques jolies trouvailles, même si on reste globalement loin de ce que la Ville a déjà su produire sur d’autres éditions.

Il aura suffi aussi d’une pluie de pois chiches et de merguez sur une œuvre place des Terreaux pour que certains comptes d’extrême droite  qui n’y avaient pas mis les pieds, s’enflamment plus vite qu’une friture de bugnes oubliée sur le feu. Les voilà qui se mettent à hurler au complot islamo-gauchiste.

L’œuvre Lundi c’est ravioli, référence assumée au plat popularisé dans le film La Vie est un Long Fleuve Tranquille (je le reconnais, je ne l’ai pas vu), présentait pourtant une semaine complète de repas très lyonnais, simplement ponctuée de quelques légumes. On y voyait des quenelles, de la cervelle de canut, du saucisson de Lyon, et un hommage clair aux mères lyonnaises — Brazier, Fillioux, Guy, Brihousse — qui ont façonné la réputation gastronomique de la ville, avec leurs plats mythiques comme la poularde demi-deuil.

Chaque jour avait son plat. Il a suffi qu’un couscous surgisse le jeudi, avant même la fin des haricots du dimanche, pour que certains au Rassemblement National en recherche d’électeurs — en filmant de travers pour TikTok — tentent de faire croire que cette installation résumait toute la fête. Comme si la ville entière avait décidé de remplacer la rosette par de la harissa du jour au lendemain. Un grand remplacement culinaire, rien que ça.

On rappellera quand même que le couscous est, selon à peu près toutes les enquêtes depuis quinze ans, l’un des plats préférés des Français.

Le plus drôle, c’est qu’à Lyon, les vrais couscous populaires de quartier — ceux de Vaise, de la Guillotière ou du 8e — sont les premières victimes d’un véritable grand remplacement culinaire. Mais pas celui qu’on croit. Ces lieux chaleureux ont été avalés tout crus par une armée de french tacos, autre invention bien lyonnaise, qui ont dévoré la ville comme Pac-Man.

Pas de signe d’effondrement pour autant. Simplement la vie normale d’une ville qui change ses habitudes nocturnes, comme elle l’a fait jadis quand les mères lyonnaises ont remplacé les bouchons bricolés dans des cuisines trop petites.

Alors oui, l’installation s’appelait Lundi c’est ravioli. Oui, il y avait un couscous parmi les plats lyonnais. Mais surtout, et c’est là où la menace sur nos traditions est plus réelle, beaucoup d’appartements de la Presqu’île restaient sans lampions aux fenêtres.

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Romain Blachier