Par
Léa Pippinato
Publié le
9 déc. 2025 à 17h06
Un homme descend à Montpellier pour une femme. Trois mois plus tard, il perd son amoureuse mais gagne un magasin qui deviendra un repère musical. Voilà comment commence l’histoire du Comptoir du Disque.
Cliquez ici pour visualiser le contenu
Alain Boucher, disquaire parisien, rêvait du Sud. « Il y vient pour une femme », rappelle Nicolas Véron, l’actuel gérant. « Trois mois après, elle l’a quitté. » L’échec sentimental ne freine pourtant rien. Alain ouvre sa boutique dans le centre de Montpellier et pose les bases d’un lieu atypique. Avant cela, il vendait surtout de la vidéo avec trois associés. Tous adoraient les disques. Ils glissaient quelques vinyles dans leurs commandes et les faisaient tourner sur une platine posée dans un coin. Les clients entendaient un morceau, s’arrêtaient et demandaient à l’acheter. « À la fin, ils vendaient presque plus de disques que de vidéos », résume Nicolas. La mutation devenait naturelle.
Le déménagement et les deux boutiques
Il y a trente ans, le magasin prend place rue de la Petite Loge, puis s’étend place Pétrarque. Deux boutiques pour deux univers. Nicolas dirige aujourd’hui cet ensemble avec Vincent Garrigues, son associé. L’un traite la pop, la variété et les bandes originales. L’autre garde les styles plus larges : psyché, jazz, musiques pointues, électronique, new wave ou rock 70.
« C’est plus compliqué pour moi, mais c’est passionnant », glisse Nicolas, qui garde chez lui plus de 10 000 vinyles. Ancien DJ à Paris, Miami ou Montpellier, il revendique une culture musicale « très large », forgée dans les clubs, les voyages et les marchés aux disques.
Quand Nicolas arrive il y a plus de 17 ans, le magasin fonctionne avec une structure datée : deux grands comptoirs, des piles de CD, une seule ligne de vinyles et un sous-sol encombré. « C’était rock’n’roll », sourit-il. Il réorganise tout, crée des catégories claires, simplifie le parcours des clients et modernise l’espace. Il conserve pourtant l’identité du lieu : objets 70’s, cadres ciné, télévisions d’époque et souvenirs d’Alain, grand fan d’Elvis Presley. « On a gardé l’âme du magasin. » Les clients entrent et reconnaissent toujours leur disquaire.
Visualiser le contenu sur Instagram
Les chineurs laissent place à un public varié. Des ados de 15 ans, des femmes jeunes ou moins jeunes, des quadragénaires, des retraités. « Avant, les filles accompagnaient les garçons. Maintenant, c’est souvent l’inverse », observe Nicolas. Certaines clientes reviennent avec leurs enfants. Une jeune femme a même tenu à montrer la boutique à son mari dix ans après ses premiers achats. « Elle achetait ses disques à 15 ans ici. C’était touchant ! » Le marché a traversé des creux profonds. Il y a plus de dix ans, les clients manquaient. Le vinyle semblait ringard. Puis les majors relancent les rééditions. Certaines catastrophiques au début, d’autres plus soignées ensuite. Le support reprend de la valeur. Le Covid provoque un rebond brutal. « Les gens retrouvaient la liberté. Ils ont consommé. Ça a compensé des années de baisse, pas plus. » Aujourd’hui, moins de clients achètent, mais ils choisissent mieux.
Vidéos : en ce moment sur ActuEntre passion, rareté et collection
Le magasin compte environ 170 000 vinyles avec la réserve. On y trouve parfois des pièces très rares. Vincent possède un test pressing, disque créé pendant le processus de production pour vérifier la qualité et la précision du produit final, de The Cure, très recherché. « Le Graal ne sort pas tous les jours. Il faut le passionné qui mettra le prix. » Les tendances changent au fil du temps. Le hip-hop revient fort, tout comme l’électro depuis que les DJ reprennent les vinyles. Et certains classiques traversent les générations. Un adolescent de 15 ans achète récemment Fleetwood Mac sous les yeux éberlués de son père. Le magasin refuse toute attitude élitiste. « Ici, pas de jugement. Tu veux du Mylène Farmer ou de la techno obscure, on l’a ! » La règle demeure simple : proposer, jamais forcer. « Quand quelqu’un revient en disant que le disque conseillé lui a plu, on a posé une petite pierre à l’édifice. C’est notre métier. »
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Le Comptoir du Disque marque son anniversaire par une série de rendez-vous maison. Pas de grand dispositif, mais une envie simple : créer des moments qui ressemblent au magasin. La Fête de la musique réserve aussi des surprises. L’an dernier, un DJ set improvisé à 10h du matin a lancé la rue. « On était les seuls dehors avec le son à fond. Les gens se sont mis à danser dès midi », se souvient Nicolas. Cette année, l’équipe espère organiser une scène plus officielle. Chaque année pourrait désormais avoir son petit événement. « On est plus près du départ que de l’arrivée, alors autant rire. » Les idées fusent : soirées décalées, happenings étranges, piscines improvisées ou podiums qui tournent. « Le but, c’est que ça fasse sourire ! »
Trente ans après une rupture amoureuse, le Comptoir du Disque aligne 170 000 vinyles et une foule fidèle. Certains lieux naissent d’un coup de folie. Celui-ci continue grâce à ceux qui refusent d’arrêter de s’amuser.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.