Un Russe, un Ukrainien et un Arménien sont jugés depuis mardi en Allemagne, accusés d’avoir espionné pour le compte de Moscou un ancien soldat de l’armée ukrainienne en vue d’un éventuel assassinat.
Selon le parquet fédéral, compétent pour les affaires d’espionnage, l’Arménien Vardges Il aurait été chargé début mai 2024 par les services secrets russes d’espionner l’ex-militaire, qui avait combattu la Russie à partir de février 2022 et résidait en Allemagne. Il aurait recruté les deux autres accusés, l’Ukrainien Robert A. et le Russe Arman S..
En entrant dans la salle d’audience de Francfort, les trois accusés affichaient confiance et défi, Vardges arborant un large sourire et Robert A. levant le pouce et tirant la langue à la cour. Deux d’entre eux se sont serré la main en attendant le troisième. Leur procès doit durer trois mois et demi, jusqu’au jeudi 26 mars 2026.
« La victime s’était elle-même adressée à la police en Allemagne »
L’opération dont ils sont accusés pourrait avoir été motivée par « le fait que la victime, c’est-à-dire l’homme qui était espionné, est accusée par la Russie d’avoir participé à des crimes de guerre contre des soldats russes en Ukraine », a déclaré Ines Peterson, porte-parole du ministère public fédéral, à l’ouverture du procès.
« La victime s’était elle-même adressée à la police ici en Allemagne et avait déclaré qu’elle soupçonnait être espionnée par les services secrets russes », a-t-elle ajouté. Le 19 juin, les trois accusés avaient organisé une rencontre « sous un faux prétexte » avec leur cible dans un café du centre-ville de Francfort (ouest). Il s’agissait alors « d’obtenir davantage d’informations à son sujet ».
Mais l’homme s’était méfié et avait préalablement contacté la police allemande, qui a arrêté en juin 2024 les trois hommes, depuis en détention. La rencontre prévue avec la cible aurait probablement servi à « préparer d’autres opérations des services secrets en Allemagne, pouvant aller jusqu’à l’assassinat de la personne visée », selon le parquet.
Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, Berlin est devenu à la fois le plus important soutien européen de Kiev et une cible privilégiée de campagnes de désinformation, d’actes de sabotage, d’intimidation et d’espionnage, une « guerre hybride » attribuée au Kremlin.
Multiples affaires
Contactée par l’AFP, l’ambassade de Russie à Berlin a dit « ne pas intervenir et ne pas commenter les procédures judiciaires en Allemagne ». Elle a ajouté ne disposer « d’aucune information fiable que les suspects ont la nationalité russe ».
Ce type de dossiers se multiplie chez les alliés européens de Kiev depuis que la Russie a envahi l’Ukraine. Parmi les affaires récentes, un Germano-Russe a été condamné fin octobre à Munich (sud) à six ans de prison, ses deux complices écopant de peines de prison avec sursis.
Dieter Schmidt a alors été jugé coupable d’avoir échangé des informations avec une personne liée aux services de renseignement russes pendant plusieurs mois, à partir d’octobre 2023, en vue d’éventuels actes de sabotage.
Un ancien agent secret allemand est jugé depuis deux ans à Berlin pour avoir transmis des informations classées secrètes aux services de sécurité russes (FSB) à l’automne 2022. A la mi-mai, les procureurs ont également annoncé l’arrestation de trois Ukrainiens soupçonnés d’avoir planifié, là aussi pour le compte de la Russie, des actes de sabotage.
Et le parti prorusse et antimigrants Alternative pour l’Allemagne (AfD), deuxième force politique du pays, est suspectée par des élus d’autres partis d’abuser de son droit aux questions parlementaires pour récolter des informations sur les infrastructures sensibles allemandes pour les transmettre à Moscou.
Avant même la guerre en Ukraine, Moscou était déjà suspecté de mener des opérations clandestines en territoire allemand. La plus connue a été l’assassinat, en plein centre de Berlin en 2019, d’un ancien combattant indépendantiste tchétchène.
La Russie a démenti toute implication dans ce meurtre, malgré les preuves avancées durant le procès. Mais le Kremlin a fini par reconnaître en 2024 que la personne condamnée en Allemagne pour ces faits, Vadim Krassikov, était bien un agent du FSB.
Il a été libéré cette année-là dans le cadre d’un échange de prisonniers entre la Russie et l’Occident. L’intéressé et d’autres agents russes libérés ont été accueillis par le président russe Vladimir Poutine en personne.