Par

Léa Pippinato

Publié le

9 déc. 2025 à 10h47

Il est 17h. Un froid sec glisse sur la place Albert 1er, à Montpellier. Le soleil chute, les lumières manquent. « On ne vous voit pas », répète un policier à un jeune cycliste surpris dans l’obscurité. Ce lundi 8 décembre 2025, l’opération « Brillez la nuit » s’installe pour quelques heures.

CARTE

Chaque hiver, la même scène se répète. La préfecture de l’Hérault déploie ses équipes. La police nationale se poste à l’entrée de la place. Les bénévoles de l’association Le Bonheur à Vélo s’alignent derrière une table chargée de casques flambant neufs, de lampes compactes et de gilets fluorescents. Jamel Bourmada, coordinateur sécurité routière, ne perd pas une minute. Il salue les usagers, les arrête, observe les vélos et rappelle la règle avec le même calme. « Une lumière avant, une lumière arrière. Ce n’est pas un détail. C’est ce qui vous distingue d’une ombre », dit-il à une cycliste qui s’excuse de « n’avoir jamais vérifié ». Il ajoute aussitôt : « Beaucoup pensent que l’éclairage public les protège. En réalité, il vous efface. »

Les contrôles s’enchaînent. Beaucoup découvrent leurs obligations. Certains reconnaissent qu’ils ne savaient pas qu’un gilet rétro-réfléchissant devient obligatoire hors agglomération, ou en ville quand la visibilité chute. D’autres ignorent qu’un enfant de moins de 12 ans doit porter un casque et qu’un enfant de moins de 5 ans doit voyager dans un siège adapté. Le rappel tombe sans accusation : la pédagogie domine.

La préfecture rappelle les règles de sécurité nocturne pour les vélos et trottinettes, avec un focus sur l’obligation d’éclairage.
La préfecture rappelle les règles de sécurité nocturne pour les vélos et trottinettes, avec un focus sur l’obligation d’éclairage. (©Métropolitain / LP)Vidéos : en ce moment sur ActuUne distribution chargée d’anecdotes

À quelques mètres, Julien Cabardi, directeur de l’association Le Bonheur à Vélo, observe la scène avec une pointe d’habitude. « On mène cette opération depuis cinq ans. On voit ce qui change, et ce qui ne change pas », confie-t-il en ajustant un carton rempli de lampes. « Les journées se raccourcissent. La visibilité disparaît trop vite. On doit le répéter encore et encore. » Il évoque un autre problème. « De nombreux vélos sont équipés de systèmes d’éclairage trop faibles : ils éclairent à peine et leur autonomie est limitée. La dynamo, un générateur miniaturisé qui convertit l’énergie du pédalage en courant électrique, règle le problème. » L’association distribue aujourd’hui près d’une centaine de casques fournis par leur partenaire Norauto. 

Karim arrive avec son vélo cargo. Ses deux enfants l’attendent sur un banc. Il s’arrête volontairement. « Je veux comprendre ce que je dois faire. La semaine dernière, une voiture m’a vu trop tard. J’ai senti qu’elle freinait au dernier moment. Je n’avais pas mis de gilet. » Il regarde la lumière rouge qu’on vient de fixer sur son porte-bagages. « J’ai roulé quinze ans sans me poser la question. J’aurais dû. » Un peu plus loin, Léane, étudiante, reconnaît une frayeur encore vive. « Je suis tombée l’hiver dernier. Un scooter m’a frôlée. Je n’avais pas de feu arrière. J’ai glissé en voulant me ranger. » Elle reçoit un kit complet et sourit avec un mélange de gêne et de soulagement. « On croit toujours que ça n’arrive qu’aux autres. »

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Les bénévoles de l’opération sensibilisent les usagers sur les dangers liés au manque de visibilité en période hivernale.
Les bénévoles de l’opération sensibilisent les usagers sur les dangers liés au manque de visibilité en période hivernale. (©Métropolitain / LP)

Michel, retraité, écoute un agent lui expliquer calmement qu’il doit équiper son vélo d’un avertisseur sonore. Il éclate de rire. « À mon époque, on criait ‘attention !’ et ça suffisait. » On lui rappelle aussi l’obligation du gilet hors agglomération. Il se fige lorsque le sujet des enfants arrive. « Je transporte parfois ma petite-fille. Je n’avais pas compris qu’un siège était obligatoire avant 5 ans. » Il hoche la tête, plus grave. « Je corrige ça dès demain ! »

Le matériel offert comprend des casques, des brassards, des feux avant-arrière et des éléments réfléchissants.
Le matériel offert comprend des casques, des brassards, des feux avant-arrière et des éléments réfléchissants. (©Métropolitain / LP)Des chiffres qui montrent une vraie évolution

En fin d’après-midi, Thibaut Félix, directeur de cabinet du préfet, rejoint les équipes. Il écoute les échanges puis résume la situation. « L’année 2025 montre une amélioration nette. On comptait 100 accidents de mobilités douces en 2024. On en compte 84 cette année. Une baisse de 16 %. Les décès reculent aussi, de 6 à 2. » Il détaille ensuite la nuit. « On passe de 23 accidents à 18. Aucun mort cette année. Ce résultat s’explique en partie par des opérations comme celle-ci. »

Il revient aussi les règles essentielles pour les trottinettes, souvent méconnues. « On ne peut pas conduire avant 14 ans. L’assurance devient obligatoire. Une personne seulement sur l’engin. Pas de trottoir, pas de voie de tramway. Le vêtement réfléchissant s’impose la nuit. Hors agglomération, il devient obligatoire tout le temps. Et le casque aussi. » Il conclut avec une statistique locale : « Montpellier passe de 48 accidents en 2024 à 28 en 2025. Une baisse de 42 %. Les efforts paient, mais la vigilance doit suivre. »

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