Toujours prisée des visiteurs, la fête des Lumières commence toutefois à lasser entre Rhône et Saône. Plusieurs candidats aux municipales proposent de réenchanter son modèle copié partout dans le monde, en retrouvant le sens initial de cet évènement.

La fête des Lumières à Lyon – et ses 2 millions de visiteurs annuels – est-elle à bout de souffle ? Après 25 ans de festivités, les projections sur les façades et les œuvres éparpillées un peu partout dans la ville semblent avoir perdu de leur magie avec le temps. Imaginée sous Raymond Barre en 1999 et propulsée par Gérard Collomb au début des années 2000, la fête des Lumières est le produit d’une époque : celle de la compétition entre les villes pour attirer la masse de touristes que charrie l’émergence des compagnies aériennes low-cost.

Lyon a alors pour modèle Barcelone et au plus fort de sa notoriété, l’événement aurait attiré jusqu’à 4 millions de personnes, selon les chiffres donnés alors par Gérard Collomb. «Gérard avait tendance à exagérer. On était probablement pas loin des 3 millions, mais il faut se souvenir que l’événement avait lieu partout en ville», glisse un proche de l’ancien maire. Et ce mélange de chauvinisme et d’exagération parfaitement assumé par Gérard Collomb fonctionnait. Lyon, ville de passage, est redevenue un lieu de destination pour les touristes français et internationaux. Mais 25 ans plus tard, la formule semble avoir vieilli. Les mappings – ces projections sur les façades d’immeubles pour leur donner une nouvelle dimension – se sont popularisés partout dans le monde, et Lyon ne fait plus vraiment figure d’exception.


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Une fête en recherche de sens

Au point de laisser certains Lyonnais en panne d’émerveillement. Une disette que n’a pas vraiment comblée une édition 2025 marquée par des contraintes budgétaires, qui a réduit le nombre d’œuvres présentées (23 contre 32 en 2024) et peu renouvelé le genre, sauf à introduire un spectacle drones, avec dix ans de retard sur le reste du monde. Face à la critique de la «disneylandisation» de l’événement, plusieurs candidats à la mairie veulent que la fête des Lumières retrouve son sens originel. Celui de l’inauguration de la statue de Marie, le 8 décembre 1852 à Fourvière, jour de la fête de l’Immaculée Conception (voir encadré). Ce soir-là, les Lyonnais avaient disposé des lumignons à leurs fenêtres pour fêter l’événement.

Nathalie Perrin-Gilbert, ancienne adjointe à la culture de Grégory Doucet, propose ainsi de consacrer le 8 décembre à ces lumignons (qui ont peu à peu disparu des fenêtres au fil des années) et d’éteindre les œuvres pour «retrouver un esprit plus calme avec un moment de respiration qui célèbre notre ville». Un constat partagé par Jean-Michel Aulas qui lui aussi aimerait commencer la fête par le 8 décembre. «La fête religieuse est devenue une fête commerciale. Il faut la recentrer pour parler de nouveau de Lyon», développe Édouard Hoffmann, qui ambitionne de devenir adjoint dédié à la culture de l’ancien patron de l’OL s’il est élu. «Il faut redonner du sens à cet événement. Sortir de la gadgétisation et du mauvais goût pour en refaire un grand événement d’union des Lyonnais. C’est ça qui attirera les visiteurs et les touristes du monde entier», abonde Alexandre Dupalais, candidat UDR/RN.

Plusieurs critiquent également la fête des Lumières à la sauce écolo, qui a parfois privilégié le message des œuvres par rapport à l’émotion qu’elles procurent. «Il y a eu un côté moralisateur à faire peser la responsabilité sur les individus. Ce n’est pas ça faire de la politique», tranche Nathalie Perrin-Gilbert. «Ils font du prêt à manger pour les visiteurs», déplore de son côté Édouard Hoffmann. Des accusations rejetées par Audrey Hénocque, première adjointe de Grégory Doucet en charge de l’événement : «Aujourd’hui les artistes sont traversés par les questions de société, sur la question du dérèglement climatique, etc.. Donc forcément ça se retrouve dans les œuvres produites. Nous, ce que l’on regarde c’est la création et la qualité de ce qui est proposé».

L’élue écologiste ne croit pas non plus à cette autoflagellation locale à propos de la fête des Lumières : «Est-ce que les Lyonnais en ont marre ? Je ne pense pas. Je vois beaucoup de gens qui sont attachés au 8 décembre mais aussi à la version fête. Beaucoup de néo-Lyonnais sont ravis de la découvrir.» Cette année encore, les hôtels ont fait le plein avec un taux d’occupation en hausse de 19% par rapport à 2024. Car là est le tour de force réalisé par Gérard Collomb : organiser un événement aux retombées mondiales pour sa ville pour un prix relativement modéré. Chaque fête des Lumières coûte près de 3,5 millions d’euros. «Mais 1 euro investi dans la fête c’est environ 6 euros de retombées pour le territoire. C’est la fourchette très haute pour ce genre d’événement», détaille la première adjointe. Difficile dans ce contexte de réduire la voilure tant la fête est importante pour l’économie locale.

Réenchanter les lumières, un enjeu de campagne

À quatre mois des municipales, plusieurs candidats y vont désormais de leurs propositions afin de réenchanter la fête. Jean-Michel Aulas veut ainsi «redonner à Lyon une fête ambitieuse, financée à hauteur des besoins en associant public et privé». «Il faut être audacieux, ajoute Édouard Hoffmann. Pourquoi ne pas avoir un artiste associé ? Pourquoi ne pas imaginer un grand concert son et lumière comme celui de Jean-Michel Jarre lors de la venue du pape à Lyon en 1986 ? Et pourquoi ne pas faire revenir le Pape d’ailleurs pour les 40 ans de sa venue ? Pourquoi ne pas créer une spécialité culinaire spécialement pour l’événement ? On mangerait des «cœurs lyonnais» (Nom du mouvement de Jean-Michel Aulas, ndlr)».


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De son côté Nathalie Perrin-Gilbert souhaite faire durer la fête du 8 au 21 décembre, jour de la fin du solstice d’hiver. «Mon idée est de créer une ballade de la cité internationale à la confluence par un cheminement lumineux en utilisant notre patrimoine et nos cours d’eau», propose la candidate. Chez les Verts, Audrey Hénocque espère, elle, ouvrir la fête à plus de quartiers : «On a déjà commencé à décentraliser. Mais j’aimerais que l’on aille plus loin en travaillant dans tous les arrondissements avec des collectifs d’artistes, des étudiants».

Une nouvelle donne sécuritaire depuis 2016

Depuis les attentats de 2015, la fête se déroule dans des périmètres restreints. Une sécurisation qui pèse sur le budget de l’événement et qui a probablement participé à lui faire perdre un peu de magie. «Comme tout événement qui s’inscrit dans la durée, il faut trouver l’énergie de l’innovation initiale pour rester premier. Mais les attentats de 2015 ont probablement cassé la dynamique de la fête et on n’en est pas encore tout à fait sorti», analyse Georges Képénékian, ancien maire de Lyon et adjoint de Gérard Collomb chargé de l’organisation de l’événement.

Plus vraiment unique, la fête des Lumières est à la croisée des chemins. Retrouver son sens initial sans perdre de sa popularité. Rester grand public sans participer au tourisme de masse. Se déployer partout en ville tout en garantissant la sécurité des visiteurs. Une équation compliquée que la prochaine majorité aura la charge de résoudre.

L’histoire de la fête des Lumières et du 8 décembre

Protectrice de la ville de Lyon depuis le 17e siècle, la Vierge Marie est remerciée en 1852 par la création d’une statue qui doit être inaugurée le 8 septembre, jour de la fête de la nativité et jour du vœu des échevins à Lyon. Mais une crue de la Saône empêche le transport de la statue ce jour-là. L’archevêché décide alors de reporter au 8 décembre, Fête de l’Immaculée Conception, l’installation de l’œuvre. Le 8 décembre, le temps est de nouveau peu clément et la cérémonie va être de nouveau annulée. Mais à la faveur d’une éclaircie les Lyonnais descendent dans les rues, disposent des lumignons pour illuminer leurs fenêtres et éclairent la statue de la chapelle de Notre-Dame-de-Fourviere pour rendre hommage à la vierge.