« On nous tire une balle dans le pied au plus mauvais moment. Cette marque « Sud de France » pour laquelle la Région Occitanie et les entreprises ont investi depuis près de vingt ans, est un outil efficace à l’export. Nous le retirer, c’est nous faire reculer commercialement. L’arrachage et la distillation ne suffiront pas à nous sortir de la crise. Les appuis à la commercialisation sont indispensables pour ménager un avenir à la filière vin ! », s’insurge Denis Verdier, président de la fédération des IGP Sud de France.

La décision du Conseil d’Etat, qui a confirmé le 3 décembre dernier l’interdiction de la mention « Sud de France » sur les étiquettes de vin décidée en juillet 2023 par le ministre de l’Agriculture, a suscité colère et incompréhension au sein des professionnels de la filière, confrontée à une grave crise viticole. Leur déception est d’autant plus grande que le rapporteur d’Etat avait, un mois plus tôt, rendu un avis favorable à leur requête.

93 millions de bouteilles

Lancée en 2006 par Georges Frêche, alors président de la Région Languedoc-Roussillon, cette marque était destinée à fédérer sous une même ombrelle l’ensemble des vins du Languedoc-Roussillon afin de communiquer plus efficacement, notamment à l’international.

Grâce au soutien financier de la collectivité régionale, qui a systématiquement doublé les moyens que les interprofessions viticoles ont déployés pour lancer cette marque, Sud de France a vite conquis les opérateurs régionaux qui désormais apposent le logo sur la très grande majorité de leurs bouteilles expédiées à l’exportation.

D’après une enquête réalisée en 2022 par l’Union des entreprises viticoles méditerranéennes (UEVM) auprès de ses adhérents, 93 millions de bouteilles commercialisées à l’export affichent chaque année la mention « Sud de France » sur l’étiquette. Cela représente plus d’un milliard et demi de bouteilles depuis le lancement de la marque. Le coût de la suppression de cette mention est évalué à 6 millions d’euros…

« Une décision bureaucratique qu’on ne comprend pas »

Pour Françoise Antech, à la tête de la Maison Antech, entreprise familiale basée à Limoux dans l’Aude qui exporte 85 % de sa production, c’est l’incompréhension : « C’est désolant. On a investi et travaillé toutes ces années pour cette marque dont on nous prive aujourd’hui. C’était un atout précieux sur le grand export car le sud de la France, ça parle à tout le monde, c’est évocateur d’images positives. C’est une décision bureaucratique qu’on ne comprend pas ».

La décision est effectivement fondée sur l’interprétation du règlement européen sur l’étiquetage.

« Le Conseil d’Etat s’est octroyé le droit d’interpréter la règlementation européenne, sans solliciter les institutions européennes, sans considérer l’argumentation étayée du rapporteur public et sans prendre en compte la réalité économique de notre secteur », déplore Jean-Claude Mas, président de l’UEVM, qui ne veut pas lâcher le morceau. Nous allons porter l’affaire devant la Cour européenne de justice pour faire réviser ce jugement calamiteux pour l’ensemble de notre profession. »

Pour le négociant-producteur héraultais, les implications de cette décision sont très graves : « En nous privant de cette mention, on détruit de la valeur ajoutée construite depuis vingt ans. Avec « Sud de France », c’est beaucoup plus qu’une mention géographique qu’on fait passer, c’est un art de vivre que partagent beaucoup de nouveaux consommateurs. Si cette année, mes ventes ont progressé de 40 % aux Etats-Unis malgré la taxe Trump, c’est grâce à cette communication positive », argumente-t-il.

Retirer cette mention est un travail colossal

L’interdiction d’apposer cette mention sur les étiquettes engendre également un travail monstrueux. Sur le marché américain, par exemple, toute nouvelle étiquette doit être validée au préalable par le Alcohol and Tobacco Trade Bureau. Et cette validation doit être obtenue par chaque importateur.

« C’est un travail colossal qui peut prendre six mois à un an, peste Jean-Claude Mas. Si Notre- Dame a pu être rénovée en cinq ans, c’est que notre Président a su alléger le carcan bureaucratique qui aurait nécessité plus de vingt ans de travaux. Notre région Occitanie vient d’être reconnue territoire d’exception par les pouvoirs publics, pourquoi ne pas bénéficier de cette même exception bureaucratique, sachant le poids que pèse la filière viticole dans l’économie régionale ? »

Néanmoins, l’UEVM a engagé une réflexion sur la recherche d’une identité pour les vins de la région qui révèlerait l’imaginaire du sud de la France. Les résultats sont attendus pour début 2027.