« À quoi bon ? », pourrait-on se dire, puisqu’il existe déjà Google Maps et Google Earth, qui à eux seuls, couvrent déjà l’entièreté de la planète. C’est en partie vrai, mais cet atlas créé par une équipe de chercheurs de l’Université Technique de Munich (TUM) ne joue pas vraiment dans la même division.

Formé à partir de données satellites collectées depuis 2019, ils ont cartographié 2,75 milliards de bâtiments sur toute la planète, le tout en 3D. Là réside l’énorme différence entre ce projet, baptisé GlobalBuildingAtlas (accesssible sur cette page), car les deux outils de cartographie de Google, si puissants soient-ils, n’offrent qu’une vue aérienne et les reconstitutions tridimensionnelles des structures ne sont pas représentées partout. Sur ce point, ils sont incomplets et ne fournissent aucune donnée métrique sur les bâtiments qu’ils montrent, contrairement à cet atlas. Tout juste mis en ligne, il a été accompagné d’un article publié le 1er décembre dans la revue Earth System Science Data.

Empire State BuildingIl suffit de cliquer sur un bâtiment pour avoir immédiatement des données sur sa hauteur : ici, l’Empire State Building. © Capture d’écran / GlobalBuildingAtlas L’urbanisation dévoilée sous son vrai visage

Il est ainsi possible de se promener librement sur la carte (de manière très fluide, soit dit en passant), de zoomer jusqu’à votre propre maison, d’aller voir d’en haut les plus hautes métropoles du monde, ou au contraire de vous perdre dans des villages complètement isolés. « Avec des modèles 3D, nous voyons non seulement l’empreinte mais aussi le volume de chaque bâtiment, offrant des aperçus bien plus précis des conditions de vie », explique le Pr. Xiaoxiang Zhu, responsable du projet à la TUM.

Dans l’atlas, la surface du monde est quadrillée en cases de 3 mètres sur 3, et chaque case où un bâtiment a été détecté (grâce à des algorithmes) a été transformé en modèle 3D. Un niveau de détail ahurissant, qui permet de calculer le volume et l’élévation de chaque construction et d’en déduire la forme générale du bâti et leur occupation de l’espace.

Il peut tout à fait être utilisé comme outil de travail pour des étudiants, des professionnels des sciences humaines et sociales (géographes, sociologues, anthropologues, etc.), des employés gouvernementaux ou d’ONG. Pour la première fois, nous avons sous la main une base de données géographiques mondiale standardisée, indispensable pour mener certains travaux ou des recherches comparatives.

Un géographe peut analyser la densité d’un quartier au Bangladesh avec les mêmes outils qu’un étudiant travaillant sur Montréal. De même, les ONG peuvent repérer en un clin d’œil les zones où l’urbanisation est sous tension, ce qui pourrait aider à mieux cibler de potentielles interventions humanitaires ou programmes d’aide. Les applications de cet atlas sont virtuellement illimitées.

Les limites des atlas qui ne voient que l’Occident

Son autre gros avantage par rapport aux autres base de données, c’est que la quasi-totalité des bâtiments sont représentés en 3D, ce qui n’est pas le cas pour d’autres. La plupart sont biaisées, se concentrant principalement sur les pays riches, avec des images satellites principalement disponibles pour l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie de l’Est.

Pour illustrer cette différence de représentation, voici un exemple visuel comparant le centre-ville de Cochabamba (Bolivie) tel qu’il apparaît sur Google Earth et sur le GlobalBuildingAtlas. Sur Google Earth, les reliefs sont inexistants et les bâtiments apparaissent comme de simples aplats ; il est donc impossible d’y distinguer leur hauteur réelle ou leur volume.

CochabambaDeux visions du même quartier : la structure tridimensionnelle (haut) et la réalité photographique (bas). © GlobalBuildingAtlas / TUM  et Google Earth. Montage : Camille Coirault pour Presse-citron

Cette base de données est aussi ouverte à la communauté scientifique ou même aux simples curieux, désireux d’en savoir plus sur les dynamiques urbaines de l’habitat humain. En effet, chacun peut télécharger librement les modèles 3D de l’atlas, les analyser et s’en servir pour documenter l’évolution des villes. Une initiative rare que nous saluons avec enthousiasme, tant elle peut donner un nouvel élan aux études en urbanisme et aider à la prise de décision politique. Le GlobalBuildingAtlas est, de plus, voué à évoluer, car Zhu souhaite y intégrer des données chronologiques afin de suivre la transformation des villes au fil des années. Un très beau projet donc, qui, s’il tient dans le temps, pourrait devenir un outil de référence mondiale de l’analyse urbaine.

  • Des chercheurs allemands ont publié une carte mondiale en 3D qui modélise presque tous les bâtiments de la planète avec une précision inédite.
  • Contrairement aux outils grand public, cette base rend visibles la hauteur et le volume du bâti, ce qui ouvre de nouvelles possibilités pour analyser les villes, les territoires oubliés et les inégalités spatiales.
  • Le projet doit encore intégrer une dimension historique, ce qui permettra de suivre l’évolution réelle des zones urbaines et d’en faire un outil de référence pour la recherche et la planification.

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