C’est le nouveau chapitre d’un différend de longue date entre les deux pays. Des affrontements meurtriers à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge ont provoqué depuis le début de la semaine l’évacuation d’un demi-million de personnes. La querelle entre les deux voisins d’Asie du Sud-Est, qui se disputent des morceaux de territoire autour de plusieurs temples anciens, s’est transformée en champ de mines géopolitique, avec le président américain Donald Trump en conciliateur. On vous résume la situation :

De quoi on parle ?

Le différend territorial dure depuis des décennies, mais la dernière flambée de tensions a débuté en mai par un échange de tirs qui a coûté la vie à un soldat cambodgien. Les deux camps ont affirmé avoir agi en situation de légitime défense, avant de prendre des mesures de représailles. La Thaïlande a restreint les passages frontaliers et le Cambodge suspendu certaines importations.

La fuite d’une conversation téléphonique privée entre la Première ministre thaïlandaise de l’époque Paetongtarn Shinawatra et l’influent ancien dirigeant cambodgien Hun Sen a provoqué une crise politique en Thaïlande et un changement de gouvernement.

Que s’est-il passé en juillet ?

Les tensions ont dégénéré en conflit ouvert en juillet. Le Cambodge a tiré des roquettes sur la Thaïlande, tandis que des avions F16 thaïlandais frappaient des cibles militaires cambodgiennes près de deux temples historiques situés à la frontière. Cinq jours de combats, dont Bangkok et Phnom Penh se sont rejeté la responsabilité, ont fait 43 morts et contraint environ 300.000 personnes à évacuer.

Les deux parties sont convenues fin juillet d’un cessez-le-feu, négocié par les Etats-Unis, la Chine et la Malaisie, pays assurant la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean). Le 26 octobre, les dirigeants thaïlandais et cambodgien ont cosigné un accord de cessez-le-feu avec le président américain Donald Trump, qui a mis en avant de nouveaux accords commerciaux avec les deux pays après cette décision.

Pourquoi le cessez-le-feu n’a pas tenu ?

Le cessez-le-feu fragile n’a tenu que quelques semaines, jusqu’en novembre. La Thaïlande l’a suspendu après que plusieurs de ses soldats ont été blessés par des mines terrestres, posées récemment, selon des observateurs internationaux. D’intenses affrontements ont repris le 7 décembre à la frontière et chaque camp a une nouvelle fois accusé l’autre d’en être à l’origine.

Au moins 14 personnes, dont neuf civils cambodgiens et cinq soldats thaïlandais, ont été tuées, selon les autorités. Et plus d’un demi-million de personnes ont évacué les régions frontalières, où avions, drones et chars sont à la manœuvre.

Quelles sont les réactions diplomatiques ?

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et la Chine, qui entretient des liens étroits avec les deux pays asiatiques, ont respectivement appelé à la « désescalade » et à « faire preuve de retenue ». Donald Trump a lancé mardi soir lors d’un rassemblement devant ses partisans en Pennsylvanie qu’il comptait « passer un coup de fil » mercredi aux dirigeants thaïlandais et cambodgien pour leur demander de cesser les hostilités. Le conflit est l’un de ceux que le président américain affirme avoir contribué à résoudre.

D’où viennent ces tensions ?

La frontière de 800 kilomètres entre les deux royaumes d’Asie du Sud-est a été largement tracée durant l’occupation française de l’Indochine entre 1863 et le milieu des années 1950. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Thaïlande a acquis certains territoires cambodgiens qu’elle convoitait, mais a été contrainte de les restituer à la France en 1946.

Le renversement du régime communiste des Khmers rouges en 1979 a encore brouillé les limites, ses derniers membres ayant trouvé refuge le long de la frontalière thaïlandaise, poreuse à toutes sortes de trafics. Des dizaines de kilomètres restent contestés et des affrontements militaires ont éclaté en 2008 autour du temple de Preah Vihear, vieux de 900 ans et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Des violences sporadiques entre 2008 et 2011 ont provoqué la mort d’au moins 28 personnes et le déplacement de dizaines de milliers d’autres.