Par
Brian Le Goff
Publié le
10 déc. 2025 à 18h39
Des expériences marquent plus que d’autres. Et c’est bien l’objectif de Climate Sense, une chambre climatique qui simule les futures conditions météorologiques sur la planète selon la trajectoire actuelle du réchauffement climatique. Un dispositif développé par la Human Adaptation Institute, fondée par Christian Clot. « On a pu démontrer avec des recherches que, malheureusement, avoir connaissance de quelque chose ne fait pas changer de comportement, mais qu’il faut ressentir sensoriellement les choses pour avoir envie de changer », développe l’explorateur et chercheur suisse pour expliquer la création de ce camion. Concrètement, dans un semi-remorque, une pièce a été aménagée et permet de faire des exercices physiques et gestes de la vie quotidienne dans une atmosphère chauffée à 50 °C à l’ombre. Un climat que plusieurs villes de France pourraient connaître à partir des années 2050. Plusieurs journalistes des rédactions d’actu.fr et d’actu Rennes ont donc testé Climate Sense, de passage dans la capitale bretonne.
Une température 3,5 fois supérieure à celle de l’air ambiant
En cette fin de matinée de début décembre, la température est douce pour la période : environ 14 °C à l’extérieur. Dans quelques instants, avec quatre autres collègues, nous allons entrer dans cet espace où la température est multipliée par 3,5. Soit 50 °C.

La chambre climatique est installée au sein d’un camion qui se déplace dans toute la France. (© Alexandra Segond / actu.fr)
Mais, avant cela, nous signons une décharge de responsabilité qui précise les conditions qu’il faut respecter pour participer à l’expérimentation : avoir plus de 18 ans, ne pas être enceinte, ne pas souffrir de maux de tête, nausées, crises d’asthme, ni prise d’aspirine. Une fois signée, nous entrons dans le sas avant la salle chauffée à près de 50 °C.
Pour se rendre compte de l’effet physique du Climate Sense, notre température corporelle et notre pouls sont pris avant l’expérience et le seront également après. Pour ma part, 36,1 °C et 56 battements par minute avant l’entrée dans la salle. Une fois cette étape passée, il est maintenant temps de vivre une trentaine de minutes à 50 °C.
Premier exercice : 10 minutes de step
La première sensation est immédiate, il fait évidemment chaud et ce n’est que le début. L’impression d’entrer dans de l’air plus compact qu’à une température habituelle est à noter. Nous enlevons sur-le-champ nos vestes et écharpes que nous portions avant d’entrer dans le Climate Sense, tant la chaleur est intense.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Christian Clot nous met maintenant en action. Il nous propose d’effectuer dix petites minutes de step à une allure modérée, comme si nous montions des marches, comme ce que l’on pourrait faire au quotidien.
Visualiser le contenu sur Instagram
Au bout des toutes premières minutes, la première chose que nous observons, c’est la réaction de notre corps : il rougit. Et on sent la surface de notre peau chauffer comme lorsque nous sommes exposés en plein soleil durant l’été sans protection. Quand on pose nos mains sur notre peau, nous ressentons une certaine fraîcheur, alors que d’habitude, c’est plutôt l’inverse. Pour rappel, la chaleur est de 50 °C simulée à l’ombre.
50 °C, une température déjà atteinte sur la Terre
En 2022, le Pakistan avait connu trois semaines à cette température. Le Mexique aussi. En Arabie saoudite et au Moyen-Orient, on atteint régulièrement 50 °C, rappelle Christian Clot.
Corps humide et objets du quotidien difficiles à tenir en main
Au bout de ces dix minutes, l’ensemble de notre corps commence à transpirer et est humide. Christian Clot nous propose de boire de l’eau à température ambiante. Les gorgées sont plus chaudes que notre corps, comme si nous buvions une tisane.
De nombreux objets de la vie quotidienne sont disposés dans la pièce : petite voiture en métal, boucles d’oreilles, cuillère en bois, téléphone, étagère en métal, tétine… Parfois, en les manipulant, la chaleur est supportable et d’autres fois, absolument pas. « Certaines matières plastiques comme celles utilisées dans les tétines libèrent des PFAS à la température de 50 °C », glisse Christian Clot.
« Le cerveau est le premier élément affecté par la chaleur »

Les gouttes de sueur se multiplient sur mon front en quelques minutes. (©Emma Derome / actu.fr)
Après 15 minutes à l’intérieur de cette chambre climatique, les gouttes de sueur se répandent sur la surface de mon front et mes vêtements deviennent, eux aussi, humides. Ma vision change un peu ; je commence à être essoufflé. J’ai l’impression de planer, que je réfléchis plus lentement. « Le cerveau est le premier élément affecté par la chaleur », confirme l’explorateur et chercheur suisse, à l’origine de ce dispositif unique.
Notre cerveau a besoin de rester à 36 °C pour bien fonctionner. Il cherche donc à se protéger à tout prix, car s’il réfléchit trop, sa température augmente encore. Ainsi, il va essayer de se dégrader au maximum pour réduire son risque. Il va déconnecter certaines parties sur le moment, comme celles associées à la mémoire, aux fonctions sociales et à la concentration.
Christian Clot
Explorateur et chercheur suisse à l’origine du Climate Sense
Justement, après 20 minutes à 50 °C, celui qui est aussi écrivain et auteur du livre Les clefs de l’adaptation humaine (éditions Denoël) nous propose de répondre à quelques exercices de réflexion. Mais, aussitôt, la tâche s’avère difficile.
Sur un exercice avec un calcul pourtant simple au premier abord, je n’y arrive pas. De même, lire une liste de mots, puis devoir les réécrire en se souvenant de tous est vraiment impossible. Au bout de dix minutes, je n’ai fait que trois exercices et encore, sans vraie réussite, et il est déjà l’heure de sortir du Climate Sense.
Sortir de 50 °C, c’est comme rentrer dans une chambre froide
Nous récupérons nos vestes et la porte s’ouvre enfin. La sortie de la pièce à 50 °C s’avère glaciale. Alors que le sas est à 30 °C, nous avons la sensation d’entrer dans une chambre froide. Nos corps sont totalement moites, néanmoins nous avons très froid.
« La plupart des personnes en France et même en Europe n’arrivent pas à comprendre ce que veut dire la chaleur. On n’a pas tellement vécu ça dans le passé, on n’a pas d’expérience là-dessus. Et de ce fait, pas mal de personnes me disent avant d’arriver dans la chambre climatique : ‘en fait, moi je sais très bien ce que c’est la chaleur, j’ai déjà vécu par 50 °C.’ Mais elles ne se rendent pas compte que, non, 50 °C au soleil, ce n’est pas 50 °C à l’ombre. Il y a un besoin de comprendre. »
Christian Clot
Explorateur et chercheur suisse
À notre sortie, ma température corporelle est proche des 38 °C et mon pouls autour de 84 battements par minute.

Toutes les surfaces sont chaudes. Aucun répit n’est offert à notre corps durant cette expérience. (©Alexandra Segond / actu.fr)Ne pas revivre ça
Une fois l’expérience vécue, je sais que ne souhaite pas la revivre. Sur ce point, Christian Clot propose trois grands axes pour limiter ce qui n’est aujourd’hui plus une possibilité, mais bien une réalité qui arrivera : « C’est ce qui nous attend dans les années 2050 en France. Pour contrer cela, réduisons au maximum notre impact. Il va falloir changer nos horaires l’été en travaillant le matin et non plus l’après-midi, ajouter beaucoup d’arbres, de végétation et d’ombrières pour se protéger et réfléchir à nos achats d’appareils, type climatiseurs, car ceux que nous possédons aujourd’hui ne fonctionnent plus au-delà de 40 à 45 °C. »
Quelques minutes après l’expérience, notre collègue, Emma, s’en remet tout doucement : « J’ai encore l’impression d’avoir chaud à l’intérieur malgré le choc thermique à la sortie. Et, malgré le fait que je sois habituée au sauna, j’ai trouvé ces 30 minutes vraiment très longues. »
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.