Le 9 décembre, un nouveau sondage sur les élections municipales 2026 est sorti à Strasbourg. Commandé à Elabe par Horizons, le parti de Pierre Jakubowicz, on y voit une Catherine Trautmann qui accroît largement son avance sur Jeanne Barseghian et un Jean-Philippe Vetter qui décroche. Par ailleurs, Pierre Jakubowicz passe la barre des 10%. Une nouvelle photo à l’instant T qu’il faut décrypter.

À 94 jours du premier tour des municipales, un nouveau sondage vient rythmer la campagne strasbourgeoise. Commandé à l’institut Elabe par Horizons, Pokaa a pu y avoir accès, transmis par Pierre Jakubowicz. Une deuxième « prise de température », après un premier sondage IFOP commandé par Jean-Philippe Vetter (LR) en septembre et qui avait fait parler.


Depuis, bien des choses ont changé : Nicolas Matt a suivi le sens du vent, rejoignant le leader LR qui était en haut du panier en septembre, Florian Kobryn a été désigné tête de liste LFI, le centre-gauche s’est morcelé entre Linda Ibiem et Thibaut Vinci, tandis que Cem Yoldas mène une liste antiraciste et antifasciste et que Fahad Raja Muhammad veut « reconstruire Strasbourg ». Enfin, UTILES 67 continue de travailler sur son programme.

hotel de ville © Nicolas Kaspar / Pokaa

Étape 1 : que disent les chiffres bruts ?

Tout cela nous mène donc à ce nouveau sondage, qu’il faut analyser. Déjà, il faut regarder ce qui va forcément animer les prochains jours de discussion de politique locale : les chiffres. Le sondage Elabe de décembre confirme la première place de Catherine Trautmann dans la course à l’Hôtel de Ville, l’ancienne maire récoltant 29 %, soit 4 % de plus qu’en septembre. Elle accroît ainsi largement son avance sur ses adversaires.

Car si Jean-Philippe Vetter était au coude à coude en septembre [dans le sondage qu’il avait commandé, ndlr], le candidat LR décroche sérieusement moins de trois mois plus tard : il ne récolte plus que 16 % des voix, dérapant de 8 %. Dans sa chute, il arrive alors à égalité avec Jeanne Barseghian, qui elle perd 1% par rapport à septembre.

catherine trautmann

vetter

jeanne barseghian

© Nicolas Kaspar / Pokaa

Le reste des candidat(e)s se tient ensuite dans un mouchoir de poche : Florian Kobryn perd un point par rapport à Emmanuel Fernandes et arrive à 12 %, devant Virginie Joron qui stagne (ou se maintient, c’est selon) à 11 %.

Surtout, enseignement important : Pierre Jakubowicz réussit à atteindre les 10 %, se qualifiant pour le second tour. Enfin, 14 % n’expriment pas d’intention de vote. Si on en restait là, on aurait donc potentiellement 6 candidat(e)s au second tour ! Bonjour le jeu des alliances.

kobryn lfi

virginie joron

Pierre Jakubowicz

1. et 3. © Nicolas Kaspar / Pokaa ; 2. © Parlement européen / Document remis

Étape 2 : cela reste un sondage, donc il faut de la mise en contexte

On le rappelle, mais un sondage reste une photographie à l’instant T, il est donc à prendre avec des pincettes. Pour celui-ci, il a été réalisé par entretien téléphonique sur la période du 24 novembre au 2 décembre, sur un échantillon de 855 personnes, soit 241 personnes de plus que le sondage IFOP, dont 600 inscrites sur liste électorale. Un échantillon qui « autorise » une marge d’erreur entre 2,1 et 4,9 points de pourcentage selon le sondage.

La marge d’erreur est donc un critère important à avoir en tête car elle peut rabattre les cartes, notamment avec un sondage qui montre le faible écart entre les candidat(e)s, hors Catherine Trautmann. De plus, les 600 personnes inscrites sur liste électorale représentent 0,4 % du total des inscrites et 1,16 % des votantes en 2020. Sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes ont même indiqué avoir été sondées sur les deux sondages, ce qui interroge ; en effet, si on sonde les mêmes personnes, on peut avoir les mêmes résultats.

sondage © Elabe – Horizons via France Elect / Document remis

Par ailleurs, il est également bon de rappeler que le sondage a cette fois-ci été commandé par Horizons, le parti de Pierre Jakubowicz. Une donnée qui explique peut-être certains résultats, alors que ceux-ci sont positifs pour le candidat macroniste et défavorables pour Jean-Philippe Vetter.

Enfin, niveau méthodologie, si ce sondage évite l’écueil de faire concourir des candidat(e)s qui ne le sont pas, il ne teste que deux autres candidatures en plus des six principales : celle de Cem Yoldas pour « Strasbourg c’est nous » et soutenue notamment par le NPA, créditée d’un intéressant 5 %, et celle de Thibaut Vinci arrivant à 1 %. Pas de Linda Ibiem, ni de Fahad Raja Muhammad.

cem yoldas

thibaut vinci

© Nicolas Kaspar / Pokaa

Étape 3 : qu’est-ce qu’on peut retenir de ce nouveau sondage ?

Finalement, que nous dit cette photographie à l’instant T ? Déjà, le sondage renforce le narratif d’une Catherine Trautmann seule au monde. L’ancienne maire, bien qu’elle ait reçu l’investiture du PS, mène une campagne sans étiquette politique, se plaçant littéralement au centre, « au-dessus de la mêlée » [preuve en est : son dernier point presse sur le sujet de la sécurité, ndlr]. Ce qui lui permet d’agréger des sympathisant(e)s en profitant de sa renommée, grignotant des voix notamment à droite.

catherine trautmann © Nicolas Kaspar / Pokaa

À droite en revanche, ce sondage opère un retournement de la dynamique. Alors que Jean-Philippe Vetter montrait les muscles en demandant il y a quelques semaines à Pierre Jakubowicz de le rejoindre, ce dernier semble rentrer dans une dynamique en passant les 10 %. Petit clin d’oeil farceur du destin : pour arriver à 10 %, ses 6 % du sondage IFOP « récupèrent » les 4 % de Nicolas Matt. De quoi (re)devenir un acteur important dans le jeu des alliances.

Le candidat ne s’y trompe pas, en réagissant pour Pokaa au sondage : « Ce sondage est une bonne nouvelle, parce qu’il confirme ce que les Strasbourgeois me disent : une bonne dynamique avec une campagne innovante et fédératrice, le centre est incontournable pour la victoire. Avec cinq candidats qui sont dans un mouchoir de poche, l’élection est ouverte ! »

Difficile en revanche d’expliquer le décrochage de Jean-Philippe Vetter. Peut-être que le ralliement de Nicolas Matt lui donne une étiquette « macron-compatible » qui ne passe pas, ou alors que le retour des discours plus à droite sur la « préférence républicaine » et « l’ordre républicain » après des mois d’ouverture vers le centre ont froissé. Ou tout simplement est-ce le jeu des sondages, où Pierre Jakubowicz et Jean-Philippe Vetter ont chacun gagné et perdu selon qui commandait le sondage, dans un rapport de force au sein d’un réservoir de voix limité à Strasbourg.

vetter

Pierre Jakubowicz

© Nicolas Kaspar / Pokaa

Enfin, un autre enseignement du sondage est que Strasbourg reste un bastion de gauche. Si l’on compte Catherine Trautmann, on arrive à un total de 62 % ; à gauche de Catherine Trautmann, les candidat(e)s agrègent 33 % des voix. De quoi mettre en avant l’importance des futures alliances, alors que la candidate PS pourrait s’allier par exemple avec Pierre Jakubowicz, dans une potentielle position du faiseur de roi/reine de l’élection.

Côté Jeanne Barseghian, son équipe pourra peut-être se réjouir d’une dynamique qui stagne. Alors que la maire n’est pas encore entrée personnellement en campagne, elle est déjà attaquée de toutes parts, notamment sur sa gestion de l’affaire Polesi, et n’a pas encore le soutien des communistes. La tâche sera tout de même ardue, surtout qu’il faudra composer avec LFI, qui elle aussi cherche le rapport de force pour passer devant au premier tour.

Sauf que pour elle aussi, la tâche ne sera pas aisée. Ayant enclenché une dynamique de campagne avec de nombreux points presse, événements et le dévoilement de son programme, LFI semble pourtant être coincée entre les Écologistes à sa droite [avec qui Florian Kobryn a travaillé à la CEA avant de quitter le groupe, ndlr] et « Strasbourg c’est nous » à sa gauche. Les 5% de Cem Yoldas sont un vrai caillou dans leur chaussure, lui qui n’a pas manqué de critiquer LFI sur leur proposition de rendre le marché de Noël payant les week-ends pour les touristes.

Alors que ce sondage fait poindre la possibilité d’une hexagulaire au second tour à Strasbourg, le jeu des alliances avant le premier tour sera primordial pour affiner les chances de chacun(e) de l’emporter. La campagne est encore longue et de nombreuses surprises peuvent encore arriver, avec sans aucun doute de nouveaux sondages aux méthodologies diverses et variées. La jungle des municipales n’a pas dit son dernier mot, loin de là.