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À Cahors, les enfants d’Eugène Pujol ont fait don de quarante œuvres du peintre. Une décision mûrie depuis plus de dix ans, destinée à préserver son héritage et à l’ancrer définitivement dans la mémoire culturelle du Quercy.

À Cahors, on manquait presque de chaises pour assister à l’entrée officielle de quarante œuvres d’Eugène Pujol dans les collections du musée Henri-Martin, mercredi 10 décembre. Plus qu’un don, un geste familial mûri de longue date. Et une question en suspens : pourquoi maintenant, et pourquoi si généreusement ?

Dominique Pujol et sa sœur Claudine Calvet, très émues, n’ont pas laissé planer le doute. « Pour que notre père continue à vivre », souffle Dominique, la voix encore prise. Leur père, né à Carbonne en 1899, installé à Cahors peu avant les années 30, a peint pendant près de soixante-dix ans. Une existence entière passée à saisir les lumières du Lot, les arbres du Quercy, les paysages vus depuis Cabessut ou Labéraudie. « Je pense qu’il méritait cela », ajoute-t-elle simplement.

« C’était le moment »

Depuis son décès en 1986, ses enfants ont conservé près de 1 300 pièces qui constituent le fonds de son atelier. Les œuvres, soigneusement préservées, racontent à la fois la vie intime du peintre et son attachement profond à Cahors. Mais avec l’âge – Claudine a 88 ans, Dominique 84 – la question de la transmission s’est imposée. « C’est une meilleure conservation. C’était le moment », explique Claudine Calvet, convaincue que la pérennité des toiles passe désormais par une institution.

Les toiles se dévoilent devant les enfants du peintre.

Les toiles se dévoilent devant les enfants du peintre.
DDM – A.M.

Pour la Ville, l’arrivée de ces œuvres constitue un tournant. Depuis la réouverture du musée en 2022, la collection Pujol manquait cruellement, malgré quatre pièces déjà inventoriées. Le maire, Jean-Luc Marx, l’a rappelé. « Merci à Eugène Pujol, à sa famille et à ses descendants pour ce don exceptionnel. » La donation évaluée à près de 31 000 euros, représente l’équivalent de cinq à six ans d’acquisition par la Ville.

Une donation longuement mûrie

La directrice du musée, Rachel Amalric, confirme que la donation n’a pas été improvisée. Près d’une douzaine d’années de discussions, de repérages, d’inventaires, suspendus par les travaux du musée puis par la crise sanitaire. Un travail patient pour sélectionner un ensemble cohérent : paysages du Lot, portraits, bouquets, scènes familiales, vues de Cahors à toutes les saisons. Une collection désormais reconnue d’intérêt public par l’État.

Dominique Pujol et Claudine Calvet ne cachent pas leur émotion, aboutissement d’un long chemin de près de dix ans.

Dominique Pujol et Claudine Calvet ne cachent pas leur émotion, aboutissement d’un long chemin de près de dix ans.
DDM – A.M.

Quand Sabine Maggiani, responsable scientifique des collections, dévoile les œuvres, les deux enfants murmurent, commentent, sourient. Un autoportrait inachevé, deux dessins préparatoires de Mademoiselle Tassart, des paysages de neige, le moulin de Labéraudie, les rives du Lot qui défilent encore, des arbres jaillissant au cœur des compositions. Tout ce que les critiques saluaient déjà en 1930 : un art sensible, précis, habité.

Ce don, c’est aussi une manière de revenir au territoire. Pujol peignait Cahors « de jour comme de nuit », selon les mots de Sabine Maggiani, observant ses monuments depuis des points de vue rares : Saint-Georges, le pont Valentré, Cabazat. Offrir ces œuvres au musée, c’est rendre au Quercy ce regard patient qui l’a tant célébré.

La Ville a choisi d’accompagner la donation d’un hommage symbolique : un arbre planté la veille portera désormais le nom d’Eugène Pujol, avec une plaque inaugurée au printemps. Un second arbre sera implanté à Pradines, près de la maison familiale. À la sortie de la cérémonie, Claudine Calvet résume l’émotion du moment. « Il en aurait été fier. »