C’est une petite musique que l’on entend souvent dans les tribunaux. Quand un prévenu ou un accusé est condamné, il arrive qu’il rejette la faute sur les magistrats ou sur son avocat, lequel n’aurait pas été à la hauteur pour le défendre. Nicolas Sarkozy ne déroge pas à cette règle et fait les deux. Après avoir critiqué les juges, qui l’ont condamné à cinq ans de prison avec mandat de dépôt différé et exécution provisoire dans le procès libyen, l’ancien président de la République s’en prend à son ancien avocat et ami, Me Thierry Herzog.

« Mon amitié peut me conduire à être faible, à ne pas me séparer à temps de personne en bout de course ou à trouver des excuses à certaines insuffisances », écrit-il dans son livre « Le journal d’un prisonnier ». Sa relation ancienne avec le pénaliste parisien l’a, dit-il, « aveuglé sur la possibilité qui était la sienne d’embrasser un dossier qui avait pris une telle ampleur ».

« Très inélégant et totalement injustifié »

Des propos critiqués par de nombreux avocats. « J’ai lu ça avec répugnance. Un ancien président de la République peut être aussi tristement banal qu’un client de comparution immédiate quand il est mécontent du résultat », nous déclare une avocate pénaliste de renom qui souhaite rester anonyme. Me Alexandre Nabet, qui a été durant plus de treize ans le collaborateur de Thierry Herzog, ne dit pas autre chose. « Je suis comme tous mes confrères que j’ai eus en ligne, totalement scandalisé par les écrits de Nicolas Sarkozy », explique-t-il à 20 Minutes. « C’est très inélégant et totalement injustifié. Quoi qu’on puisse dire, ce qui est écrit est indigne », insiste-t-il.

Il faut dire que Me Herzog jouit, auprès de ses confrères parisiens, d’une excellente réputation. « Il est exemplaire et d’une gentillesse rare. Vous ne trouverez personne pour en dire du mal », souligne Me May Sarah Vogelhut. L’ancien avocat de Nicolas Sarkozy s’est souvent montré de bon conseil pour aider ses jeunes confrères. « C’est hallucinant, je trouve ça indécent », ajoute la pénaliste au sujet du passage du livre de l’ancien chef de l’Etat où il critique celui qui l’a défendu dans de nombreux dossiers.

« Thierry Herzog était son ami et avocat historique. Il l’a conseillé dans toutes ses affaires, notamment celle des écoutes, pour laquelle il a été condamné aux côtés de Nicolas Sarkozy. Il ne faut pas oublier ça. Thierry Herzog a perdu son métier, il a eu une interdiction d’exercer. Pourtant, ce n’était qu’un dommage collatéral », indique pour sa part Me Elise Arfi. L’ex-président a été reconnu coupable d’avoir tenté, avec Thierry Herzog, d’obtenir d’un haut magistrat, Gilbert Azibert, des informations couvertes par le secret, voire une influence, sur un pourvoi en cassation formé dans l’affaire Bettencourt. En échange : la promesse d’un soutien pour un poste à Monaco.

« Un grand avocat, un grand pénaliste »

« Dire que son amitié pour Thierry Herzog l’a empêché de voir sa médiocrité et celle de son cabinet, je trouve ça extrêmement regrettable », poursuit Me Arfi. Selon elle, dans son livre, l’ancien chef d’Etat « se défausse de nouveau sur Thierry Herzog par rapport aux ennuis judiciaires qu’il connaît dans le dossier libyen ». « C’est une façon de dire que s’il a de nouveau été condamné dans ce dossier, c’est encore à cause de Thierry Herzog. C’est quand même fou alors qu’il a changé d’avocat il y a bien longtemps », signale la pénaliste.

D’autant que, dit-elle, Thierry Herzog « est un grand avocat, un grand pénaliste, quelqu’un de charmant, de très gentil, de très confraternelle ». « Il faut se lever de bonne heure pour trouver quelqu’un au sein du barreau qui ne l’aime pas. C’est un très grand plaideur. Dire que c’est quelqu’un qui n’était pas au niveau de ce dossier, ça me consterne. »