Journaliste politique passée par France 24, France Info TV et diplômée de l’École de journalisme de Sciences Po, Natalia Odisharia n’a pas le parcours classique d’une « journaliste sport ». Longtemps habituée aux plateaux d’actualité internationale et aux débats politiques, elle a trouvé dans le basket français – qu’elle suit depuis des années en tribunes, notamment à Orléans puis Nanterre – un terrain idéal pour lancer son propre projet : une émission en lien avec la LNB, où l’on ne parle pas systèmes, highlights ou pourcentages à 3-points, mais histoires de vie, musique, livres, amitiés et quotidien de joueurs de Betclic ELITE.
L’idée lui trottait dans la tête depuis plusieurs années. Faute de diffuseur prêt à prendre le risque sur un format qui n’existait pas encore en France, elle a décidé de le produire elle-même, avant de le proposer directement à la Ligue Nationale de Basket. Résultat : une première saison d’une dizaine d’épisodes, tournée en studio à Paris, avec un ton volontairement plus cool, plus personnel, inspiré des talk shows américains mais pensé pour le basket français.
Du JT politique au basket français
À la base, rien ne destinait vraiment Natalia Odisharia au basket. « Je ne viens pas du tout de ce monde-là, techniquement », rappelle-t-elle. Elle s’est d’abord construite comme journaliste politique, apprentie au service politique de TF1 / LCI, présentatrice de Dimanche en politique sur France 3, puis journaliste sur France 24 autour de la politique internationale.
Mais au fil des années, c’est le sport qui est devenu son échappatoire face à l’actualité pesante. « La politique, parfois, c’est pesant. Et mon échappatoire, c’était un petit peu le sport. » Fan de foot, de football américain, de tennis, de MMA… et de basket, elle profite de sa carte de presse pour aller régulièrement en tribunes : à Nanterre, Levallois, au Paris Basketball, en EuroLeague et NBA quand le temps le permet.
Le basket, chez elle, n’est pas qu’un loisir tardif. Elle vient d’une famille où le sport est omniprésent : une mère ancienne championne de GRS, un père gymnaste, des oncles et un petit frère basketteurs, et une maison de fans du CSKA Moscou. Elle a grandi entre la Géorgie et la Russie, avec des passages à la salle à Moscou, avant d’émigrer en France à l’âge de 9 ans. Un parcours raconté en détail dans un long portrait publié par Émile Magazine, où elle se souvient d’une enfance marquée par la crise en Géorgie, les camps de réfugiés en Europe centrale, puis l’arrivée à Orléans avec « 100 euros en poche » et l’aide de la Croix-Rouge.
Cette trajectoire façonne aussi sa manière de voir les joueurs : comme des personnes avec des histoires complexes, des exils, des familles, des doutes, pas seulement comme des silhouettes en maillot.
Natalia Odisharia avec Paul Lacombe (photo : Hoops)
Une émission pour mieux connaître les joueurs de Betclic ELITE
Ce qui a déclenché le projet, c’est surtout un manque ressenti en tant que spectatrice. En regardant le basket français, l’EuroLeague ou la NBA, Natalia Odisharia avait l’impression de rester à la surface des choses.
Elle le résume ainsi : « Je me rendais compte qu’on n’avait pas énormément de médias sur le basket… Et je me suis dit, tiens, ça pourrait être pas mal de faire une émission. J’avais envie, moi, d’apprendre à les connaître un peu mieux, et je trouvais qu’on ne les mettait pas assez en lumière, et pas uniquement sur la partie statistique, sport, Draft et compagnie. J’ai envie de savoir qui sont ces gars-là. »
Inspirée par les formats américains où l’on voit des sportifs se livrer sur leur vie, leurs goûts, leurs références, elle note le décalage avec la plupart des interviews en France, jugées trop sérieuses, trop centrées sur le terrain. « Je trouvais ça dommage qu’on n’abordait pas des questions pour mieux apprendre à connaître nos joueurs. »
L’émission en lien avec la LNB se concentre donc sur tout ce qui se passe autour du basket :
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comment le joueur a découvert le basket ;
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sa relation avec ses amis, sa famille, ses enfants le cas échéant ;
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ses goûts en musique, en cinéma, en littérature ;
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ses hobbies parfois inattendus.
Elle cite par exemple Paul Lacombe (1,95 m, 35 ans) qui lui confie adorer les jeux de société, détail que l’on n’entend quasiment jamais dans les interviews classiques. C’est exactement ce type de moments qu’elle cherche : des petites références qui permettent de voir le joueur autrement.
Une première saison de dix épisodes, avec Paul Lacombe en éclaireur
Pour la saison 1, le format est clair : une dizaine d’épisodes, chacun centré sur un joueur de Betclic ELITE. Un invité par émission, un échange en tête-à-tête dans un studio parisien, avec quelques photos réalisées en amont pour les réseaux sociaux de la LNB.
Les épisodes dureront en général entre 25 et 35 minutes. Celui avec Paul Lacombe, premier numéro de la série, est un peu plus long – autour de 45 minutes – parce que l’arrière passé par Strasbourg, Monaco, l’ASVEL puis Nanterre a déjà une carrière riche et « plus de choses à raconter qu’un joueur de 17 ou 18 ans ».
Le ton se veut décontracté, presque complice :
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même génération, mêmes références culturelles ;
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humour, digressions ;
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mais une vraie préparation derrière, avec des questions adaptées à chaque profil plutôt qu’un questionnaire figé.
L’idée, explique Natalia, est de se rapprocher du ton qu’on peut entendre chez des médias comme TrashTalk ou First Team tout en proposant un angle complètement différent : ici, l’actu chaude, les rumeurs de transferts ou les débats tactiques passent au second plan.
Un projet 100 % LNB, avec la confiance d’un ancien de la presse sportive
Avant d’atterrir à la LNB, le projet s’est heurté aux réticences classiques du milieu de l’audiovisuel. Plusieurs sociétés de production lui ont répondu que l’idée était bonne, novatrice, mais difficile à financer tant qu’un format similaire n’avait pas déjà « fait ses preuves » ailleurs.
Natalia décide alors de contourner le circuit habituel et de présenter directement le concept à la Ligue Nationale de Basket, sur les conseils d’un proche du milieu. Elle rencontre alors Fabrice Jouhaud, ancien journaliste passé par L’Équipe et désormais à la LNB.
Ce rendez-vous est un tournant. Elle raconte avoir été marquée par l’ouverture d’esprit de son interlocuteur : « Il n’a pas jugé sur le fait que je sois une femme, que je ne sois pas une animatrice sport, que j’avais un background très politique… Il ne savait pas forcément à quoi s’attendre avec moi, et il m’a fait confiance. Il m’a dit l’idée, elle est bonne. »
L’émission sera donc produite pour et avec la LNB, diffusée sur les canaux de la Ligue (réseaux sociaux, plateformes vidéos). Natalia pourra poster quelques extraits sur son propre site, mais le cœur de la diffusion restera propriété de la LNB, avec l’option – si le format trouve son public – d’intéresser à terme un diffuseur plus classique.
Paris comme point de chute, mais l’ambition d’aller au-delà
Si le studio se trouve à Paris, la volonté n’est pas de se limiter aux clubs franciliens. La liste d’invités imaginée en début de saison comprend des profils venus d’un peu partout en Betclic ELITE, y compris des joueurs du Portel, de Monaco ou d’autres places fortes du championnat.
Reste une contrainte très concrète : les disponibilités. Entre les entraînements, les déplacements et les matches, il est difficile de bloquer une demi-journée à Paris pour un tournage. Les agents sont très sollicités, les calendriers chargés. Natalia essaie donc d’anticiper au maximum, en prévenant plusieurs semaines à l’avance les joueurs ciblés.
Conséquence probable de cette réalité logistique : il y aura sans doute, au moins au début, une part importante de joueurs de la région Île-de-France, plus faciles à faire venir en studio. Mais la volonté, côté LNB comme côté journaliste, reste bien de varier les profils, les clubs et les histoires.
Pour l’instant, la saison 1 se concentre sur les joueurs de Betclic ELITE. Si le format s’installe, Natalia imagine déjà des déclinaisons : épisodes hors-série avec des entraîneurs, ouverture à la Boulangère Wonderligue, voire formats spéciaux autour de thématiques communes à plusieurs invité·e·s. Rien n’est figé, mais le cadre de départ est posé.
Un regard façonné par un parcours d’exil et de méritocratie
En filigrane de cette émission, il y a aussi l’histoire personnelle de Natalia Odisharia. Née en 1994 à Tbilissi, en Géorgie, dans un pays en pleine recomposition post-soviétique, elle grandit dans un contexte de crise économique et d’instabilité politique. Sa mère, danseuse soliste à l’opéra de Batoumi, décide de partir pour offrir une vie meilleure à sa fille.
Le périple passe par la République tchèque, un camp de réfugiés, une traversée de forêt enneigée pour atteindre la frontière autrichienne, puis finalement la France. À leur arrivée à Orléans, mère et fille ne parlent pas un mot de français et vivent d’abord dans des hébergements précaires, avant d’obtenir un petit hôtel pris en charge par la Croix-Rouge.
Dans Émile Magazine, elle résume cette période par des images très fortes : « Ma mère ramassait les pommes de terre des voisins pour me faire de la purée. Et il arrivait qu’elle rajoute de l’eau dans de l’œuf pour avoir l’impression d’en avoir plus. »
Très vite, elle comprend que l’école sera son « deuxième passeport » : arrivée en CE2, elle rattrape son retard, maîtrise le français, décroche un bac littéraire, puis une licence d’histoire et le concours de l’École de journalisme de Sciences Po.
Ce parcours d’exil, de précarité et d’ascension sociale explique en partie son obsession pour les trajectoires de vie. Quand elle dit vouloir savoir « qui sont ces gars-là », derrière les maillots de Betclic ELITE, ce n’est pas un slogan. C’est une manière de prolonger, dans le basket, ce qu’elle a déjà fait en politique : raconter la grande histoire à partir des destins individuels.
Un format encore inédit autour du basket français
Au moment où la LNB multiplie les initiatives pour moderniser son image et parler différemment au public, l’émission de Natalia Odisharia arrive avec une promesse simple : donner de la chair aux joueurs, au-delà des highlights et des communiqués.
Elle-même ne cache pas une certaine appréhension avant la diffusion du premier épisode. Elle raconte cette scène dans un café, où elle doute du potentiel du projet face à un ami basketteur. À la table d’à côté, des fans tendent l’oreille, s’incrustent dans la discussion et lui assurent qu’ils « regarderaient de fou » un programme de ce type. De quoi la rassurer : son intuition ne parle visiblement pas qu’à elle.
Reste désormais à voir comment le public Betclic ELITE, les fans de basket français et les curieux accueilleront ce nouvel objet médiatique. Mais une chose est sûre : avec ce format, la LNB s’offre un nouveau visage et les joueurs un espace pour se raconter autrement.