Nicolas Sarkozy photographié lors d’une séance de dédicaces, à Paris, le 10 décembre 2025

JEROME GILLES / NurPhoto via AFP

Nicolas Sarkozy photographié lors d’une séance de dédicaces, à Paris, le 10 décembre 2025

Droit de citer. Dans Journal d’un prisonnier (ed. Fayard), paru ce mercredi 10 décembre Nicolas Sarkozy enchaîne les truismes sur l’enfermement et les hyperboles sur la dureté du matelas, sans se priver d’attaques cinglantes à l’intelligence de Ségolène Royal, entre autres. 200 pages de complaintes où l’ancien président, déjà deux fois définitivement condamné, s’en prend avec méchanceté à son ancien avocat Thierry Herzog.

Page 92-93, sans avoir l’air d’y toucher, Nicolas Sarkozy évoque son « ami » dont les talents n’auraient malheureusement rien de comparables à ceux de Christophe Ingrain, l’avocat qui l’a défendu dans l’affaire Libyenne. L’ex-chef de l’État estime ainsi avoir été « aveuglé » par sa relation amicale avec Thierry Herzog, bien incapable selon lui « d’embrasser un dossier qui avait pris une telle ampleur ». Sympa.

« J’avais sous-estimé le travail de recherche et de déconstruction du dossier (…) Quels que soient son talent et son dévouement, il ne pouvait, aidé de sa seule collaboratrice, approfondir toutes les directions que nous aurions dû explorer », frappe encore Nicolas Sarkozy, sans prendre la peine par ailleurs de nommer la collaboratrice en question.

L’avocat des combats Sarkozystes

D’une main, il cajole, de l’autre, il étrangle dans un paragraphe un brin toxique. Et ingrat ? Le destin et la carrière de Thierry Herzog sont intimement liés à l’écosystème sarkozyste. Depuis plus de 40 ans, leur amitié, faite entre autres de vacances à la Baule et d’un goût pour Johnny Hallyday, est décrite régulièrement comme indéfectible. Au franc-parler du politicien répond la pugnacité pénale de l’autre. L’avocat disait en 2013 à Libération vouer « une admiration totale » à Nicolas Sarkozy.

Si l’intimité de leurs liens leur appartient, il n’en demeure pas moins que Thierry Herzog est un pénaliste estimé particulièrement dans les affaires politico-financières. Il fut de presque tous les combats judiciaires où le nom de Nicolas Sarkozy a été simplement évoqué ou mis en cause : Clearstream, Tapie, Air Cocaïne, Clearstream, Bygmalion, Bettencourt… Jusqu’à la funeste affaire Bismuth.

Dans ce dossier, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog ont été définitivement condamnés en 2024 à trois ans de prison dont un ferme – et exclus de la légion d’honneur en conséquence – pour avoir tenté de corrompre un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, également condamné. Thierry Herzog a payé de sa poche un lourd tribut : une interdiction d’exercer pendant trois ans. De quoi mesurer le prix de cette relation.

Une pluie de plaidoiries en défense de Herzog

Sans surprise, la charge de Nicolas Sarkozy contre son ancien conseil a dans ce contexte outré de nombreux grands noms du droit, qui ont exprimé leur indignation sur les réseaux sociaux. « Le pire ennemi de l’avocat, c’est le client », cingle sur X Maître Eolas (influent professionnel s’exprimant sous pseudo) dans la même tonalité que le célèbre pénaliste Frank Berton. Tout aussi amer, ce ténor du barreau juge que « Thierry Herzog a payé cher son amitié » avec l’ex-chef de l’État. Élise Arfi, elle, s’étrangle de constater autant d’« ingratitude » et d’« égoïsme » de la part de Nicolas Sarkozy. « Thierry Herzog lui fut fidèle au-delà du raisonnable. Quelle médiocrité. Quel petit homme », cravache de son côté Jean-Pierre Mignard.

« Je suis comme tous mes confrères que j’ai eus en ligne, totalement scandalisé par les écrits de Nicolas Sarkozy. C’est très inélégant et totalement injustifié. Quoi qu’on puisse dire, ce qui est écrit est indigne », fustige Alexandre Nabet, collaborateur de Thierry Herzog pendant 13 ans, auprès de 20 Minutes. Le journal en ligne souligne la réputation de l’avocat ciblé, décrit comme par l’une de ses consœurs comme étant doté d’une « gentillesse rare ». Plusieurs avocats en appellent même à une réaction du Barreau.

La séquence interroge finalement sur la conception que Nicolas Sarkozy a de l’amitié. Page 92, toujours, l’ancien président glisse : « Mon amitié peut me conduire à être faible, à ne pas me séparer à temps de personne en bout de course ou à trouver des excuses à certaines insuffisances ». En amitié, comme dans l’affaire libyenne, l’ancien président serait donc une « victime ». Pratique mais pas surprenant pour celui qui taxe par ailleurs les familles des victimes de l’attentat du DC-10 d’UTA (170 morts en 1989) « d’ingrates » et de « revanchardes » à son endroit. Lors de l’énoncé du verdict en septembre, la présidente du tribunal avait entre autres justifié l’incarcération provisoire par la capacité de Nicolas Sarkozy à minimiser sa responsabilité et la gravité des faits lui étant reprochés. Pas sûr que sur ce plan-là, la prison ait permis de le réhabiliter.