«Si ce n’est pas de l’amour ça. » Devant la librairie Arcadia, jeudi dans le 12e arrondissement de Marseille, Françoise et Michel patientent depuis quatre heures. Ils sont venus depuis Béziers, dans l’Hérault, pour être sûrs de rencontrer Nicolas Sarkozy, à l’occasion de cette séance de dédicaces de son dernier livre Le journal d’un prisonnier (Fayard), racontant ses vingt jours de détention à la prison de la Santé.
Le récit a plu au couple de Biterrois. « Il n’avait rien à y faire, mais la prison lui a quand même permis d’écrire un livre, positive Michel. On espère qu’il en vendra beaucoup, comme ça, il aura beaucoup d’argent pour se payer des bons avocats. » Derrière eux, plusieurs centaines de personnes – 500 à 800 selon les organisateurs – patientent, bouquin à la main. Sur la couverture, des post-it jaune avec leurs prénoms pour faciliter la signature.
« Il a la plume facile »
Debout dans la file d’attente, Orso parcourt les dernières pages du livre, dévoré en deux jours. « Je m’y suis retrouvé, explique-t-il. J’ai eu le même problème carcéral que lui, j’ai été en prison trois semaines. » Issue d’une famille de droite, lui-même nationaliste corse, il apprécie l’ancien locataire de l’Elysée pour « sa prestance » et « son franc-parler ». « C’est quelqu’un de très courageux », ajoute-t-il.
Une opinion partagée par Marie-Thérèse et Josée, deux septuagénaires, en place depuis 13 heures devant la librairie pour « soutenir Nicolas Sarkozy dans l’épreuve qu’il vient de vivre ». « On dit que c’est seulement trois semaines de détention, mais ça ne doit pas être extrêmement joyeux », maintient Josée. Dans son sac griffé, deux autres livres de l’ancien chef d’Etat. « C’est une expérience, il a raison de la raconter », renchérit-elle. « Il a la plume facile », abonde Marie-Thérèse, venue du Var, qui s’insurge de cette détention. « C’est quand même un président, pas le vulgaire délinquant du coin. »
D’autres sont plus sceptiques. Deux cents pages pour vingt jours de détention ? « Ça ne les vaut pas », évacue Louis, un habitant du quartier. Peu motivé par la file d’attente interminable, il s’est contenté d’acheter le livre et attend désormais de voir ce qu’il se passe. « Ça ne m’intéresse pas son histoire en prison, c’est triste, il y a du bruit, on n’apprendra pas grand-chose, poursuit-il. Mais son analyse sur la situation politique actuelle, ça oui. C’est un homme de convictions. » « Je trouve que Nicolas Sarkozy est maltraité, même s’il a des casseroles », expose ce Marseillais « apolitique » mais au cœur penchant à droite.
« Bien, mais trop court »
Peu après 15h30, une vague d’applaudissements secoue la foule : Nicolas Sarkozy vient de sortir devant la librairie pour saluer rapidement ses lecteurs. « Nicolas », scandent ses soutiens, tandis que quelques opposants, brandissant une pancarte ironique « Bientôt le volume II », tentent-ils. Ils sont sifflés par la foule. « Vade Retro Satanas », plaisante même un homme, en brandissant le livre vers eux.
Sarah est perplexe. Elle a fait des dédicaces de Lara Fabian ou de Beyoncé, et ça n’a jamais bousculé comme ça. Mais elle s’accroche pour cet évènement « symbolique ». « Il fait partie de ces gens qui arrivent à voir le bien où il n’y en a. C’est un exemple », déclare la jeune femme, deux livres rangés dans son sac. Ancienne habitante des quartiers nord de la ville, elle s’est reconnue dans les mots de l’ancien président. « C’est la première fois que quelqu’un racontait ce qu’il se passait dans les cités », assure-t-elle. Et d’ajouter : « Mettre un président en prison, c’est comme si on me mettait en prison. »
Retrouvez tous nos articles sur Nicolas Sarkozy
Les lecteurs entrent par petits groupes dans la librairie pour rencontrer, enfin, Nicolas Sarkozy. Une signature, une photo, des remerciements et le moment est passé. « C’était bien mais trop court », soupire Françoise, qui n’est cependant pas déçue : « Ce qu’on voit à la télévision, ce que j’ai ressenti en lisant le livre, c’est le même homme. »