Par

Antoine Blanchet

Publié le

11 déc. 2025 à 19h06

Crâne dégarni, regard dans le vague… L’apparition de Patrice F. dans le box ne passe pas inaperçue à la 23ᵉ chambre du tribunal de Paris. Un flot de murmures accompagne l’entrée en scène de cet homme de 49 ans. Il faut dire que la salle est pleine à craquer ce jeudi 11 décembre 2025. Les habitants du 52/62 rue de Bercy s’entassent sur les bancs. Le prévenu est poursuivi pour avoir, le 13 août dernier, incendié deux voitures dans le parking de la résidence. Les conséquences ? L’entièreté des habitants est privée de logement depuis. Des années avant, le quadragénaire aurait semé la terreur dans cet immeuble. On le soupçonne d’avoir agi par vengeance. L’audience a finalement été renvoyée à l’instruction.

L’immeuble évacué

Le 13 août 2025, vers quatre heures du matin, les résidents sont brutalement tirés des bras de Morphée. « Les pompiers ont tambouriné à ma porte. Ils m’ont dit qu’il y avait le feu, que l’on devait évacuer », nous raconte Nadine*. La cause de cette exfiltration : un incendie s’est déclaré dans le parking. Deux voitures se sont embrasées.

Quatre mois plus tard, c’est toujours l’attente et la galère pour les 300 résidents. Depuis le sinistre, impossible pour eux de regagner leurs appartements. En cause, la présence d’amiante dans le bâtiment. « On ne pourra pas retrouver le logement avant minimum fin janvier 2026 », soupire l’un des propriétaires. Tous doivent trouver des solutions provisoires de logement. Certains chez des proches, d’autres à l’hôtel. Le bon vouloir des assurances n’est pas le même pour tous. « Je paie plus de 5 000 euros d’hébergement par mois pour 1 400 euros de retraite. Je pense vendre en viager », alerte une habitante.

Un acte de vengeance ?

Très vite après les faits, les constatations relèvent que l’incendie n’est pas accidentel. De l’essence aurait été versée sur les deux voitures. Les investigations s’orientent alors vers Patrice F.. Habitant dans le Nord de la France, il serait venu dans la capitale la nuit des faits. Interpellé au mois de septembre, il a depuis été placé en détention provisoire. Des éléments inquiétants ont été retrouvés à son domicile : un guide de maniement des armes et une vidéo à caractère zoophile.

L’intéressé, lui, clame son innocence. En garde à vue, il garde le silence et refuse de donner les codes de son téléphone. « J’ai été un mois et demi dans le Sud après les faits. J’aurais pu incendier des voitures et je ne l’ai pas fait », vocifère-t-il depuis le box avant d’être rappelé à l’ordre par le président. De son côté, son avocat, Me Fabrice Decrock, évoque une « chronologie pas parfaitement établie » par les enquêteurs, sans en dire plus.

Croix gammées et colle dans la serrure

Il faut dire que le passé de Patrice F. au sein de la résidence peut donner des soupçons. Le quadragénaire a vécu au cinquième étage entre 2003 et 2017. Quatorze années de terreur, affirment ses anciens voisins. « Il taguait des croix gammées dans les parties communes. Il mettait aussi de la colle dans les serrures et crevait les pneus des véhicules », liste un résident. Le prévenu, qui ne s’est jamais fait prendre, aurait aussi agressé le gardien de l’immeuble. « Il a fait déménager deux propriétaires », se remémore un voisin. « C’est un fou furieux », glisse une autre habitante. Finalement, le résident est expulsé pour loyers impayés en octobre 2017. « Il continue à faire des dégradations là où il vit actuellement », affirme une avocate des parties civiles.

L’affaire renvoyée à l’instruction

L’ancienne terreur du voisinage serait-elle revenue pour une ultime vengeance ? La question reste en suspens ce jeudi. Plusieurs avocats de partie civile demandent que le dossier soit renvoyé à l’instruction, car trop complexe pour passer en comparution immédiate. « Il fut un temps, on n’aurait jamais renvoyé un dossier pareil dans une procédure d’urgence », pointe du doigt l’une des pénalistes, qui représente 17 parties civiles.

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Autre élément soulevé par l’un des conseils : la mort d’un des résidents d’un arrêt cardiaque six semaines après les faits. Un décès qui interroge, car l’homme de 61 ans n’avait pas d’antécédents médicaux. « Il a été confiné avec sa femme dans leur appartement du deuxième étage et ils ont été exposés aux fumées toxiques. Il a développé une fatigue anormale peu après », souligne l’avocat de la famille.

Angoisse et colère

Le tribunal tranche vite : l’affaire doit être renvoyée au procureur afin de saisir un juge d’instruction pour davantage d’investigations. La prochaine question en suspens : le maintien de la détention provisoire de Patrice F.. Lors de sa comparution ce jeudi, il a dénoncé les conditions indignes de son incarcération. Un juge des libertés et de la détention doit statuer sur son sort en fin de journée.

Du côté des résidents, on quitte la salle avec encore beaucoup d’interrogations, mais aussi la crainte d’une remise en liberté du prévenu. « J’ai une angoisse terrible qu’il revienne dans l’immeuble une fois sorti », s’émeut une voisine.

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