Par
Thomas Rideau
Publié le
12 déc. 2025 à 7h30
Elle surplombe le 14ᵉ arrondissement de Paris. Elle, c’est la gigantesque résidence Mouchotte. Quelque 750 appartements, 2 000 habitants… L’immense immeuble livré en 1966, dans la rue du même nom, a été réalisé par les architectes Jean Dubuisson et Jean-Pierre Jausserand. Et pour ses défenseurs, il s’agit d’un illustre représentant de l’histoire patrimoniale de France et d’un témoin prestigieux des Trente Glorieuses. Des raisons qui ont poussé des associations, dont Sauvons Mouchotte, à demander son enregistrement dans le fichier des monuments historiques de France. Cela alors que l’un des bailleurs de l’immeuble souhaite remplacer l’immense façade de la résidence. Ce qui ulcère les membres de l’association.
« Ce serait un énorme gâchis »
Les habitants de Mouchotte sont en tout cas motivés. Actuellement, le monument est inscrit au fichier de l’architecture contemporaine remarquable. Et les différents représentants interrogés par actu Paris assurent qu’un changement de façade va faire perdre ce label au monument. « Ce serait dommage de faire disparaître tout ce patrimoine. Un énorme gâchis », souffle Nathalie Amar, habitante et membre de Sauvons Mouchotte.
Et c’est vrai que l’immeuble se distingue dans le 14ᵉ arrondissement. « Le rythme de la façade est particulier. Ça rappelle le tartan écossais avec tous ces motifs », souligne la propriétaire. « C’est la signature de Jean Dubuisson. »
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Pour elle, ce projet de renouvellement de presque 10 000 mètres carrés de façade « va briser l’unité de l’immeuble » et est « un non-sens écologique et financier ». In’li, le bailleur, qui possède 53 % des logements, a fait voter ce projet de changement lors d’une assemblée générale de copropriété au printemps dernier. Environ un tiers des propriétaires ont également voté en faveur de ce changement de façade.
Ces travaux doivent permettre d’améliorer le DPE (diagnostic de performance énergétique) collectif. Et selon les différentes données avancées par les associations, le programme doit coûter 11 millions d’euros. Mais ces dernières craignent des surcoûts et des restes à charge importants pour des propriétaires « qui n’ont pas encore terminé de payer leur crédit ! ». Pour le bailleur, contacté par actu Paris, il est bien trop tôt pour arrêter un coût.

Plus de 2 000 personnes vivent dans la résidence. (©Antoine Piechaud / document transmis à la rédaction)« Il y a de la fierté à vivre dans un tel bâtiment »
Mais ce n’est pas la seule raison qui pousse les habitants opposés au projet à se mobiliser. « Il y a de la fierté à vivre dans un tel bâtiment », lance Nadia Coutsinas, également membre de Sauvons Mouchotte. « Si on parvient à faire inscrire l’immeuble au fichier des monuments historiques, les travaux se feront sous l’égide des architectes des bâtiments de France », ajoute Nadia Coutsinas qui espère ainsi un traitement « plus respectueux » de l’immeuble.
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« Surtout, avec les travaux annoncés de la tour Montparnasse, Mouchotte risque d’être le dernier représentant de l’architecture de Dubuisson », complète Nadia Coutsinas. « En plus, en 2026, l’immeuble aura 60 ans. Son inscription au titre des monuments historiques serait un beau cadeau ! »
In’li veut rassurer les habitants
« Contrairement à ce qui a pu être compris, l’assemblée générale n’a pas voté de travaux de remplacement de façade. Lors de l’AG 2025, deux scénarios ont été discutés (rénovation lourde avec remplacement de façade, ou rénovation plus légère avec conservation de la façade). L’orientation majoritaire est allée vers la rénovation lourde, mais seules des études d’avant-projet sur les deux scénarios ont été votées. Le remplacement complet de la façade n’est donc pas acté à ce stade », précise de son côté In’li qui souhaite rassurer les habitants.

Un bailleur et des propriétaires souhaitent changer la façade de l’immeuble. (©Antoine Piechaud / document transmis à la rédaction)
Le bailleur rappelle que la façade présente de fortes « fragilités thermiques ». « L’enjeu est d’améliorer le confort des résidents, de réduire les charges et d’anticiper les exigences réglementaires liées aux passoires énergétiques, tout en respectant l’écriture architecturale de Jean Dubuisson. »
Si des travaux étaient votés, ils nécessiteraient ensuite des autorisations administratives, des consultations d’entreprises et un phasage compatible avec la vie dans l’immeuble. On parle donc, dans tous les cas, d’un projet qui s’étendra sur plusieurs années
In’li
« La dimension patrimoniale est bien évidemment déjà intégrée dans la réflexion en cours. Par ailleurs, si une protection au titre des monuments historiques était décidée, le projet serait naturellement adapté pour respecter strictement le cadre fixé par l’État et les services patrimoniaux compétents », indique le bailleur qui précise que ce « projet de travaux de réhabilitation fait l’objet de discussions légitimes au sein du conseil syndical. In’li y défend une position constructive visant à garantir trois objectifs légitimes : préserver la qualité architecturale de l’ensemble, améliorer le confort et le pouvoir d’achat de nos clients et réussir la transition énergétique du bâtiment, dans un dialogue permanent entre copropriétaires. »
Contacté pour savoir où en était la demande de classement de l’immeuble, le ministère de la Culture n’est pas encore revenu vers nous au moment où nous publions cet article.
Une pétition a été lancée pour « sauver Mouchotte ». Elle réunit, à ce jour, presque 12 000 signatures.
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