Jusqu’à quand pourront-ils tenir ? Des présidents d’universités lancent un « cri d’alarme » sur leur situation financière en plein débat budgétaire pour 2026, un sujet sensible sur lequel le ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé des assises en janvier.

« Il y a deux ans, j’avais dit : À l’université, on est à l’os » et « on a attaqué l’os », a lancé mardi la présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Christine Neau-Leduc. « Quand la moelle est atteinte, c’est terminé. C’est un vrai cri d’alarme. »

Pour elle, cette « situation inextricable » explique la hausse, critiquée, des frais d’inscription votée la semaine dernière par Paris 1 pour certains étudiants étrangers extra-communautaires, après déjà « plus de 13,5 millions d’économies » réalisées en 2025.

Comme Paris 1, plusieurs universités font état de finances critiques. Celle de Lille, l’une des plus importantes en France avec 80 000 étudiants, prévoit un déficit de 44,9 millions d’euros dans son budget 2026, plus du double de celui attendu cette année. « C’est une grosse alerte », avec un déficit d’un niveau « jamais atteint » a indiqué son président, Régis Bordet.

À l’université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA), où le budget initial 2026 prévoit un déficit de 4,9 millions, « on est sur une dégradation constante de la situation financière », qui est « plus que préoccupante », prévient son président, Laurent Bordes.

Pour l’an prochain, cette université prévoit de remplacer seulement deux départs à la retraite sur trois pour les enseignants-chercheurs et un sur deux pour les personnels administratifs et techniques. Elle a aussi pris d’autres « mesures d’économies », dont une réduction des heures complémentaires et vacations.

Une dizaine d’universités en « urgence absolue »

À l’université d’Angers, « nous sommes rendus à la limite de l’acceptable », malgré des « efforts colossaux » menés « depuis plus d’un an », explique sa présidente Françoise Grolleau : « non-remplacement d’une vingtaine de postes », baisse « drastique » des budgets de fonctionnement, « réduction a minima des budgets d’investissement »…

« C’est une dizaine d’universités qui sont dans une situation d’urgence absolue » comme Angers, prévient Françoise Grolleau, regrettant « de nouvelles dépenses exogènes imposées chaque année ».

L’an dernier, les présidents d’universités étaient déjà montés au créneau en décembre pour dénoncer les restrictions budgétaires demandées par le gouvernement, après déjà plusieurs années de sous-financement.

France Universités, l’association qui les représente, dénonce à nouveau cette année « toujours plus de charges ». En cause : des mesures qui devraient, selon les universités, être compensées par l’État, au nom du principe du « décideur-payeur », et ne le sont pas.

Parmi celles-ci, la contribution au compte d’affectation spécial des pensions des agents publics (CAS), les mesures Guérini (revalorisation des salaires) et, pour 2026, la nouvelle protection sociale complémentaire (PSC) des agents de la fonction publique. « On a chiffré ça, approximativement, à 400 millions d’euros pour 2026 », résume Lamri Adoui, président de France Universités et de l’université de Caen.

Des assises prévues en janvier

Le ministre de l’Enseignement supérieur Philippe Baptiste avait reconnu fin octobre des « tensions » dans la situation budgétaire des universités, mais avait dit vouloir « relativiser ». « Ce n’est pas Zola », avait-il ajouté, attisant le courroux des syndicats.

Le ministre s’est montré plus prudent mardi, lors de l’examen de la mission Recherche et enseignement supérieur du budget 2026 au Sénat, annonçant l’organisation d’assises sur le financement des universités en janvier.

« Il est indéniable qu’il existe aujourd’hui un manque de lisibilité dans le système de financement des universités »

Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur

Il a reconnu « un manque de lisibilité dans le système de financement des universités » qui « impacte les établissements » et appelé à un « état des lieux incontestable et partagé ».

Pour le président de l’université de Pau, « il est temps qu’on réfléchisse au modèle de financement des universités ».

Mais les syndicats se montrent circonspects. Pour Christophe Bonnet, secrétaire national de la CFDT Education, « si ces assises sont l’occasion de trouver des solutions, c’est très bien. Mais si on n’a pas de solutions réelles, ça ne sera pas d’une grande utilité. » Pour Emmanuel de Lescure, secrétaire général du Snesup-FSU, principal syndicat enseignant du supérieur, il faut « que les engagements budgétaires de l’État soient respectés. Après on pourra faire des assises. »