Il arrive parfois aux experts de se tromper. Aux Pays-Bas, le Mauritshuis de La Haye vient de revoir sa copie concernant trois tableaux de sa collection. Ces derniers, auparavant présentés comme des Rembrandt (1606–1669), dont ce musée possède l’une des plus importantes collections d’œuvres au monde, ont été requalifiés après avoir été examinés dans son atelier de restauration.

Les résultats tout juste publiés confirment que l’Autoportrait avec un gorgerin (1629), peint à l’huile sur bois et longtemps considéré comme un chef-d’œuvre de Rembrandt, n’est pas de la main du maître. Acquise en 1768 par Guillaume V d’Orange, cette peinture faisait déjà l’objet de doutes depuis la découverte en 1999 d’un dessin préparatoire sous la couche picturale – un élément qui ne se trouve jamais chez Rembrandt. On avait alors établi que le tableau était en fait une copie de celui du même titre, peint en 1629 et conservé au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg (Allemagne). Ce dernier, longtemps pris pour une copie, avait donc soudain été réévalué comme étant l’original.

Une copie sans doute réalisée par un élève de Rembrandt

La copie était une pratique très courante et valorisée à cette époque où les grands artistes employaient de nombreuses personnes pour répondre aux commandes.

Certains experts avaient cependant continué à maintenir que l’œuvre du Mauritshuis pouvait être une copie réalisée par Rembrandt lui-même. Mais les nouvelles recherches et analyses effectuées infirment définitivement cette théorie : le tableau du Mauritshuis est une copie réalisée vers 1629 dans l’atelier de Rembrandt par l’un de ses élèves ou collaborateurs, peut-être son élève Gérard Dou (1613–1675) – la copie étant une pratique très courante et valorisée à cette époque où les grands artistes employaient de nombreuses personnes pour répondre aux commandes.

Rembrandt van Rijn, Autoportrait avec un gorgerin. (À gauche) musée Mauritshuis (À droite) Germanisches Nationalmuseum

Rembrandt van Rijn, Autoportrait avec un gorgerin. (À gauche) musée Mauritshuis (À droite) Germanisches Nationalmuseum, 1629

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Huile sur bois • (À gauche) 37.9 × 28.9 cm (À droite) 38 × 31cm • (À gauche) Coll. Mauritshuis (À droite) Coll. Germanisches Nationalmuseum • Photos Artvee / © Bridgeman

Bien que le tableau du Mauritshuis soit de très belle facture – on admire l’expression sérieuse du jeune homme, partiellement mangée par un effet de clair-obscur, sa lèvre brillante, ainsi que la pièce d’armure rutilante –, l’original de Nuremberg apparaît en effet moins lisse et moins raide, avec une chevelure plus folle et plus détaillée, bien plus proche de celle de Rembrandt sur ses autoportraits habituels, ainsi qu’un visage plus rond ressemblant davantage à celui de l’artiste.

Rembrandt van Rijn, Tronie d’un Vieil Homme

Rembrandt van Rijn, Tronie d’un Vieil Homme, 1630–1631

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Peinture à l’huile • 46,9 × 38,8 cm • Coll. Mauritshuis • Photo Artvee

La deuxième œuvre à avoir été réévaluée est un portrait d’un vieil homme à béret noir et col de fourrure, acquis en 1892 par l’ancien directeur du musée, Abraham Bredius, connu pour s’être fait avoir par le faussaire de Vermeer, Han van Meegeren. Autrefois considéré comme un portrait du père de Rembrandt (Harmen Gerritszoon van Rijn), on pense désormais, au vu de son absence de ressemblance avec un dessin de Rembrandt dont on est (cette fois) sûr qu’il représente son père, qu’il s’agit simplement d’une tronie (étude de personnage) peinte par un employé d’atelier vers 1630.

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Quelques doutes subsistent

Rembrandt van Rijn, Étude d’un vieil homme

Rembrandt van Rijn, Étude d’un vieil homme, 1650

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Peinture à l’huile • 80,5 × 66,5 cm • Coll. Mauritshuis • Photos Artvee

Le troisième portrait, Étude d’un vieil homme, reste plus mystérieux. Acquis lui aussi par l’ancien directeur du musée Abraham Bredius en 1891, il était alors décrit comme « un spécimen de la période la plus mature de l’artiste ». Les récentes analyses confirment que la signature « Rembrandt fecit » qui s’y trouve est authentique, mais que la date n’est pas de sa main. Il n’était en effet pas rare que Rembrandt appose sa signature sur une œuvre peinte par quelqu’un d’autre dans son atelier. Yeux flous, nez peu défini… La facture du portrait ne convainc pas tout à fait les experts, qui penchent plutôt pour un élève tentant d’imiter le style du maître, mais sans pouvoir exclure totalement la possibilité qu’il soit de Rembrandt.

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Les trois œuvres au cœur d’une exposition

Les trois tableaux sont exposés au public dans la galerie du musée Mauritshuis jusqu’à la mi-juillet. L’établissement, également célèbre pour conserver La Jeune Fille à la perle de Johannes Vermeer (1665), présente de façon permanente onze peintures certifiées de Rembrandt, dont La Leçon d’anatomie du docteur Nicolaes Tulp (1632) et son possible dernier Autoportrait (1669). Les trois qui viennent d’être réévaluées se trouvent parmi les sept autres de Rembrandt (ou affiliées à) gardées en réserve. Le musée néerlandais avait déjà fait parler de lui il y a quelques mois, fin 2024, lorsque les héritiers d’Abraham Bredius l’avaient attaqué en justice, le sommant de lui restituer pas moins de 25 tableaux, dont huit œuvres de Rembrandt.

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Du 17 avril 2025 au 13 juillet 2025

www.mauritshuis.nl