C’est le début d’une tempête autour du Mucem. Ce jeudi 11 décembre, le musée national annonçait la rupture de son partenariat avec un de ses mécènes : l’entreprise américaine Digital Realty, qui exploite quatre centres de données à Marseille. Et est par ailleurs associée à la compagnie israélienne d’immobilier Mivne Real Estate, qui porte de son côté des projets dans des colonies israéliennes situées en Cisjordanie et dans le Golan syrien. La coalition de collectifs marseillais « Divest from Digital Realty » l’accuse ainsi de soutenir la colonisation de ces territoires.

En marge de cette annonce, Ariel Kenig, responsable des mécénats au Mucem, justifiait ainsi la fin du partenariat entre le Mucem et Digital Realty : « Cette décision a pour but de permettre au musée de poursuivre ses missions de service public et d’accueil des artistes dans un contexte apaisé. » Sauf que quelques heures plus tard, dans la soirée de jeudi, la sphère politique a vite mis à mal cette quiétude recherchée.

Pour dénoncer le financement du Mucem par Digital Realty, les militants pro-palestiniens de la coalition "Divest from Digital Realty" avaient déployé une banderole devant le musée en juillet dernier. Cinq mois plus tard, l'établissement a annoncé la...Pour dénoncer le financement du Mucem par Digital Realty, les militants pro-palestiniens de la coalition « Divest from Digital Realty » avaient déployé une banderole devant le musée en juillet dernier. Cinq mois plus tard, l’établissement a annoncé la… / PHOTO DR Divest from Digital Realty

Sur le réseau social X, Renaud Muselier et Martine Vassal ont annoncé chacun à leur tour la suspension de toute coopération avec le Mucem. Premier à dégainer, le président de la Région écrivait : « Quelle tristesse pour ce musée dont je fus le président du jury… La paix durable au Proche-Orient doit être l’objectif commun, et cette décision est une soumission au diktat antisémite ! Dès lors, la Région Sud suspend toute coopération potentielle avec cet établissement. »

De son côté, la présidente du Département et de la Métropole Aix-Marseille-Provence, pointait : « Quand le militantisme antisémite s’infiltre dans l’un des emblèmes de Marseille. Importer le conflit du Proche-Orient au Mucem est insupportable et inadmissible. Le Département et la Métropole suspendent toute collaboration. »

Un « conseil d’administration d’urgence » demandé au Mucem

Depuis plusieurs mois, le malaise persistait autour du partenariat entre le Mucem et Digital Realty. La coalition « Divest from Digital Realty » avait notamment mené plusieurs actions. Le 6 juillet dernier, elle déployait devant le musée une banderole affichant « Digital Realty finance le Mucem et le génocide ». Une phrase à nouveau visible le 7 août, lors d’un concert au Fort Saint-Jean. Le même groupe était alors monté sur scène pour « interpeller le public et les employés » et appeler le Mucem « à se désengager de Digital Realty ». Dans les colonnes de Télérama ce jeudi, « Divest from Digital Realty » affichait sa satisfaction, décrivant une « grande première dans l’histoire des partenariats et mécénats culturels liés aux entreprises complices de la colonisation israélienne ».

Ce vendredi 12 décembre, le Mucem et son président Pierre-Olivier Costa ont décliné nos propositions d’interviews, suite aux réactions de Renaud Muselier et Martine Vassal. La Région, le Département et la Métropole ont, de leur côté, publié un communiqué dans l’après-midi pour confirmer leur position : « Cette décision de suspension était essentielle car nous refusons toute compromission avec l’antisémitisme et le racisme, dans les structures que nous finançons. Aujourd’hui, nous demandons la clarté. Pourquoi cette décision a-t-elle été prise sous la pression d’activités d’extrême gauche qui veulent importer le conflit israélo-palestinien en France ? Quelle est l’explication de la direction du musée ? »

Les institutions politiques ont par ailleurs demandé un conseil d’administration d’urgence du Mucem, « au terme duquel nous déciderons de la suite à donner à notre participation à ses instances ». Si le Département et la Métropole n’ont pas divulgué le montant de ses aides au musée, la Région indiquait avoir engagé 550 000 € depuis 2016 pour des partenariats sur plusieurs thématiques, travaux et expositions.