Lors de la présentation des premiers chiffres clés de l’évolution du climat en Bretagne, en mai 2025, une image était apparue : dans une France à + 4 °C en 2100, le climat de la Bretagne ressemblerait à celui de Coimbra au Portugal. Comment l’interpréter ?
Cette image pourrait être presque réconfortante, mais avec tout le respect que j’ai pour le Portugal, elle représente surtout une image d’alerte. Ce paysage, c’est le fruit de millénaires de transformations lentes, d’adaptations culturelles, etc. Or, transposée à la Bretagne, ça signifie que les conséquences que l’on va subir en 75 ans vont être bien plus brutales, avec des phénomènes climatiques extrêmes plus intenses et plus fréquents et sans doute les tensions sociales qui vont avec. C’est pour cela que nous ne pouvons plus attendre. Il n’y a plus de doute sur les scénarios climatiques. Le climat a déjà changé en Bretagne. Cela doit tous nous inciter à agir vite parce que les gains ne se verront que dans vingt ans ou trente ans !
Plus vite on diminue nos émissions de gaz à effet de serre, plus vite on atténue nos impacts sur le changement climatique. Mais au-delà des mesures d’atténuation, où en est-on des actions d’adaptation en Bretagne ?
On voit bien que les actions qui sont directement dédiées à l’adaptation sont assez peu significatives dans les plans air climat énergie locaux, même si les situations sont contrastées et que des collectivités ont pris le taureau par les cornes. Globalement, personne n’a vraiment encore pris la mesure de tout ça, qu’on soit citoyen, élu ou autre. La nouvelle génération de ces plans va forcément aller beaucoup plus loin et j’imagine que l’État sera plus vigilant, que la prise de conscience des élus locaux va s’affirmer.
Ronan Lucas, le directeur de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne qui a publié, au printemps 2025, les premiers chiffres clés de l’évolution du climat en Bretagne. (Le Télégramme/Bruno Salaün)
Ce n’est pas neutre à la veille d’élections municipales en 2026, car ce sujet du changement climatique transcende toutes les politiques. Ce n’est plus juste un sujet de planification sur l’énergie et la qualité de l’air. On voit bien que ça touche la santé, les infrastructures réseaux, tous les projets économiques, associatifs, de loisirs, la biodiversité, l’alimentation (etc.) dans les territoires. Les futurs élus réfléchissent à leur programme, et j’espère que cette composante du changement climatique ne sera pas juste une ligne, mais va apparaître à travers l’ensemble des politiques locales, que ce soit la santé, les transports, l’économie, l’éducation, etc. On va prendre la température de leur engagement sur ces sujets-là.
On vit un épisode économique et social compliqué, une situation climatique alarmante et, au milieu de tout cela, les politiques doivent convaincre sur des sujets compliqués.
Avec quelles priorités collectives ?
Basculer de la consommation d’énergies fossiles vers celle d’énergies renouvelables. Faire preuve de sobriété pour réduire notre empreinte carbone et limiter les tensions qui nous attendent sur les ressources physiques (eau, sol, biomasse, énergie). Réduire notre empreinte, cela fait aussi écho à nos modes de vie, trop souvent imprégnés de surconsommation de biens et de services, de gaspillage, et qui génèrent des émissions directes en Bretagne et indirectes dans le monde entier. Cette empreinte moyenne par Breton pèse 10,5 tonnes équivalent CO2, trois fois plus que ce qu’elle devrait être pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C en 2030. Ça nous oblige à une rupture totale sur un pas de temps très court.
Les citoyens sont-ils prêts à agir alors qu’ils ont parfois l’impression de ne pas avoir de prise sur ces sujets globaux, souvent anxiogènes ?
Les citoyens n’attendent que cela en réalité, les enquêtes d’opinion le disent. C’est pour cela que les prochains mandats vont être déterminants. On vit un épisode économique et social compliqué, une situation climatique alarmante et, au milieu de tout cela, les politiques doivent convaincre sur des sujets compliqués. C’est complexe, mais il n’y a plus à réfléchir ! Il faut y aller en prenant soin que la charge économique soit assumée par ceux qui en ont les moyens et qui émettent plus, et non par d’autres qui ne peuvent pas l’assumer. Une transition climatique socialement juste favorisera l’engagement.