« Ça a commencé par hasard et ça dure… depuis juillet 1968.  » Le rire, quasi enfantin, fait des arabesques sonores. André Peyrègne n’a que 19 ans lorsqu’il franchit, pour la première fois, le seuil de Nice-Matin sur l’avenue Jean-Médecin.

« À l’époque, je préparais l’agrèg de maths tout en étudiant au Conservatoire de Paris, explique-t-il. Je cherchais un job d’été. J’ai été reçu par le rédacteur en chef, Guy Riffet, à qui j’ai proposé des articles sur la musique. Il a dit banco !  »

À la fin de la saison, le jeune homme s’apprête à replonger dans ses équations, lorsqu’on lui propose de prolonger l’aventure en devenant correspondant.

« On m’a expliqué que ce statut me permettrait de travailler pour le journal tout en continuant mes études, explique-t-il. J’ai accepté, évidemment !  »

« Je reste passionné comme au premier jour »

En cours de route, André Peyrègne oublie les nombres complexes et choisit les (bonnes) notes. Enseignant au Conservatoire de Nice à partir de 1970, il dirige cette institution de 1980 à 2015. Sans jamais cesser de distiller ses mots dans nos colonnes.

« Je n’ai jamais songé à arrêter, glisse-t-il en confidence. Aujourd’hui encore, je reste passionné comme au premier jour. Et même si je n’ai jamais été journaliste professionnel, j’aborde mes reportages avec la même rigueur. Je n’ai jamais manqué un rendez-vous. Même ce jour où, dans les années soixante-dix, après un accident, j’ai dû faire de l’auto-stop pour voir Michel Legrand à Vence. Vingt ans plus tard, bien que ma voiture ait pris feu dans le tunnel André-Malraux, je suis tout de même allé couvrir un concert de musique subaquatique !  »

Chacun a « son » histoire avec le journal

Que serait Nice-Matin sans ses correspondants ? Ils sont plus de deux cents, répartis dans le Var et les Alpes-Maritimes. Leur point commun, c’est qu’ils n’en ont aucun. Ni leurs âges, ni leurs parcours, ni même leurs motivations ne peuvent être formalisés. Chacun a « son » histoire avec le journal.

« En 1990, j’étais opticien à Cannes, raconte Gilles Massé. Cette année-là, le club de Mandelieu est monté en troisième division de rugby et il n’y avait personne pour suivre les matchs. J’ai proposé mes services. Ça dure depuis 37 ans… »

« En 1990, j’étais opticien à Cannes, raconte Gilles Massé. Cette année-là, le club de Mandelieu est monté en troisième division de rugby et il n’y avait personne pour suivre les matchs. J’ai proposé mes services. Ça dure depuis 37 ans… »
DR / Nice-Matin

Ainsi Gilles Massé, 81 ans et toujours la cuisse alerte sur son vélo avec lequel il avale, chaque semaine, entre 150 et 200 km. « En 1990, j’étais opticien à Cannes, raconte-t-il. Cette année-là, le club de Mandelieu est monté en troisième division de rugby et il n’y avait personne pour suivre les matchs. J’ai proposé mes services. Ça dure depuis 37 ans…  »

Mathieu Mercuri est correspondant à La Trinité depuis décembre 2024.

Mathieu Mercuri est correspondant à La Trinité depuis décembre 2024.
DR / Nice-Matin

Ainsi Mathieu Mercuri, 29 ans, agent SNCF, qui a signé son premier papier en décembre 2024. « J’ai vu une annonce sur les réseaux sociaux, sourit le jeune homme. Comme mon métier me laisse pas mal de temps disponible, je me suis dit que c’était un bon moyen pour arrondir mes fins de mois tout en m’investissant dans la vie de ma commune, La Trinité.  »

Osons une évidence : la modeste rémunération est rarement le moteur principal des électrons libres qui acceptent de jouer les rapporteurs d’infos non-professionnels sur leur territoire ou dans leur domaine de prédilection. Étudiants, actifs ou retraités, ils font d’abord cela parce qu’ils ont la certitude d’être utiles.

« Bien souvent, lorsqu’on travaille dans l’arrière-pays, les habitants ne connaissent que nous, confirme Jackie Dieren. Nous sommes plus accessibles que les journalistes. Et nous sommes joignables sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre !  »

« J’y suis venu par la photo »

Jackie a rédigé ses premiers comptes rendus en 1987, alors qu’elle était pompier volontaire à Saint-Vallier-de-Thiey. « J’y suis venu par la photo », précise cette personnalité hors normes qui a fait « mille métiers », dont chauffeur du pianiste des Rolling Stones dans les années soixante-dix.

Jackie Dieren a été correspondante, puis journaliste, puis de nouveau correspondante depuis 2008  !

Jackie Dieren a été correspondante, puis journaliste, puis de nouveau correspondante depuis 2008  !
J. D.

« Au début, il m’arrivait de remplir une page par jour, sourit l’octogénaire. Tant et si bien qu’en 1999, après la mise en place des 35-Heures au journal, on m’a offert un contrat. En 2000, à 57 ans, je suis devenue journaliste professionnelle, jusqu’à ma retraite huit ans plus tard. Ensuite ? J’ai attendu trois mois, la durée légale, puis j’ai repris le collier en redevenant correspondante ! Je ne pourrais pas m’en passer.  »

Proches du terrain

Philippe Depétris est au diapason – dans tous les sens du terme. Ce musicien professionnel a d’abord écrit à Nice-Matin pour… se plaindre. « J’organisais le festival des Heures musicales de Biot et nous n’avions jamais une seule ligne, rigole le flûtiste. Le chef de l’agence d’Antibes de l’époque, Lucien Claden, m’a reçu. À la fin de l’entretien, il m’a proposé de me charger moi-même des annonces de spectacles. Au culot, je lui ai répondu : ‘‘Eh bien, pourquoi pas ?’’ Ça fera quarante ans l’année prochaine !  »

Philippe Depétris, musicien professionnel, a d’abord écrit à « Nice-Matin » pour… se plaindre.

Philippe Depétris, musicien professionnel, a d’abord écrit à « Nice-Matin » pour… se plaindre.
Lionel Paoli

Par la suite, Philippe a assuré la correspondance des communes de Biot, puis de Vallauris-Golfe-Juan. Si vous marchez dans la rue à ses côtés, vous serez arrêtés tous les vingt mètres : l’homme est une personnalité locale.

C’est peut-être là, finalement, que réside le point commun de ces profils attachants. Toujours proches du terrain, ils ont gardé le goût des autres.