Les bruits de mastication, de respiration bruyante ou de stylo
qu’on clique rendent certaines personnes presque folles, avec une
tension immédiate et l’envie de fuir.

Ce tableau correspond à la misophonie, une
intolérance sonore encore peu connue. Deux études récentes la
relient à des facteurs génétiques communs avec
l’anxiété et la dépression, mais
aussi à une difficulté à gérer les émotions face aux sons du
quotidien.

Misophonie et bruits de bouche : quand le cerveau passe en
alerte

Pour Hélène E. Nuttall, ces sons déclencheurs mettent le corps
en alerte maximale : « Physiquement, les personnes atteintes de
misophonie éprouvent des réactions de combat ou de fuite
lorsqu’elles entendent des sons déclencheurs », écrit-elle dans
The Conversation. Elle précise : « Pour certaines, la
maladie devient si invalidante qu’elles évitent les situations où
elles pourraient entendre ces sons, ce qui peut sérieusement
affecter leur vie quotidienne et leurs relations. »

Pour Jennifer J. Brout, « la misophonie est une maladie complexe
impliquant le corps, le cerveau et la conscience », écrit-elle dans
Psychology Today. Des chercheurs cités par l’équipe
néerlandaise rappellent aussi qu’ »Il a été avancé… que la
misophonie repose sur un sentiment de culpabilité lié à
l’irritation et à la colère provoquées, plutôt que sur les
manifestations comportementales de la colère elle-même qui causent
la détresse ».

Misophonie, anxiété et dépression : ce que révèle la
génétique

Selon le psychiatre Dirk Smit, de
l’Université d’Amsterdam
, l’analyse génétique de personnes se
déclarant misophones montre des recoupements frappants avec
d’autres troubles. « Il y avait également un chevauchement avec la
génétique du SSPT », a déclaré Smit à Eric W. Dolan de
PsyPost
. Il précise : « Cela signifie que les gènes qui
confèrent une sensibilité au syndrome de stress post-traumatique
augmentent également la probabilité de développer une misophonie,
ce qui pourrait indiquer un système neurobiologique commun aux deux
troubles. Cela pourrait également suggérer que les techniques de
traitement utilisées pour le syndrome de stress post-traumatique
pourraient aussi être utilisées pour la misophonie. »

L’équipe souligne aussi des liens génétiques avec les
acouphènes, l’anxiété et la
dépression. À propos de l’autisme, elle écrit :
« Nos résultats suggèrent que la misophonie et le TSA sont des
troubles relativement indépendants en ce qui concerne la variation
génomique ». Elle ajoute : « Cela soulève la possibilité que d’autres
formes de misophonie existent, dont une qui serait principalement
due au conditionnement de la colère ou d’autres émotions négatives
à des sons déclencheurs spécifiques, modulés par des traits de
personnalité. » L’article, publié dans Frontiers in
Neuroscience, se conclut ainsi : « Nous concluons que – sur la
base de la génétique d’un symptôme courant de la misophonie – la
misophonie est fortement associée aux troubles psychiatriques et à
un profil de personnalité compatible avec l’anxiété et le syndrome
de stress post-traumatique ».

Misophonie, rumination et symptômes
d’anxiété : ce que montrent les nouvelles études

Une enquête menée au Royaume-Uni estime que « La prévalence de la
misophonie au Royaume-Uni est de 18,4 % », ont constaté les
chercheurs, dont Jane Gregory, qui souligne : « Notre enquête a
permis de saisir la complexité de cette pathologie » et rappelle que
« La misophonie, c’est bien plus qu’une simple gêne causée par
certains sons. »

À propos de la flexibilité mentale, « Les chercheurs ont constaté
que la gravité de la misophonie était associée à la capacité à
répondre avec précision à des tâches émotionnelles. Une misophonie
plus sévère était associée à une moins bonne précision dans ces
tâches, suggérant une flexibilité mentale réduite face aux stimuli
émotionnels », résume Hélène E. Nuttall, qui cite leur remarque
selon laquelle « la rumination est omniprésente dans un éventail de
troubles psychiatriques » et que « l’inflexibilité peut se manifester
dans la rumination par des déficits dans la capacité à se
désengager des éléments émotionnels négatifs des stimuli, ce qui
entraîne des difficultés à déplacer l’attention des cognitions
négatives vers des cognitions neutres ou positives ».