Entre 1949 et 1957, quelque chose d’étrange se produisait dans notre ciel. Des points lumineux apparaissaient furtivement sur les plaques photographiques des astronomes, puis s’évanouissaient sans laisser de trace. Soixante-dix ans plus tard, une équipe de chercheurs vient de découvrir un détail troublant : ces apparitions coïncidaient avec les essais d’armes nucléaires de la Guerre froide. Une corrélation qui relance le débat sur un phénomène resté inexpliqué.

Des étoiles qui disparaissent depuis un siècle

Depuis 2017, le projet VASCO s’est donné une mission pour le moins inhabituelle : traquer les étoiles disparues. Cette initiative internationale compile les observations astronomiques du siècle dernier pour identifier les sources lumineuses qui se sont volatilisées ou dont l’intensité a mystérieusement décliné. Leur bilan est déjà surprenant : une centaine d’étoiles se sont éclipsées sans explication convaincante.

Mais leur dernière étude, publiée dans Scientific Reports, se concentre sur un phénomène encore plus énigmatique. Stephen Bruehl du Centre médical de l’université Vanderbilt et Beatriz Villarroel de l’Institut nordique de physique théorique ont épluché les archives du Palomar Observatory Sky Survey, qui a cartographié le ciel pendant près de huit ans. Leur attention s’est portée sur l’époque pré-Spoutnik, avant que l’humanité ne commence à polluer l’orbite terrestre avec ses satellites.

Des flashs lumineux impossibles à reproduire

Les objets transitoires identifiés présentent des caractéristiques déconcertantes. Ils apparaissent comme des sources lumineuses ponctuelles pendant moins de cinquante minutes d’exposition, puis disparaissent complètement. Aucune trace d’eux dans les clichés précédents, aucune réapparition dans les relevés ultérieurs. Certaines images capturent même plusieurs de ces phénomènes simultanément, avec des propriétés que les explications classiques peinent à justifier.

Les hypothèses traditionnelles tombent une à une. Lentille gravitationnelle ? Sursauts gamma ? Fragmentation d’astéroïdes ? Défauts de plaque photographique ? Aucune ne colle vraiment avec l’ensemble des observations. Face à cette impasse, les deux chercheurs ont adopté une approche originale : chercher ce qui se passait sur Terre au moment de ces apparitions célestes.

phénomènes lumière essais nucléairesCrédit : NASA/ESA/C. Kochanek (OSU)Les étoiles peuvent disparaître pour diverses raisons. L’étoile géante N6946-BH1, par exemple, s’est transformée en trou noir.Quand les bombes illuminent le ciel

L’idée peut sembler audacieuse, mais elle s’appuie sur des faits documentés. Entre 1951 et 1957, les États-Unis, l’Union soviétique et la Grande-Bretagne ont procédé à au moins 124 essais nucléaires en surface. Or, le rayonnement nucléaire peut produire des lueurs visibles, notamment le fameux rayonnement Tcherenkov. Des témoins ont d’ailleurs rapporté des « boules de feu » incandescentes dans les zones de retombées radioactives après certains tests.

Les résultats de l’analyse statistique sont intrigants. Les phénomènes transitoires avaient 45% de chances d’être observés pendant les fenêtres temporelles d’essais nucléaires. Une corrélation faible, certes, mais suffisamment marquée pour interroger. Plus troublant encore : après le 17 mars 1956, date du dernier transitoire associé à un essai, plus aucun phénomène similaire n’a été détecté pendant les périodes d’essais, malgré la poursuite des tests atomiques.

Le mystère des phénomènes aériens non identifiés

L’étude révèle un autre lien inattendu. Les chercheurs ont constaté une association entre ces transitoires et les observations de phénomènes aériens non identifiés, particulièrement quand plusieurs points lumineux étaient capturés simultanément. Des rapports d’époque mentionnent effectivement des PANs aux abords des sites d’essais nucléaires et des installations atomiques.

Face à ces données, deux hypothèses émergent. La première, plus spéculative, suggère que des objets non identifiés seraient attirés par les essais nucléaires. La seconde, scientifiquement plus défendable, propose que les explosions atomiques déclencheraient un phénomène atmosphérique inconnu, produisant à la fois les transitoires photographiés et certaines observations de PANs.

Un casse-tête qui persiste

Cette dernière explication se heurte toutefois à un obstacle technique. Un phénomène atmosphérique devrait laisser une traînée sur les plaques photographiques durant les cinquante minutes d’exposition. Or, tous les transitoires apparaissent comme des sources ponctuelles nettes, suggérant qu’ils se trouvaient bien au-delà de l’atmosphère, possiblement en orbite géosynchrone.

Les auteurs de l’étude restent prudents dans leurs conclusions. Ils soulignent que leurs résultats renforcent l’idée que ces transitoires correspondent à des observations réelles et non à de simples défauts techniques. Mais identifier leur nature exacte nécessitera des investigations supplémentaires. En attendant, ces lueurs fantômes des années 50 continuent de narguer notre compréhension du cosmos.