Alors que la plupart des dirigeants européens adoptent un discours plus ferme sur l’immigration face à la montée du populisme d’extrême droite et aux avertissements de l’administration Trump quant à un possible «effacement civilisationnel», le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, se démarque.
Ces dernières années, la nation ibérique a accueilli des millions de personnes d’Amérique latine et d’Afrique, et le premier ministre de gauche, Pedro Sanchez, vante régulièrement les avantages financiers et sociaux que les immigrés en situation régulière apportent à la quatrième économie de la zone euro.
Le choix de l’Espagne est celui d’«être un pays ouvert et prospère ou un pays fermé et pauvre», dit souvent Pedro Sanchez.
Ses propos contrastent fortement avec ceux des autres dirigeants occidentaux, et, jusqu’à présent, son pari semble porter ses fruits. L’économie espagnole a connu une croissance plus rapide que celle de tous les autres pays de l’Union européenne (UE) pour la deuxième année consécutive, notamment grâce à l’arrivée de nouveaux travailleurs qui viennent dynamiser une population active vieillissante.
Les dirigeants centristes à travers l’Europe subissent une pression croissante de la part des partis d’extrême droite anti-immigration, malgré une baisse significative des passages illégaux aux frontières de l’UE ces deux dernières années.
En France, où le Rassemblement national, autrefois ostracisé, a gagné du terrain, le président centriste Emmanuel Macron évoque désormais ce qu’il appelle «le problème migratoire».
«Si nous ne voulons pas que le Rassemblement national arrive au pouvoir, nous devons nous attaquer au problème qui l’alimente», a affirmé M. Macron l’an dernier après l’adoption par la France de nouvelles restrictions qu’il a qualifiées de « bouclier » nécessaire pour «lutter contre l’immigration clandestine» et favoriser une «meilleure intégration» des travailleurs migrants.
Le gouvernement progressiste de M. Sanchez a lui aussi vu ses propositions en faveur de l’immigration être bloquées.
L’année dernière, il a modifié la loi espagnole sur l’immigration afin de faciliter l’obtention de permis de séjour et de travail pour des centaines de milliers d’immigrants en situation irrégulière. À l’époque, la ministre des Migrations, Elma Saiz, avait souligné que l’Espagne devait accueillir jusqu’à 300 000 travailleurs étrangers supplémentaires par an pour maintenir ses prestations sociales, telles que les retraites, la santé et l’assurance chômage. Cependant, les critiques ont souligné que ces modifications législatives présentaient de nombreuses lacunes et qu’elles pénalisaient même certains migrants.
Le gouvernement de M. Sanchez, en collaboration avec l’UE, a également versé des aides financières à des gouvernements africains pour empêcher les migrants d’atteindre les côtes espagnoles, notamment de nombreux demandeurs d’asile.
La plupart des migrants en Espagne entrent légalement dans le pays par avion. Cependant, les quelques individus qui parviennent à bord de petits bateaux de passeurs sur les côtes espagnoles font régulièrement la une des journaux et sont souvent utilisés par l’extrême droite et les médias comme un argument contre la politique gouvernementale.
L’année dernière, face à la forte augmentation du nombre de personnes effectuant la dangereuse traversée maritime depuis la côte ouest-africaine jusqu’aux îles Canaries, M. Sanchez s’est rendu en Mauritanie avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a promis 210 millions d’euros (environ 339 millions de dollars canadiens) de fonds européens pour aider ce pays d’Afrique du Nord-Ouest à endiguer l’immigration.
Ces efforts semblent porter leurs fruits. Les arrivées de migrants aux îles Canaries ont diminué de 60 % cette année, une baisse que même les détracteurs du gouvernement attribuent au renforcement des contrôles aux frontières par les gouvernements africains.
L’Espagne accueille des millions de migrants originaires d’Amérique latine, qui bénéficient d’une procédure accélérée pour l’obtention de la nationalité espagnole et s’intègrent généralement facilement grâce à la langue commune. Les principaux pays d’origine des immigrants en Espagne sont actuellement le Maroc, la Colombie et le Venezuela.
La Banque d’Espagne estime que le pays aura besoin d’environ 24 millions d’immigrants en âge de travailler au cours des 30 prochaines années pour maintenir l’équilibre entre la population active et les retraités accompagnés de leurs enfants.
Suman Naishadham, The Associated Press