Eric Piolle avait prévenu : il n’abdiquera pas. Après sa suspension du porte-parolat des Ecologistes le 16 septembre à cause d’une information judiciaire pour «concussion» et «recel de délit» ouverte contre lui, le maire de Grenoble promettait qu’il ferait tout pour retrouver sa fonction. Il s’y emploie donc. Selon les informations de Libération, l’ancien candidat à la primaire verte de 2021 a déposé un recours, ce samedi 13 décembre, auprès du Conseil fédéral du parti dirigé par Marine Tondelier. Un «appel de la décision du Conseil statutaire qui a rejeté [son] recours sur la sanction prononcée par le Conseil disciplinaire», explique-t-il dans un mail que Libé a pu se procurer. Même s’il dit «mesurer évidemment que [sa] démarche peut générer un bruit peu positif pour [le] mouvement», le Grenoblois affirme n’avoir «aucune raison de [se] plier à ce qu’[il] considère être une erreur politique de fond mettant en lumière une faiblesse de la pensée de l’exercice du pouvoir [des] dirigeants nationaux, et être un oukase politicien».

L’affaire a commencé il y a plusieurs mois déjà. En avril précisément. A cette époque, les Ecolos préparent leur congrès, qui vise notamment à renouveler leurs instances. Eric Piolle, sachant déjà qu’il ne briguera pas de troisième mandat à Grenoble, informe son ancienne directrice de campagne, désormais secrétaire nationale, Marine Tondelier, qu’il compte devenir porte-parole du mouvement. Seulement, l’idée n’emballe pas la patronne du parti vert. Les accusations de montages financiers mis en place par l’élu pour verser indûment 16 800 euros à son ex-première adjointe, Elisa Martin, peuvent écorner l’image du parti, estime la Nordiste. Cette dernière, qui craint une mise en examen de son camarade en pleine campagne municipale, lui demande de renoncer. En vain : l’ex-ingénieur se présente et remporte l’élection interne malgré le soutien actif de la patronne pour son concurrent, Guillaume Hédouin. Il sera finalement suspendu le 16 septembre. L’intéressé n’a pas clairement réfuté les accusations lors de deux auditions, justifie alors la direction.

Dans son mail de recours, Eric Piolle insiste «sur le caractère politicien de toute la démarche qui a conduit à cette sanction». Le maire de Grenoble accuse la direction de s’être arrangé avec le calendrier pour le suspendre au moment opportun, c’est-à-dire au cours d’une séquence politique chargée pour que la décision passe le plus inaperçu possible. Auprès du conseil fédéral, l’édile explique qu’une décision le concernant devait intervenir mi-juillet mais a finalement été décalée «pour que la rentrée politique de Marine [Tondelier] ne soit pas gênée par une polémique». «Bayrou ouvre un chamboule-tout gouvernemental ? [La direction] voit là l’occasion de me sanctionner sans que les vagues ne prennent médiatiquement, vu que les projecteurs seront ailleurs», poursuit-il.

L’élu dit avoir en sa possession plusieurs messages ou enregistrements vocaux qui attestent ses propos. «La séquence dans son ensemble a choqué beaucoup de monde, écrit-il. Ce choc a également traversé le Conseil disciplinaire, et a conduit ainsi plusieurs personnes à me transmettre les échanges les plus scandaleux.»

Contacté, François Thiollet, en charge de la procédure visant Eric Piolle et pointé du doigt par le maire de Grenoble, dément avoir agi pour respecter un supposé calendrier politicien. «Les échanges que j’ai eus avec le Conseil disciplinaire ont été d’ordre procédural, ce qui est mon rôle», explique-t-il. Le membre de la direction ajoute que «le conseil disciplinaire est resté pleinement maître de ses décisions». Ce qu’a confirmé, selon lui, «le conseil statutaire auprès duquel Eric [Piolle] a fait son recours.»