RÉCIT – Cette icône de l’industrie française traverse une période de transformation majeure. Après avoir frôlé la faillite, elle se redresse grâce à l’engagement de ses salariés et à une démarche coopérative.
Duralex, ce n’est pas seulement une marque, une icône française, une saga ponctuée de hauts et de bas, c’est aussi, aujourd’hui, une success-story en devenir. Connue par des générations d’écoliers qui, à la cantine, s’amusaient à lire les chiffres au fond des verres, la célèbre verrerie a pourtant bien failli disparaître, acculée par l’explosion des coûts de l’énergie, la concurrence internationale et les errements d’actionnaires successifs. C’est finalement un scénario à contre-courant de l’échec qui s’est imposé.
L’iconique Gigogne se pare des couleurs de la République française.
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En 2024, le tribunal de commerce d’Orléans avait décidé du placement en redressement judiciaire de l’entreprise. Quelques irréductibles, déterminés à sauver leur outil de travail autant que leur savoir-faire unique, se sont mobilisés pour reprendre en société coopérative de production (Scop) l’activité, qui continue d’employer l’intégralité des 242 salariés.
La verrerie multiplie les éditions limitées
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Un feu qui brûle encore
Derrière les fours de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), les mêmes gestes se répètent, mais l’état d’esprit a changé. Désormais, 148 des 242 employés sont sociétaires de la coopérative. Chacun détient une part du destin de la maison, chacun a voix au chapitre. L’enjeu tend à prouver qu’une marque patrimoniale peut se réinventer sans renier ses racines.
Un effort doit être mené dans les écoles pour faire passer le message que l’industrie, ce n’est pas une punition : elle peut être « sexy »
Peggy Sadier, directrice marketing, e-commerce et new business de Duralex
Si les nouveaux entrepreneurs ont travaillé d’arrache-pied pour remonter la pente et dessiner une nouvelle trajectoire, il reste encore beaucoup à faire et Duralex n’est pas encore tirée d’affaire. « La situation reste délicate, confirme François Marciano, le directeur général. Chaque mois, nous terminons avec un solde modeste, veillant à éviter toute situation de découvert. Cependant, nous restons optimistes, car nous suivons le plan de redressement. »
Comment le verrier Pyrex veut se relancer loin de son petit frère Duralex
François Marciano, salarié, est devenu le directeur général de l’entreprise.
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Les objectifs et étapes pour y parvenir sont, en effet, millimétrés. Le point d’équilibre à l’échéance 2027 est fixé à 35 millions d’euros de chiffre d’affaires, quand l’entreprise envisage de boucler l’année 2025 à 32 millions d’euros. « Nous ne sommes pas inquiets, explique Peggy Sadier, directrice marketing, e-commerce et new business. 2025 est l’année de la consolidation. Nous avons travaillé pour évoluer et ne plus être seulement des industriels, mais aussi des commerçants. Nous nous adaptons aux besoins des consommateurs. » Pour cela, Duralex a lancé une levée de fonds à l’automne, qui a rencontré un grand succès. L’objectif de 5 millions d’euros d’investissement a été largement dépassé pour atteindre près de 20 millions d’euros en seulement quelques jours. « Cet argent va nous permettre d’acheter des moules pour nos nouveaux produits », précise-t-elle.
Innover pour l’avenir
En effet, stratégiquement, les dirigeants veulent éviter le piège de l’image d’une marque figée dans la nostalgie des cantines d’antan, des verres Picardie et Gigogne devenus objets de design, célébrés dans les musées et au cinéma. Duralex assume son héritage mais veut s’adresser à toutes les générations. « Les 55 ans et plus, poursuit Peggy Sadier, choisissent la marque pour un achat raisonné et militant, comme un soutien à l’industrie française. Or, 90% de nos visiteurs sont nouveaux. Les plus jeunes sont attirés par la dimension responsable de la production et la qualité des produits. »
Duralex veut mettre en valeur le «made in France» pour se relancer
La vaisselle est connue poursa durabilité et sa solidité.
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Depuis 1945, Duralex fabrique l’intégralité de sa vaisselle en verre trempé, un procédé industriel mis au point par Saint-Gobaindans les années 1930 : chauffé à plus de 700 °C puis refroidi brutalement, le verre devient jusqu’à cinq fois plus résistant qu’un verre ordinaire. « Nous envisageons de repositionner la marque au-delà de l’art de la table. Nous sommes convaincus qu’il reste de la place dans les placards des Français. Les concurrences chinoise et turque dans ce domaine sont dures, mais nous sommes persuadés de l’importance de la pédagogie. Lorsqu’on explique aux consommateurs pourquoi nous sommes plus chers, ils comprennent : nos verres sont plus solides et teintés dans la masse. »
Gage de qualité, les verres sont teintés dans la masse.
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Face à la polémique autour du tsunami consumériste des plates-formes chinoises, la directrice marketing plaide pour un raisonnement plus global plutôt que des décisions politiques protectionnistes prises « en réaction ». « Il faudrait, insiste-t-elle, accompagner les entreprises françaises vers un environnement plus favorable à l’entrepreneuriat. C’est compliqué de rester compétitif lorsque le coût de la masse salariale est aussi élevé. De notre côté, nous avons consenti des efforts salariaux car nous avons besoin de savoir-faire. Les machines ne peuvent pas tout faire. Et avec de nombreux départs à la retraite, nous allons devoir faire venir des jeunes, mais c’est compliqué. Un effort doit être mené dans les écoles pour faire passer le message que l’industrie, ce n’est pas une punition : elle peut être “sexy”. » Et forcément française.
Retrouvez la marque Duralex sur leur site internet .