La France vient de condamner un média pour des propos climatosceptiques. Cette première mondiale marque un tournant dans la lutte contre la désinformation climatique. Un phénomène qui prend de l’ampleur, ralentit l’action climatique et déstabilise la démocratie.
Des messages et des discours qui mettent en doute la réalité scientifiquement établie des changements climatiques, des chaînes comme CNews ou SudRadio en diffusent toutes les 40 à 60 minutes sur leur antenne. C’est ce que l’on appelle la désinformation climatique, un phénomène qui prend de l’ampleur et qui est toujours plus structuré.
Face à cette évolution, la France vient de condamner CNews à une amende de 20’000 euros pour avoir diffusé des propos climatosceptiques sans contradiction. C’est la première fois dans le monde qu’une autorité de régulation prononce une sanction financière pour un manquement concernant un sujet environnemental.
L’intégrité de l’information climatique inquiète au-delà de la France et s’est retrouvée au cœur de discussions internationales, au Brésil, lors de la récente COP30, la conférence de l’ONU sur le climat. Plus de 20 pays ont signé une déclaration et pris des engagements pour combattre la désinformation climatique qui « menace la réponse mondiale aux changements climatiques et la stabilité des sociétés ».
Les médias, « cibles ultimes »
Avec son association, Quota Climat, Eva Morel traque depuis 2022 les principaux acteurs à l’origine des fausses informations en matière d’environnement, en France et dans le monde. Elle en a identifié cinq: les ingérences étrangères, les industries fossiles, l’industrie de l’attention, c’est-à-dire les réseaux sociaux, les groupes d’extrême droite et les médias traditionnels.
« Les médias traditionnels sont devenus les cibles ultimes des stratégies de désinformation », s’inquiète Eva Morel. Leur rôle de tiers de confiance et leur influence sur l’opinion publique en font des vecteurs particulièrement efficaces de fausses informations.
L’ampleur du phénomène reste difficile à mesurer. Trois organisations, dont Quota Climat, ont mené une étude en France et au Brésil. Elles ont mis en évidence 20 cas de désinformation climatique intentionnelle et 529 de mésinformation dans les médias de l’Hexagone, entre janvier et août 2025. Au Brésil, un pic de désinformation a été observé en septembre, lors de la COP30.
Le Sud particulièrement exposé
Dans les pays du Sud global, particulièrement exposés aux effets des changements climatiques, l’enjeu de la désinformation climatique est croissant.
« A l’approche des saisons de pluies, on voit souvent de la désinformation qui circule », observe Ousmane Mamoudou, rédacteur en chef adjoint du studio Kalangou au Niger, une radio soutenue par l’ONG suisse Fondation Hirondelle. Elle se déploie sur les réseaux sociaux essentiellement, mais aussi dans les médias traditionnels selon le journaliste. « Il y a très peu de journalistes qui sont spécialistes de ces questions au Niger, ou qui couvrent les COP par exemple. »
En 2023, 42% de la population nigérienne déclarait n’avoir jamais entendu parler de changements climatiques, selon l’Afrobarometer. « Cela montre qu’il y a un besoin de sensibiliser les gens, surtout dans des sociétés très religieuses, qui ne comprennent pas que c’est le climat qui change et que ce n’est pas Dieu qui est responsable », explique Ousmane Mamoudou.
Une lutte globale
« Le facteur de résilience principal contre la crise de la désinformation, c’est un service public de l’information indépendant et fort qui reçoit une audience importante », analyse Julien Labarre, chercheur à l’Université de Zurich, et auteur d’une récente étude sur la désinformation, au sens large. Il préconise une approche globale: des algorithmes plus transparents, une protection renforcée des législateurs contre le lobbying et les faux experts et un travail d’éducation et de sensibilisation du public et des journalistes à la méthode scientifique.
Reporters sans frontières appelle aussi à une meilleure protection des journalistes qui travaillent ou enquêtent sur l’environnement, victimes de violence et d’intimidation croissantes en Amérique latine ou en Afrique.
Julie Rausis/miro