l’essentiel
Deux ans et demi après les élections qui ont divisé l’Association musulmane de Toulouse, les tensions restent vives. « Conflit de générations » et faux procès-verbal sont au cœur de l’affaire.

Une élection sous tension. Avril 2022. L’Association musulmane de Toulouse organise son scrutin pour désigner le conseil d’administration et le bureau dirigeant. Face à l’équipe sortante, installée depuis des années, un groupe de jeunes bénévoles émerge.

Un sac ou une urne ?

Surprise ? La jeunesse « renverse la table », mais le climat dégénère. Dans la salle, on crie à la fraude. Les versions s’opposent. Pour les anciens, « le sac en tissu utilisé comme urne pour les votes a été changé ». Impossible, objectent les jeunes : le vote a été organisé dans une… « urne en verre ».

Dans la confusion, le nouveau conseil d’administration quitte la salle pour procéder à l’élection du bureau. Simultanément, le clan sortant organise un second scrutin et dépose en préfecture un procès-verbal concurrent. C’est ce document dont la justice doit aujourd’hui dire s’il s’agit d’un faux.

28 000 euros de dommages et intérêts

« Est-ce le président qui a signé ce PV ? » « Non, c’est moi, mais avec son autorisation », rétorque le prévenu. « Curieuse façon de faire… » La magistrate poursuit. « Certains votants dont la signature apparaît affirment n’avoir pas été présents au moment du vote ». L’homme s’enlise : « Le PV était à la bibliothèque pour que les gens le signent ». « Donc ils n’étaient pas présents lors du vote ! » insiste la présidente, visiblement agacée par ses réponses évasives.

Pour Me Clément Rouget, avocat de la partie civile, le dossier est limpide : « L’élection a été réalisée légalement et un individu qui n’accepte pas sa défaite décide de faire un faux procès-verbal ». Il alerte : « Cela fait deux ans et demi qu’il nuit à l’organisation administrative et financière de l’association. Il faut que ça s’arrête ». L’Association musulmane de Toulouse réclame 23 000 € de préjudice financier et 5 000 € de dommages et intérêts pour atteinte à l’honneur.

Un « lanceur d’alerte » ?

Le procureur synthétise. « Le prévenu signe pour un absent, une personne non présente signe le lendemain… Les éléments démontrent avec évidence le faux ». Il requiert cinq mois de prison avec sursis et une interdiction de paraître à la mosquée pendant deux ans.

En défense, Me Ibrahima Bangoura évoque « un conflit générationnel ». « Les anciens ont levé quatre millions d’euros pour construire la mosquée. Face à eux, des jeunes opportunistes ont vu l’opportunité de détourner de l’argent ». Il qualifie son client de « lanceur d’alerte ». Pour lui, le second vote est bel et bien valide.

Le tribunal n’a pas retenu cette argumentation. Le prévenu a été condamné à six mois de prison avec sursis probatoire, assortis d’une interdiction de contact avec les parties civiles. Il a interdiction de paraître à la mosquée pendant deux ans et demeure inéligible pendant trois ans. Il devra en outre verser 13 000 € pour le préjudice financier et 3 000 € pour le préjudice moral.