Arrivée du Luxembourg la veille, Veronica conclut son séjour européen dans la Ville Lumière. « First time in Paris ! (Première fois à Paris !) », s’exclame l’Australienne de 26 ans, sac sur le dos, à la sortie de The People Marais où elle a passé une nuit. Inauguré en 2022, cet hostel – ou auberge de jeunesse -, situé boulevard Morland (IVe), dispose d’une capacité de 400 couchages et affiche presque tout le temps complet.

« J’ai payé 60 euros la nuit dans une chambre partagée, détaille la jeune cliente. Ce qui me plaît, c’est la propreté des lieux, le confort, la situation aussi en plein cœur de Paris, et le prix ! »

Preuve d’un modèle qui séduit, entre 2015 et 2024, le nombre d’auberges de jeunesse est passé de 27 à 41 établissements à Paris (+ 51 %), d’après Christie & Co, cabinet de conseil spécialisé dans l’hôtellerie.

Paris comble son retard

Derrière ces chiffres se cache cependant une réalité : Paris accuse encore un retard par rapport à d’autres grandes capitales européennes, dont Amsterdam (Pays-Bas), Berlin (Allemagne) et Londres (Royaume-Uni). « Ces villes comptent entre 15 000 et 20 000 lits, Paris est à 10 000 environ » contre un peu plus de 5 000 en 2015, constate Guillaume Garcin, directeur général France de Christie & Co.

La dynamique est donc enclenchée avec des pics ces dernières années : 1 592 lits créés en 2019. L’année 2024, avec 738 nouveaux lits, confirme la reprise post-pandémie et l’intérêt pour ce type d’hébergement. « D’ici à 2030, Paris et sa périphérie verront une augmentation sensible du nombre de lits. À l’échelle nationale, on table sur une hausse de 20 % à horizon 2030 », projette Guillaume Garcin.

Du dortoir au lifestyle

En effet, les auberges de jeunesse parisiennes se multiplient et prennent un virage premium. « Paris reste la ville du luxe dans laquelle l’hôtellerie économique n’avait pas forcément sa place. Le modèle tend à évoluer, avec des auberges de jeunesse qui misent sur l’expérience client. On n’est plus dans le format YMCA, comme en Angleterre, avec ces immenses dortoirs », analyse Roch Barberon, directeur asset management & développement chez The People.

Le groupe présent à Belleville, Nation, dans le Marais et à Bercy est l’une des principales enseignes parisiennes avec HipHop Hostels, St-Christopher Inns, Meininger Hotels et Generator.

Boulevard Morland (IVe), décembre 2025. The People Maris dispose d'un espace bar et restaurant avec une terrasse. Un étage qui profite aux clients de l'auberge de jeunesse, et pas seulement. LP/Paul AbranBoulevard Morland (IVe), décembre 2025. The People Maris dispose d’un espace bar et restaurant avec une terrasse. Un étage qui profite aux clients de l’auberge de jeunesse, et pas seulement. LP/Paul Abran

L’établissement du boulevard Morland dispose de 24 chambres doubles ou famille, des dortoirs de 4, 6 et 8 lits. « Nous avons des espaces communs, des salons avec jeux de société, une cuisine partagée, un restaurant et bar, une terrasse », énumère Clémence Beaufrère, la directrice de The People Marais, implanté dans l’ancien site administratif de la préfecture.

L’auberge de jeunesse devient ainsi un lieu de vie à part entière. « Une clientèle corpo » a même fait son apparition. « On a rajouté des prises électriques. En journée, l’étage avec le bar/restaurant devient un espace de coworking », constate Clémence Beaufrère.

« Une soif de voyager »

Si les backpackers (voyageurs en sac à dos) de 18-35 ans constituent toujours le cœur de cible, le profil des clients s’est considérablement élargi. « Il y a une soif de voyager, des familles, des jeunes, des groupes scolaires. Une clientèle qui recherche l’économie, des bons emplacements, des lieux où sociabiliser », observe Lucie Perrin, responsable transactions chez Christie & Co.

Chez The People Marais, « en moyenne, nos clients ont entre 25 et 35 ans, de nationalités très diverses. Des Américains, des Asiatiques… Quelques groupes scolaires aussi et des familles », confirme Clémence Beaufrère.

Boulevard Morland (IVe), décembre 2025. Cette chambre familiale dispose d'un grand lit double et de deux lits superposés. LP/Paul AbranBoulevard Morland (IVe), décembre 2025. Cette chambre familiale dispose d’un grand lit double et de deux lits superposés. LP/Paul Abran

Marcelina, 24 ans, a réservé 4 nuits avec ses amies américaines. « Nous sommes à Paris pour une fête d’anniversaire. L’hostel est confortable, bien situé, on manque peut-être un peu de place pour toutes nos valises, mais je recommande. »

L’innovation réside notamment dans l’offre familiale : « Aujourd’hui, une famille qui séjourne à Paris a besoin de deux chambres dans un hôtel classique. Ici, nous avons ce qu’il faut avec un grand lit et des lits superposés dépliables. Des écrans également », explique Roch Barberon.

Les séjours sont courts – 2 à 3 nuits en moyenne – mais le taux de remplissage est élevé : « Entre 85 et 90 %. En dernière minute, ça fonctionne très bien », se félicite la directrice de The People Marais.

Des nouveaux établissements dès 2026

De nouveaux projets sont en cours dans la Ville Lumière. La Foncière Concorde prévoit d’ouvrir en 2026 une auberge de jeunesse de 100 chambres et 20 dortoirs à proximité du parc de la Villette (XIXe) – l’un des quartiers qui compte, avec Alésia (XIVe), le plus de lits. L’année suivante, le groupe Eklo s’implantera porte de Saint-Ouen (107 chambres, 11 dortoirs) quand le groupe SLO Living songe à une arrivée à Paris, liste Christie & Co.

Avec « un flux touristique à Paris équivalent, si ce n’est supérieur en 2025 à celui de 2019, la demande est forte ». Et « elle profite autant au luxe qu’aux modèles hybrides et économiques qui se tournent vers un format plus premium, des dortoirs de 4 à 10 personnes, des chambres réservées aux femmes », souligne Guillaume Garcin. Un segment de l’hôtellerie parisienne longtemps négligé qui prend de plus en plus ses quartiers dans la capitale.