Par
Frédéric Patard
Publié le
14 déc. 2025 à 6h56
Ça se passe dans un F5, au 12e et dernier étage d’un immeuble – pour l’heure vide d’occupants – de la ZUP d’Octeville. Avec ascenseur et vue imprenable sur la ville, la rade et le Roule. Poussée la porte, on découvre plusieurs pièces aux murs tapissées de plaques pour absorber le son, équipées de micros, d’une console de mixage, et de tout un bazar technique qui laisse perplexe.
Le « quart d’heure cherbourgeois »
Nous voilà dans les studios de Radio-Cherbourg, station locale de l’ORTF, qui vient tout juste d’être installée. Pour le moment, les techniciens sont en train de procéder aux réglages de réception et d’émission. Sur le toit-terrasse juste au-dessus, une antenne omnidirectionnelle arrimée sur un pylône de 10 mètres de haut pour la réception. Et à côté, une autre antenne pour l’émission.
Pourquoi venir installer une station locale au bout du Cotentin ? Tout simplement pour offrir aux auditeurs une information locale dans de meilleures conditions techniques. Car on pourra désormais écouter Radio-Cherbourg en FM (fréquence 94.15), grande nouveauté technologique de l’époque… même si seulement moins de 10 % des auditeurs cherbourgeois possèdent à l’époque un poste de radio pouvant capter la FM ! Et de toute façon, au-delà de Valognes, cela devient difficile de capter correctement Radio-Cherbourg…
Que peut-on écouter sur 94.15 ? En fait, un « décrochage » local entre 12 h 30 et 12 h 45. Le reste du temps, c’est France Inter qui reprend ses programmes habituels. Pour animer le « quart d’heure cherbourgeois », mélange d’infos locales et de musique, un journaliste, Alain Créach, vieux routier de l’ORTF, assisté d’un jeune technicien caennais, Philippe Noir. Et c’est tout.

Radio-Cherbourg ©Archives La Presse de la Manche.A la télé aussi
Une fois les réglages effectués, la première émission de Radio-Cherbourg a lieu le 6 janvier 1966. Au programme, La mer, le morceau de Charles Trénet interprété par l’orchestre de Franck Pourcel, qui va devenir l’indicatif officiel de Radio-Cherbourg. Une allocution du directeur général de l’ORTF. Une interview du député-maire de Cherbourg, Jacques Hébert. Le bulletin météo local. Et de nouveau La mer pour clôturer l’émission. Le tout entrecoupé d’extraits des Parapluies de Cherbourg pour servir d’enchaînements. C’est court, mais on ne peut pas faire plus cherbourgeois !
Nec plus ultra. Le soir même, les auditeurs qui sont aussi téléspectateurs ont l’occasion de voir ce qu’ils ont entendu le midi même, puisque l’inauguration des studios de Radio-Cherbourg fait partie des reportages diffusés lors des actualités régionales de Télé Basse-Normandie, qui inaugure au même moment ses studios de Caen ! Le son et l’image, le même jour. On ne peut pas rêver meilleur lancement…
De 1944 à 1965
Le 4 juillet 1944, Radio-Cherbourg lance sa première émission depuis son studio de la villa Favier, à la Fauconnière. Aux manettes, une équipe mixte composée de journalistes et techniciens français et alliés. Le but de Radio-Cherbourg, implantée sur l’initiative des Alliés, est d’offrir de l’info locale aux habitants du Cotentin : une info-service bienvenue en ces temps troublés où les populations civiles ont été au cœur des combats et où chacun cherche des nouvelles de ses proches.
Mais Radio-Cherbourg diffuse aussi des reportages sur le vif (les derniers moments de l’occupation allemande à La-Haye-du-Puits par exemple), des programmes de la BBC, et beaucoup de musique. Radio-Cherbourg cessera d’émettre le 6 septembre 1944, le réseau radiophonique national reprenant alors ses droits.
Hormis le nom et l’emplacement proche (quelques hectomètres entre la villa Favier et l’immeuble de la ZUP), rien de commun entre Radio-Cherbourg de 1944 et Radio-Cherbourg de 1965. Juste une jolie coïncidence…
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Témoignage
« Une histoire d’ascenseur »
Philippe Noir, jeune technicien de 24 ans, arrive à Cherbourg pour installer la station. Il y fera toute sa carrière.

Philippe Noir aux manettes. Il va faire toute sa carrière à Cherbourg. ©Archives La Presse de la Manche.
« Je suis arrivé à Cherbourg au mois de décembre 1965. Avec quatre techniciens de France Inter, on a installé tout le studio.
L’émetteur était énorme, pesait bien 250 kilos : impossible de le rentrer dans l’ascenseur. On l’a monté par l’escalier – 12 étages ! – et une fois arrivés en haut, on s’est aperçus que finalement, il passait dans l’ascenseur !!
Toujours lors de l’installation de la station, je finis tard un soir. Je prends l’ascenseur pour descendre, et évidemment il tombe en panne entre deux étages. J’ai eu beau taper, crier, l’immeuble étant inoccupé, j’ai passé la nuit dans l’ascenseur. Le matin, c’est un chauffagiste travaillant dans l’immeuble qui m’a entendu et délivré. Heureusement, ce n‘était pas un vendredi soir, sinon j’y aurais passé le week-end !
Et puis dernière anecdote sur cet ascenseur.
On avait invité Jean Marais à venir au studio un jour qu’il était de passage à Cherbourg. Quand il arrive, l’ascenseur était évidemment en panne : il a monté les 12 étages à pied… »
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De Radio Cherbourg à Ici Cotentin
Au fil des ans, Radio Cherbourg devient FR3 Radio Cherbourg, puis FIP Cherbourg (octobre 1986), puis Radio-France Cherbourg, puis France Bleu Cotentin (2000).
Et enfin Ici Cotentin depuis début 2025.
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