Risque de cancer diminue avec l’âge : ce tournant au très grand
âge

On pense souvent que le cancer grimpe sans fin avec l’âge. Une
équipe de la Université de Stanford remet ce récit
en perspective, en s’attaquant au lien entre mutations accumulées
et tumeurs. « Le modèle standard du cancer, c »est qu’avec l’âge on
accumule des choses mauvaises sous forme de mutations. Quand on
accumule suffisamment de choses mauvaises, le cancer survient », a
expliqué Dmitri Petrov, cité par le New York Post. De quoi
reconsidérer ce que montrent réellement les courbes par âge.

Dans les statistiques, l’incidence augmente nettement après 50
ans, puis atteint un pic entre 70 et 80 ans. Passé ce cap, la
courbe cesse de s’envoler, elle se tasse. Les chercheurs ont voulu
tester si le vieillissement très avancé ne finissait pas, lui
aussi, par freiner certaines tumeurs. Une idée dérangeante, mais
qui s’invite de plus en plus dans la conversation scientifique. Et
s’il existait un basculement discret, tard dans la vie ?

Étude Stanford : des souris très âgées, trois fois moins de
tumeurs

Pour creuser, l’équipe a provoqué des tumeurs
pulmonaires
fluorescentes chez des souris génétiquement
modifiées, puis comparé des jeunes (4 à 6 mois) à des très âgées
(20 à 21 mois). Quinze semaines plus tard, verdict sans ambiguïté :
les jeunes présentaient environ trois fois moins
de protection, avec près de trois fois plus de tumeurs et des
masses plus volumineuses que les très âgées. « C’est une découverte
frappante », a observé le Docteur Monte Winslow.

Le résultat casse une intuition tenace. « Au-delà d’un certain
point, le vieillissement semble au contraire être une forme
générale de suppression du cancer », a estimé Dmitri Petrov. Publié
dans la revue Nature Aging, ce travail suggère que
l’environnement biologique du très grand âge pourrait, dans
certains contextes, devenir moins accueillant pour la prolifération
tumorale. Un renversement qui interpelle les épidémiologistes
autant que les cliniciens.

Vers 85 ans, pourquoi la courbe se tasse

Les données de population montrent une stabilisation puis un
recul léger de l’incidence humaine autour de 85
ans
. Pour comprendre ce tassement, les chercheurs ont
désactivé 25 gènes suppresseurs de tumeur, dont le célèbre
PTEN. Quand ils ont relancé le processus tumoral,
tout a augmenté, mais de façon bien plus marquée chez les jeunes.
« L’inactivation de PTEN ressortait comme ayant un effet bien plus
fort chez les souris jeunes », a détaillé Emily Shuldiner.

Ce contraste suggère une sensibilité différente aux mutations
selon l’âge. « Cela suggère que l’effet d’une mutation donnée, ou
l’efficacité des thérapies anticancéreuses ciblant des mutations
spécifiques, pourrait être différent chez les personnes jeunes et
les personnes âgées », a-t-elle ajouté. Autrement dit, la biologie
de la tumeur se lit aussi à travers l’âge de l’organisme qui
l’héberge — un paramètre trop peu intégré jusqu’ici.

Après 85 ans, que change cette
découverte ?

Attention au contresens : une incidence qui se tasse ne veut pas
dire disparition du risque. Cette étude est préclinique, menée sur
des souris et sur un modèle de cancer du poumon.
Elle ouvre toutefois une piste forte, déjà discutée par l’équipe de
Stanford dans Nature Aging : des mécanismes liés au
vieillissement extrême pourraient freiner la progression de
certaines tumeurs. « Les implications de cette histoire pourraient
être énormes. Peut-être que le vieillissement a un côté bénéfique
que nous pourrions exploiter pour de meilleurs traitements », a
déclaré Dmitri Petrov.

Ces résultats posent aussi une question de méthode. « Nous
développons ces modèles animaux de cancer avec en tête l’objectif
de mettre au point de nouveaux traitements pour les patients », a
rappelé Monte Winslow. « Mais pour que cela fonctionne, les modèles
doivent être corrects. Et cette étude suggère que les modèles
utilisant de jeunes animaux ne reflètent peut-être pas fidèlement
d’importants changements liés au vieillissement », a-t-il souligné.
Prochaine étape annoncée par les chercheurs : étudier
systématiquement l’extrême vieillesse pour transformer cette
protection tardive en pistes thérapeutiques.