Par
Jessie Leclerc
Publié le
28 avr. 2025 à 20h16
Alors que de nombreux commerces ferment dans nos campagnes, certains tiennent bon. Derrière ces vitrines encore éclairées, des figures locales incarnent une autre réalité : celle de la ténacité, de l’amour du métier et d’un lien humain profond.
Nous sommes allés à la rencontre de trois d’entre elles, au cœur de la Seine-Maritime, à Életot, Angiens et Saint-Riquier-ès-Plains. Jennifer, Hervé, Carole et Charlotte partagent une même énergie pour faire battre le cœur de leur village. Leur quotidien, leur relation avec les riverains… Ils se confient à 76actu. Et autant vous dire que leur vie n’est pas de tout repos !
Jennifer, la « fée du village » d’Életot
Les commerces de proximité sont bien plus que des lieux d’achat. Ce sont des lieux de vie, d’échange. Et ça, à 42 ans, Jennifer l’a bien compris. Charcutière de métier, elle a repris, il y a trois ans, l’épicerie d’Életot d’où elle est originaire, près de Fécamp. Et Au P’tit Életot, on fait de tout : supérette, bar, restauration, tabac, dépôt de pain et même point de gaz.
Ici, la passion fait tourner le village. Et de la passion, il en faut bien, car Jennifer est seule à bord, elle gère tout : cuisine, service, caisse. Une prouesse au quotidien, surtout les week-ends et en saison estivale, où randonneurs du GR21, cyclistes et touristes affluent.
À 42 ans, Jennifer gère tout de A à Z dans son commerce multifonction, à Életot (Seine-Maritime). (©JL/76actu)
« Je bossais dans une grande boîte du Havre. Il y a eu un PSE, en gros on m’a viré. Je passais tous les jours devant cette boutique et elle était souvent fermée, donc l’idée m’est venue comme ça », raconte la gérante.
Vu que je suis le seul commerce, les gens sont vraiment contents de me voir. Je suis un peu comme la fée du village. Mes habitués ils ne viennent pas au P’tit Eletot, ils viennent chez Jennifer.
Jennifer
Gérante du P’tit Eletot.
Si elle devait résumer ses journées en un mot, ce serait : « sport ». Elle est sur tous les fronts en toute saison. « On travaille dur l’été pour tenir l’hiver. C’est une passion on ne fait pas ce métier-là pour être riche. »
La gérante propose un service de restauration, là encore, elle est seule aux commandes : « C’est sportif s’il y a du monde au bar, car on ne peut pas être au four et au moulin, mais les clients sont compréhensifs. On n’est pas sur la plage de Fécamp ici ! »
Jennifer cuisine du simple, mais du bon. Rougaille saucisse, croque-monsieur à la béchamel, œufs mayonnaise, salade de hareng. Elle privilégie le local et le fait maison. « Je cuisine comme pour mon mari et mes enfants, comme à la maison », confie-t-elle.
L’été, elle organise aussi la Fête de la Musique, avec saucisses, frites, et musique sur la place du village. L’an passé, 120 personnes avaient répondu présentes.
Et ne parlez pas à Jennifer d’arrêter, elle ne retournerait en arrière « pour rien au monde » : « Si c’était à faire, je le referai. » Nous la laissons sur cette belle note. Elle, est encore loin d’avoir fini sa journée : « Je vais retrouver mes piliers de bar ce soir ».
À Angiens, une histoire de famille
On avance dans les terres. Carole, 57 ans tient Six Troënes, une épicerie à Angiens, entre Fontaine-le-Dun et Saint-Valéry-en-Caux. Elle est le soleil du village de 580 habitants. Elle a repris le commerce il y a 33 ans, à la suite de ses parents et depuis sept ans sa fille, Charlotte, 31 ans, l’accompagne.
Carole et Charlotte travaillent en famille. (©Document transmis)
Ce qui l’anime dans son métier, ce sont ses clients. « Je n’ai pris des vacances que trois fois, mais dès le mercredi je m’ennuyais, ma clientèle me manquait déjà », confie-t-elle. La gérante devrait prendre sa retraite dans 10 ans, mais n’est pas sûre de pouvoir vraiment s’arrêter un jour : « J’ai besoin de ça, je ne me vois pas à rien faire ».
La semaine, de 7h à 20h, Carole est une touche à tout. Elle vend produits fermiers locaux, fruits et légumes, snacks et a même un point chaud avec des viennoiseries et du pain : « On travaille avec un boulanger, car sinon on n’a rien par ici ». La boutique possède aussi un coin bar, tabac, jeux d’argent et va jusqu’à proposer un service de livraison à domicile.
À Angiens, l’épicerie Six Troënes est un commerce multiservice. (©Document transmis)
Le commerce est indispensable au village : « Il n’y a rien dans un secteur de 10 kilomètres. Certes on est du dépannage pour les clients, mais ils nous disent ‘heureusement que vous êtes là’ ».
Une vie à 100 à l’heure au Rol’Skafee
À Saint-Riquier-és-Plains, petit village entre Cany-Barville et Saint-Valery-en-Caux, Hervé, 50 ans, et sa belle-sœur Carole, 43 ans, tiennent depuis 11 ans le Rol Skafee. Bar-tabac, snacking, restauration rapide, gaz, colis, Française des jeux, et épicerie, c’est un commerce multifonction.
Hervé et Carole dirigent le Rol Skafee depuis 11 ans à Saint-Riquier-és-Plains (Seine-Maritime). (©JL/76actu)
« On a repris après mes beaux-parents. Pour que ça tienne, on a diversifié », explique Hervé. Le duo travaille 7 jours sur 7 : « On ne compte pas nos heures ». Malgré un rythme intense, Hervé insiste sur l’esprit familial et chaleureux du lieu. Ici, tout le monde se connaît.
La partie restauration marche du tonnerre. « On a dû embaucher quelqu’un en cuisine en 20 heures semaine », précise Hervé. Les plats sont fait maison : burgers, pizzas et tacos dont les pâtes sont faites à la main, sauce fromagère, frites. Et les prix sont accessibles : « Mieux vaut vendre à des tarifs abordables et vendre deux fois. Le but c’est que les gens reviennent ».
Le Rol Skafee fait aussi supérette. (©JL/76actu)
Le commerce connaît des difficultés : « On s’est fait cambrioler la semaine dernière. Les gars ont été arrêtés et l’enquête est en cours, mais ça fait un coup quand même », reconnaît Hervé. Mais lui qui était électricien automobile ne regrette pas sa reconversion : « On ne se dégage pas gros salaires, mais on aime ce que l’on fait ».
Des commerces essentiels
Parfois, les derniers commerces de ces petits villages menacent de fermer. C’est le cas de l’épicerie Tharel Julie à Thérouldeville, une institution dans ce secteur du Pays de Caux. Les yeux humides, remplis d’émotions, sa gérante affirme ne pas être sûre de rester ouverte encore bien longtemps. Les rayons sont déjà presque tous vides.
Mais de ces rencontres, ce que l’on retient, avant tout, ce sont des passionnés qui ne comptent pas leurs heures pour faire vivre nos petites communes, des passionnés qui aiment leurs clients. Ils sont cuisiniers, vendeurs, logisticiens, médiateurs, confidents, parfois tout en même temps.
Suivez l’actualité de Rouen sur notre chaîne WhatsApp et sur notre compte TikTok
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.