La situation financière de la Société minière du Sud Pacifique (SMSP) est extrêmement tendue, avec la NMC (Nickel mining company) qui était sous la menace d’une cessation de paiements ce lundi 15 décembre. Son partenaire Coréen permet de repousser cette échéance à fin janvier, avec le paiement par avance d’un bateau chargé de minerai. Car cette situation, qui inquiète les 650 salariés de l’entreprise, se répercute jusqu’en Asie, où se trouve la SNNC (Société du nickel de Nouvelle-Calédonie), associée au géant Posco dans l’usine de transformation de minerai basée à Gwangyang.

Jusqu’au début de la guerre en Ukraine, cette usine affichait de très bonnes performances, alignées avec sa capacité nominale de production, à savoir 45 000 tonnes de ferronickel. Mais le prix du charbon a été multiplié par 4, ce qui a rendu la production beaucoup moins rentable, surtout dans un pays où l’énergie n’est pas subventionnée. Posco, le partenaire coréen de la SMSP, souffre lui aussi de la flambée mondiale des prix des matières premières.

Les problèmes de trésorerie, déjà existants, se sont dramatiquement accentués. Le découvert bancaire autorisé de 400 millions de francs, dont la NMC bénéficiait jusqu’alors, n’est plus disponible car les garanties demandées par les banques locales calédoniennes sont devenues trop importantes depuis les émeutes.

 

L’inquiétude des salariés

Dans quelques jours, l’entreprise ne pourra plus payer les sous-traitants, et les salariés s’inquiètent. C’est pourquoi une intersyndicale a appelé le mercredi 3 décembre à une mobilisation devant le haut-commissariat à Nouméa. Deux préoccupations pour les organisations syndicales : la cessation de paiements pour la NMC à compter du 15 décembre, et la situation du groupe SMSP en général, de ses partenaires, tâcherons et sous-traitants.

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Le tract de l’intersyndicale souligne plusieurs éléments : la sauvegarde de plus de 650 emplois directs et de 2 000 emplois indirects, un traitement équitable de tous les acteurs nickel, et concomitamment, le refus que la NMC soit laissée de côté d’un plan de soutien à la filière nickel.

La SMSP, c’est effectivement KNS, qui regroupe 4 sites d’exploitation géographiquement et administrativement rattachés à la Province Nord. Mais le siège de la NMC se trouve à Nouméa et emploie plus de 80 personnes.

La NMC fait appel à des sous-traitants tels que SIRAS, EMC, BECA, etc., situés tout à la fois dans le Nord, mais dont les sièges sont majoritairement dans le Sud. En cas de cessation de paiements et d’activité, la population migrera certainement, comme pour KNS, dans le Sud où les chances de retrouver un emploi sont supérieures. C’est donc un souhait de sauver une activité métallurgique et minière d’envergure territoriale.

  

Le “plan stratégique” pour le nickel

Le jeudi 4 décembre, le Premier ministre Sébastien Lecornu annonçait un “plan stratégique” pour le nickel, proposition du gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances, dont l’adoption définitive reviendra du Parlement. Une aide distincte d’un soutien éventuel au secteur du nickel qui dépendra, selon de Premier ministre, “du résultat des négociations sur la nouvelle stratégie du nickel”.

Sébastien Lecornu a déclaré que l’État « finançait chaque année les pertes d’usines non rentables » et que le moment était venu de « transformer la filière et de prendre les engagements nécessaires à son succès ». Le but est de « décarboner le mix énergétique du territoire et d’offrir un coût de l’électricité compétitif pour les industriels ». Il est ainsi question de financer une étude pour la réalisation d’une STEP (station de transfert d’énergie par pompage) dans la région de Tontouta, dont la réalisation est estimée aux alentours de 40 milliards de francs.

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Sébastien Lecornu, dans son courrier aux élus, indique que « les autorités locales compétentes, avec l’appui de l’État, devront élaborer au premier semestre 2026 un plan de transformation de la filière ». Une condition qui met les métallurgistes dans l’embarras, car si le principe de l’aide est apprécié, les contours de sa mise en application manquent de clarté pour les sociétés minières et métallurgiques, qui craignent un effet d’ingérence comparable à celui du pacte nickel.

 

La relance selon le député Emmanuel Tjibaou

Le 6 novembre dernier, le député Emmanuel Tjibaou a déposé un amendement pour « sauver l’outil industriel du nord et la filière nickel calédonienne”. Cet amendement a été adopté par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. À ce titre, il fera donc partie intégrante du projet de loi de finances 2026, qui sera débattu le 18 décembre dans l’hémicycle du palais Bourbon.

Le complexe industriel de Koniambo Nickel SAS (KNS) est aujourd’hui en veille froide après des mois d’incertitudes. Un arrêt complet de l’activité signifierait la perte définitive de 1 235 emplois directs et d’environ 700 emplois indirects.

L’amendement prévoit la création d’un fonds de soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie. 300 millions d’euros (36 milliards de francs), pour sécuriser la reprise de KNS, éviter la liquidation et permettre un redémarrage progressif de l’usine du Nord, mais aussi de soutenir la SMSP, actuellement sous procédure de sauvegarde.

La proposition portée par le député Tjibaou s’articule autour de deux axes. Le premier concerne le départ du co-actionnaire actuel Glencore. Les provisions pour démantèlement des actifs de KNS, estimées à 475 millions de dollars (4,84 milliards de francs), seraient temporairement portées par l’État selon Emmanuel Tjibaou. Ce qui permettrait d’obtenir un versement en numéraire de Glencore d’un montant d’environ 300 millions de dollars (30 milliards de francs).

Une partie, 50 millions de dollars (5,1 milliards de francs), serait dédiée à la reprise des opérations minières. Le solde, 250 millions de dollars (25,5 milliards de francs), serait conservé en trésorerie sous séquestre au bénéfice de l’État, diminuant ainsi son engagement réel, toujours selon le député Emmanuel Tjibaou. Pour ce dernier, la proposition d’amendement viserait directement à répondre sur l’équité de traitement entre les mineurs et les métallurgistes, les uns vis-à-vis des autres.

Une reprise des parts de Glencore ?

Le second axe consisterait, pour la SMSP, à se positionner comme repreneur des 49% de Glencore. Cependant, la SMSP est actuellement sous procédure de sauvegarde et ne peut prétendre au rachat sans un refinancement de son endettement, évalué à 274 millions d’euros (33 milliards de francs).

Une restructuration de sa dette et un accompagnement de l’État, comparable à ceux déjà accordés à la SLN (environ 650 millions d’euros, soit 77,5 milliards de Francs) ou à Prony Resources (environ 500 millions d’euros, soit 60 milliards de francs), permettraient à la SMSP de reprendre les parts de Glencore, d’éviter la liquidation de KNS et de rembourser ses créanciers (Caisse d’Épargne IDF, AFD, Province Nord).

Selon Emmanuel Tjibaou, le refinancement permettrait de libérer des capacités d’investissement local et de rééquilibrer le soutien de l’État entre les provinces Nord et Sud, aujourd’hui asymétrique de son point de vue.

Des repreneurs potentiels pour KNS 

Dans son objectif de réindustrialisation du Nord, la SMSP est toujours à la recherche de solutions pour redonner des emplois aux salariés qui vont arriver en fin de droits (12 à 18 mois d’indemnités de licenciement accordés à la mise en veille du complexe de Vavouto).

“Nous considérons que l’arrêt de notre activité constitue un échec industriel”, affirme Karl Therby, le PDG de la SMSP, “mais il est possible de rebondir. Pas avec de l’argent gratuit, mais en obtenant un prêt que nous pouvons rembourser. Et nous pouvons par exemple nous positionner sur le marché du ferronickel low carbone comme nous le faisons déjà en Corée du Sud. Car notre objectif demeure de transformer le minerai en métal localement, et non pas d’exporter du minerai brut”.

Depuis 14 mois, date de l’annonce de la mise en sommeil de l’usine du Nord, KNS cherche un repreneur. Parmi les candidats potentiels, le géant chinois Lygend Resources and Technology, à la fois négociant et producteur de produits en nickel, est venu à plusieurs reprises en Nouvelle-Calédonie. Une offre ferme de rachat est attendue de la part de cet acteur asiatique. Des industriels Qatari se sont également montrés intéressés.

Bouffée d’oxygène

Pour les repreneurs potentiels, la question du maintien de la technologie NST (le procédé technique pyrométallurgique de fusion du minerai) ou de son démantèlement se pose, puisqu’il n’a pas encore démontré sa capacité à atteindre la puissance nominale de l’usine. Mais la direction du groupe SMSP veut encore croire que l’activité peut reprendre à l’usine du Nord, et qu’une solution financière de relance est possible.

La semaine dernière, Karl Therby et son équipe sont allés en Corée à la rencontre de leur partenaire. Ils ont réussi à obtenir un peu d’oxygène avec le paiement par avance d’un bateau chargé de minerai à destination de Gwangyang. Une petite avancée qui permet à la NMC de prolonger l’activité jusqu’à la fin du mois de janvier prochain, et d’échapper à la cessation de paiement immédiate.