Raymond de Pastor, chef de service des études fiduciaires à la Banque de France. Photo DR
Quel est le rôle de la Banque de France dans l’émission d’espèces ?
« D’après la loi, la Banque de France a pour mission d’assurer l’entretien des espèces et de gérer la bonne qualité de leur circulation sur l’ensemble du territoire. La Banque de France a donc un rôle opérationnel important pour les espèces, les billets en particulier. Pour la gestion des pièces aussi, mais ce sont plutôt le Ministère des Finances et la Monnaie de Paris qui sont à la manœuvre. La Banque de France a néanmoins un rôle important parce que les pièces sont aussi stockées dans ses caisses. »
Comment se passe le processus de production et d’émission de billets ?
« Il faut bien avoir en tête que l’on se trouve dans l’Eurosystème, c’est-à-dire qu’il existe un certain nombre d’imprimeries, certaines publiques, d’autres privées. Ces imprimeries produisent les billets dont les pays de l’Eurosystème ont besoin. Il y a des échanges étroits avec les différentes banques centrales nationales. Quelques imprimeries produisent pour un ensemble de pays. Par exemple, il y a une imprimerie en France (à Chamalières, qui va déménager à Vic-le-Comte en 2026), mais elle ne produit pas que pour la France.
À la Banque de France, notre maître-mot est la neutralité. On ne privilégie pas un moyen de paiement par rapport à un autre.
Parmi les billets mis en circulation par la Banque de France, il y a deux sortes : des billets neufs qui viennent d’être produits ; et des billets usagés remis en circulation, qui sont revenus dans nos caisses et qui ont été triés pour vérifier qu’ils sont de bonne qualité. Les billets trop abîmés sont broyés, sinon on accomplirait d’ailleurs mal notre mission de garantir la bonne circulation des billets. Une fois que les billets sont sortis, qu’ils sont convoyés par les transporteurs de fonds et dans les banques, ils ne nous appartiennent plus, d’une certaine manière. Ils vivent leur vie dans l’économie. »
Combien de billets produit la Banque de France chaque année ?
« On ne communique pas sur les volumes de production, mais ce qu’il faut retenir, c’est que la Banque de France est le premier imprimeur public dans l’Eurosystème, et on livre en moyenne depuis le début de l’émission des billets en euros plus d’1 milliard de billets en euros par an. »
La production de billets diminue-t-elle avec l’essor des paiements digitalisés ?
« On a globalement un repli de l’utilisation des espèces pour les paiements. Forcément, ce repli a des incidences sur les infrastructures, les volumes de production, d’émission, de circulation et de stockage. Par rapport à il y a quelques années, oui, on est sur des niveaux plus bas. C’est lié à un contexte de fond. »
La Banque de France intervient-elle pour que chaque Français ait accès à un distributeur de billets ?
« À la Banque de France, notre maître-mot est la neutralité. On ne privilégie pas un moyen de paiement par rapport à un autre. La conséquence de cette neutralité est que les espèces doivent être accessibles à tous les citoyens. Les Français doivent avoir la liberté de choisir leur moyen de paiement.
Il y a une organisation nationale qui s’appelle le Comité national des moyens de paiement (CNMP). Dans ce comité, il y a toutes les parties concernées, en particulier : les banques, les transporteurs de fonds, les associations de consommateurs, les organisations de commerçants, le ministère des Finances et la Monnaie de Paris. Il a approuvé une nouvelle stratégie pour 2025-2030, dont l’un des axes prioritaires est celui de l’accessibilité aux espèces. Donc oui, la Banque de France et la filière fiduciaire dans son ensemble est tout à fait attentive à cette question-là. »
Quel est donc le niveau d’accessibilité aux espèces des Français aujourd’hui ?
« Nous, au CNMP, produisons chaque année au mois de juillet un rapport qui cartographie le territoire pour vérifier que tout citoyen ait un accès satisfaisant à un point de retrait d’espèces. Le constat que l’on fait est justement celui-là : il est très satisfaisant.
L’accessibilité ne se résume pas à l’observation du nombre de distributeurs automatiques de billets. Ce n’est pas parce que le nombre d’automates baisse chaque année, ce qui est vrai, que l’accessibilité aux espèces se détériore. En général, les distributeurs sont regroupés au même endroit. Si vous avez trois ou quatre DAB sur 100 mètres, et qu’un disparaît, vous avez moins de DAB, mais l’accessibilité ne change pas pour les habitants de la commune. »
Envisagez-vous une chute drastique de l’utilisation des espèces ? Si oui, quelles en seraient les conséquences ?
« On n’a pas de mouvements brutaux dans l’évolution des comportements des ménages en matière de paiement. Le niveau d’utilisation du cash diminue de manière tendancielle, mais il n’y a pas de chute brutale. Il y a simplement une évolution du marché naturelle parce que les comportements changent, la numérisation de la société se poursuit. Pour les prochaines années, on ne prévoit pas de chute majeure des espèces. »