Revivez la visite historique du Pape François en Corse à travers des clichés inédits
15 décembre 2024. En ce dimanche ensoleillé, un pape pose pour la première fois les pieds en Corse. Son nom, François, et une journée qui restera gravée dans la mémoire de nombreux insulaires. Quelques mois plus tard, le Saint-père décède, laissant comme un vide dans les rues d’une ville qui l’a accueilli, l’a fait sien, et qui, un an après cette visite historique, garde de nombreuses images en tête. Inoubliables. Ce sont justement ces souvenirs, ces moments ayant durablement marqué les Ajacciens, que propose l’exposition Corse-Matin, » Sur les pas du pape « , qui débute ce dimanche 14 décembre et se poursuit jusqu’à la fin du mois de janvier.
Sur les pas du pape, donc, de son arrivée sur le tarmac de Campo, au petit matin, jusqu’à son départ à la nuit tombée. Douze heures, des centaines de clichés, de nombreux photographes sur le terrain et une sélection d’une trentaine d’instantanés affichés dans les lieux emblématiques de la cité, étapes d’un voyage entré dans l’histoire de l’île.
Aéroport Napoléon-Bonaparte, nouveau téléporté, baptistère Saint-Jean, palais des congrès, mairie d’Ajaccio, cathédrale et Casone : l’expo propose un parcours visuel à ciel ouvert, rythmé par des triptyques grand format accompagnés d’un texte explicatif trilingue en français, corse et anglais.
Les Ajacciens aux fenêtres pour saluer le pape. CHRISTIAN BUFFA
On y retrouve Papa Francescu, évidemment, mais aussi les hommes, les femmes et les enfants, présents tout au long de la journée. Et ils se reconnaîtront, ici aux fenêtres d’un immeuble, saluant le visiteur d’un jour ou encore là, dans la foule de la place Miot ou du Casone.
Christian Buffa, chef du service photo du quotidien, se souvient d’un gros travail de préparation, d’une dizaine de pros sur le terrain, d’une journée qui est allée crescendo. Un » show » dit-il, » très intense « . Fanny Hamard confirme. La jeune photographe a dû jouer des coudes au palais des congrès, trouver une place, les meilleures étant réservées à la presse italienne » , travailler rapidement car « tout allait très vite et dès que François arrivait, il était immédiatement suivi par les confrères transalpins » . Après le passage de la flamme olympique dans l’île, la visite du pape à Ajaccio était pour elle le deuxième gros rendez-vous de l’année 2024, « une expérience qui fait grandir en tant que photographe et des rencontres avec des confrères venus d’ailleurs. Sur le moment, j’étais concentrée. Le soir, il fallait trier, faire rapidement. Mais c’est le lendemain que j’ai réalisé la journée qu’on avait passée » . Unique. « Il y avait tellement de gens dans la ville, c’était la première fois que je voyais ça. Et la joie sur les visages ! Même si je suis athée, j’ai ressenti de l’émotion en voyant tout Ajaccio réuni, toutes ces nationalités, toutes les tranches d’âge représentées. »
Après Zidane, Philippe Echaroux met en lumière les anciens de Corse avec Tempi
Le visage d’Ange est projeté à Figari. Philippe Echaroux
Les portraits ? Le photographe Philippe Echaroux en a fait beaucoup. On se souvient de son iconique Zidane, le doigt sur la bouche. Chut ! Il y a plus de 10 ans, l’image avait été projetée sur un mur de la Corniche, à Marseille, là même où s’était pendant des années affiché le visage de l’enfant chéri de la Castellane. Il y a aussi eu Claude Papi dont le sourire brille depuis 2023 sur la façade du stade qui porte son nom, à Porto-Vecchio.
Pas de footballeurs, mais d’autres stars sont désormais à découvrir avec un projet porté par la communauté de communes du Sud Corse. C’est Tempi, une exposition en plein air qui met cette fois-ci en lumière les anciens du territoire. Philippe Echaroux les a rencontrés, les a écoutés puis photographiés. Des gros plans pleins de tendresse, des rides qui racontent des vies, et qui s’affichent, à la tombée du jour, sur les murs ou les arbres.
Les portraits lumineux d’Augusta, dite Ghita, et de Toussainte toutes deux nées en 1931, illuminent Porto-Vecchio. À Sotta, les visages de Lucien (né en 1933), Julie (née en 1924) et de Pierre (né en 1926) apparaissent en écho aux histoires d’un village profondément attaché à ses aînés. Ange (né en 1928) se dévoile à Figari, Armand (né en 1925) à Lecci, Lucien (né en 1931) à Monaccia, tandis que Marguerite (né en 1939) éclaire la chapelle Saint-Roch de Bonifacio. À Pianottoli-Caldarello, c’est Anne-Marie, dite Anna (née en 1935) qui veille sur le rocher du Casteddu.
Amoureux de la Corse, et petit-fils de Jeannette, une insulaire dont il a aussi projeté le visage sur une chapelle à San-Martino-di-Lota, Philippe Echaroux célèbre ainsi la mémoire collective, les racines et l’identité du territoire, une invitation à ralentir, à observer, à se souvenir, et à reconnaître la richesse de celles et ceux qui façonnent l’histoire vivante de la région.
Car Tempi est aussi un projet de transmission et de reconnaissance. Chaque aîné mis en lumière a partagé ses souvenirs et son regard sur son village, des témoignages à découvrir sur le site internet dédié (www.tempi.corsica) également accessible directement sur les lieux de projection grâce à des QR codes.
“Ritratti di Bastia” : l’exposition qui met les Bastiais à l’honneur
Extrait de la série « Carrughju Gaudin », 2023 Valérie Rouyer/Collection Centre Méditerranéen de la Photographie
L’exposition » Ritratti di Bastia « , proposée par le Centre Méditerranéen de la Photographie et visible jusqu’au mercredi 31 décembre au Centre culturel L’Alb’Oru, réunit une sélection de projets photographiques menés dans le cadre du contrat de ville de l’agglomération de Bastia dans les années 2000. Cinq rendez-vous et une exposition qui mettent les Bastiais à l’honneur, devant comme derrière l’objectif.
» Tragulinu di ritratti in Bastia » est une série de portraits réalisés par Matthieu Cauchy et Romain Cavallin. En 2024 et 2025, les deux photographes ont parcouru les quartiers sud et le centre ancien de Bastia à bord d’une camionnette itinérante transformée en appareil photo et en laboratoire argentique : la Obscura Machine. Une halte, quelques échanges, une pose : des fragments de vie saisis sur le vif.
» Carrughju Gaudin » présente quant à elle dix-huit portraits de commerçants du boulevard Gaudin, réalisés en 2023 par Valérie Rouyer.
Avec » Femlab « , on replonge dans l’atelier expérimental conduit par Jane Evelyn Atwood entre novembre 2016 et novembre 2017 avec des Bastiaises passionnées de photographie.
Le projet plaçait les six participantes au cœur du processus et s’articulait autour de six thèmes, proposés sous forme de mini-commandes : un lieu, une personne, une émotion, mon quartier, ma famille et mes amis, mes commerces de proximité.
Enfin, » Ti tengu caru anc’eiu » ( » Je t’aime moi aussi « ), réalisé en 2020 par Dominique Degli Esposti autour des luttes contre les discriminations, ainsi que les portraits en noir et blanc de » Carrughju Dirittu « , pris en 2006 par Jean-François Joly, viennent compléter cet ensemble rétrospectif.
“À leur image” au FRAC Corsica : la jeune scène photographique insulaire réunie à Corte
» À leur image « , c’est le nom de l’exposition du FRAC Corsica à voir jusqu’au samedi 11 avril 2026 à Corte. L’idée part d’un constat partagé par le photographe Sébastien Arrighi et Fabien Danesi le directeur du FRAC (Fonds régional d’art contemporain de Corse), depuis devenus commissaires de l’expo : il existe une jeune scène montante, mais on ne la voit pas, noyée dans le flot de photos qui inonde les réseaux sociaux. La voilà donc réunie.
Cette scène, ce sont 22 signatures (dont celle d’un duo), 23 photographes et autant de visions de la Corse pour » tenter de prendre le pouls d’un territoire à travers celles et ceux qui l’habitent, le traversent ou le regardent autrement « .
A leur image, une expo du FRAC à Corte. José Martinetti.
Diane Moulenc y est née, en est partie, parfois loin, du côté de l’Amérique centrale et des Etats Unis, avant d’y revenir. Elle est l’une des jeunes pousses de cette scène, » heureuse » de participer à la rencontre et d’y croiser d’autres trajectoires, histoire d’y » tisser des liens « , dit-elle. Elle évoque le travail d’Éric Tabuchi & Nelly Monnier qui, pour leur Atlas des Régions Naturelles, une cartographie sensible des paysages et des architectures ordinaires en France, ont traversé la Corse, ou celui du belge Geert Goiris, cite le photojournaliste Kamil Zihnioglu qu’elle suivait sur les réseaux et qu’elle a » fini par rencontrer. Il est important de se nourrir de tout ce qui se fait, de ne pas tomber dans l’écueil de l’enfermement, important de se retrouver » et d’échanger des points de vue sur la Corse. Le titre de l’exposition, clin d’œil au roman de Jérôme Ferrari, illustre parfaitement la multiplicité des subjectivités et des regards, qui permettent d’interroger les formes actuelles par lesquelles le territoire continue d’être vu, parcouru, pensé, vécu. Comment représenter aujourd’hui une île comme la Corse ? Question difficile, réponses en images, entre attachement, distance, réalités sociales, mutations contemporaines et héritages symboliques. Un terrain d’exploration inépuisable et des images qui composent un kaléidoscope de perspectives : politiques, sociales, culturelles, et surtout sensibles.