Dans ce film de Ryan Coogler, on entend du blues, du gospel, du blues encore. Et une gigue, inattendue dans ce coin du Mississippi. À voir samedi 13 décembre sur Canal+.
Dans un cabaret clandestin du Mississippi,
des vampires recrutent des adeptes en dansant… une gigue irlandaise. Proximity Media/Warner Bros. Discovery
Publié le 13 décembre 2025 à 21h02
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Boire, chanter, danser, tuer. Sinners, tout un programme : une très grande fête cathartique entre Afro-Américains du Mississippi, dans un juke joint, cabaret illicite ouvert pour une nuit par Smoke et Stack, frères jumeaux (joués par Michael B. Jordan) fricotant avec la pègre de Chicago. Le jeune Sammie, guitariste prodige, sera notre guide pour cette soirée ; on y écoutera du blues, un peu de gospel et encore du blues, celui des années 1930, auquel le compositeur Ludwig Göransson rend hommage dans la bande originale de ce film de vampires (!) tout entier consacré à la musique.
Deux grandes scènes musicales résonnent : dans la première, le jeu magique de Sammie célèbre la musique noire passée et future, jusqu’au hip-hop. La seconde est… une gigue irlandaise. Ce qu’on ne vous a pas dit, c’est que, hors de cette grange, le danger rôde. Il y a le Ku Klux Klan, probablement, et surtout Remmick et sa bande. Un vampire irlandais (joué par Jack O’Connell, gueule de Skins et Invincible) qui attend, banjo à la main, de pouvoir se joindre à la fête.
Quand il se lance, avec sa bande de « recrues » (mordues), pour « convaincre » de nouvelles âmes, dans un Rocky Road to Dublin épique et endiablé, on salue le culot. Cette longue ballade irlandaise traditionnelle (son existence est attestée au moins depuis le début du XIXᵉ) existe en mille versions, reprise par les Dubliners (logique) ou les Dropkick Murphys (version Irlando-Américaine, et punk), mais aussi par les Pogues ou les Stones. Le morceau raconte l’épopée d’un homme seul face à son destin, déraciné pour réussir, qui, d’épreuve en épreuve, se retrouve face à des bandits et des fanatiques… Donc, presque l’histoire de Sammie, fils de pasteur transporté dans un lieu de débauche pour lancer sa carrière de musicien.
Mais voilà que le vampire s’en sert comme argument, invoquant son statut d’immigré (car un Irlandais, aux États-Unis à l’époque, est encore une sorte de sous-blanc), avançant, avec son morceau, qu’il a autant souffert que les Afro-Américains ségrégués. Rejoignez-nous sur la route, dit-il — avec un impressionnant jeu de jambes. Il veut, en fait, spolier Sammie, aspirer son talent. Mais alors que dans Rocky Road to Dublin l’Irlandais errant est finalement sauvé par « les hommes de Galway », Sammie, lui, pour espérer s’en sortir, devra abandonner jusqu’aux prières des siens.
Sinners, de Ryan Coogler, 2h17. Sur Canal+.
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