Près d’un tiers : c’est la proportion de décharges européennes dites « oubliées » situées en zone inondable. En Indre-et-Loire, celle de la Basselerie a été identifiée grâce aux archives municipales par un militant, Hugo Meslard-Hayot, qui les recense sur son site internet Les Déchéticiens. Frigidaires, voitures, barils, déchets ménagers… Depuis la fermeture de la décharge dans les années 1990, tous ces déchets refont surface et menacent de contaminer la Loire voisine, dévoile Reporterre.
Jusqu’à 105 000 décharges abandonnées en France
« Des décharges oubliées, il y en a dans toute l’Europe. Jusqu’à 500 000 d’après une étude de 2021. En dépit du risque environnemental et sanitaire qu’elles représentent, aucune cartographie fiable n’existe, indique le média. Alors, pendant plusieurs mois, les consortiums d’investigation Investigate Europe et Watershed Investigations ont travaillé à établir la première carte paneuropéenne sur le sujet en agrégeant plusieurs bases de données, en se rendant sur place, en effectuant des prélèvements. »
À l’échelle du continent européen, les journalistes ont identifié 61 000 décharges oubliées, dont 28 % se trouvent en zone inondable et menacent donc de contaminer les cours d’eau. En France, ils en ont répertorié 23 400, auxquelles s’en ajoutent 8 000 qui n’ont pu être localisées précisément. Mais en réalité, le pays compterait entre 35 000 et 105 000 décharges communales fermées entre 1994 et 2005, soit 1 à 3 par commune. Dès 1979, une note confidentielle répertoriait 40 000 décharges.
« Jusqu’en 2005, nous avons caché nos décharges communales, on les a ‘réhabilitées’ derrière une couverture plus ou moins étanche, et encore si les maires étaient volontaires, explique Hélène Roussel, cheffe de projet à l’Agence de la transition écologique (Ademe). Aujourd’hui, l’eau monte avec le changement climatique et vient chercher les déchets, il faudrait dépolluer et vite… Mais en dehors du programme sur les décharges littorales, il n’y a rien de prévu. »
Jus de poubelles dans nos carafes
L’un des dangers les plus immédiats est réside dans le lixiviat, l’horrible « jus » issu de la dégradation des déchets. Celui-ci peut contenir toutes sortes d’ingrédients répugnants : métaux lourds, bactéries, amiantes, « polluants éternels » (PFAS), composants de pesticides et de produits pharmaceutiques. En cas de crue, ou même à cause d’une simple pluie, ils peuvent s’infiltrer dans les sols et dans l’eau, finissant leur course dans nos robinets.
« En Europe, les consortiums d’investigation Investigate Europe et Watershed Investigations ont pu identifier au moins 9 400 décharges situées dans des zones de captation d’eau potable, poursuit Reporterre. En France, 2 300 se trouvent sur des aires d’alimentation de captages. Interrogé à plusieurs reprises sur ce point, le ministère de la Transition écologique n’a pas donné suite. »
Près de Nantes, dans la décharge abandonnée de La Prairie de Mauves, des résidus de médicaments, du bisphénol A et même des bactéries résistantes aux antibiotiques ont été retrouvées. Posées à même le sol sablonneux, elles ont contaminé la Loire.