À l’occasion de sa réouverture le 27 novembre, le musée Bonnat-Helleu de Bayonne a fait restaurer ses collections. Cette série met en avant des tableaux qui ont suscité des découvertes récentes. Au-delà des repentirs et repeints étudiés précédemment, la question des signatures résonne dans trois cas passionnants.
Toutes les œuvres de Doménikos Theotokópoulos, dit Le Greco (1541-1614), ne sont pas signées. Tel semblait être le cas du Saint Jérôme (1609) et du Portrait présumé du duc de Benavente, conservés au musée Bonnat-Helleu de Bayonne. Les deux tableaux ont atterri dans les ateliers du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) en 2021. Il existe cinq versions du premier, qui représente le traducteur et pénitent le plus célèbre de l’histoire de l’art, assis devant un livre, vêtu de la pourpre cardinalice. Le nettoyage entrepris par Alexis Laveau a fait apparaître le monogramme de l’artiste à côté de l’épaule droite du personnage et, par conséquent, confirmé l’attribution déjà connue de la toile.
Des signatures éloquentes
Sur un autre fond sombre se détachent la fraise et les manchettes immaculées d’un homme en noir et au regard pénétrant. Il s’agit probablement de Juan Alonso Pimentel de Herrera y Enríquez (1552-1621), huitième comte et cinquième duc de Benavente, huitième comte de Mayorga, troisième comte de Villalón, chevalier, puis commandeur de l’Ordre de Saint-Jacques-de-l’Épée, entre autres titres. L’attitude de ce grand seigneur évoque celle du Gentilhomme à la main sur la poitrine (1578-1580, Madrid, musée du Prado).
Le portrait du duc de Benavente et le Saint Jérôme du Greco présentés dans les salles du musée Bonnat-Helleu à Bayonne. Photo : © Musée Bonnat-Helleu / Alexandra Vaquero
Il s’est agi de dégager le vernis jaune qui masquait le monogramme de l’artiste et, juste au-dessus, sa signature en lettres grecques. Le portrait du duc de Benavente (1597-1603) était déjà identifié, de même que Saint Jérôme, comme une œuvre du Greco, mais cette double découverte en donne désormais la certitude. Le nettoyage a également révélé des traces de griffures au niveau du visage et d’usure à côté des mains du noble, que la restauratrice France de Viguerie s’est chargée de combler.
Le Greco, Portrait du duc de Benavente, entre 1597 et 1603, musée Bonnat-Helleu, Bayonne. Photo : © C2RMF / Thomas Clot
Une attribution inattendue
Longtemps considéré comme l’œuvre d’un peintre anonyme de l’école hollandaise du XVIIe siècle, Deux femmes occupées de soins domestiques met en scène deux personnages féminins absorbés par des tâches ménagères. La restauration menée par Giusy Dinardo a révélé une date, « 1643 », et, sur l’un des tonneaux – entre les montants du tabouret, à gauche –, une signature jusqu’alors invisible. Cette découverte permet de rattacher le tableau à une réalité historique précise et de lui restituer son identité : cette composition de grande qualité est désormais attribuée à Simon Kick (1603-1652).
Dans les réserves du musée Bonnat-Helleu à Bayonne. Photo : © Musée Bonnat-Helleu / Alexandra Vaquero
Cet artiste demeure encore relativement méconnu. Pourtant, ses tableaux les plus réussis ont été attribués par erreur à d’autres figures de l’âge d’or hollandais, tels que Bartholomeus van der Helst (1613-1670) et Godfried Schalcken (1643-1706). Une vingtaine de ses œuvres (scènes de genre, de corps de garde, portraits…) sont passées en vente publique. Le tableau de Bayonne présente une facture particulièrement savoureuse. Matthieu Gilles, le responsable de la filière peinture au C2RMF, y voit un morceau de bravoure, soulignant la justesse des fronces, l’évanescence de la bassine, une grande empathie pour les personnages vaquant humblement à leurs tâches. « La rencontre d’une œuvre avec un nom crée du sens et ouvre de nouvelles perspectives », conclut-il.
Musée Bonnat-Helleu
5, rue Jacques Laffitte, 64100 Bayonne
Greco : le « bouquet final » de la Renaissance !


