
La revue « Le Festin », reprise par les Éditions du Bord de l’eau il y a deux ans.
Y. D.
Deux ans plus tôt, le Bord de l’eau, alors installé à Lormont, franchissait la Garonne pour investir à Bordeaux, dans le quartier Bacalan, les locaux du « Festin », revue trimestrielle régionale et patrimoniale que la maison d’édition spécialisée en sciences humaines avait reprise quelques semaines plutôt, dans un contexte de redressement judiciaire. « Le Festin » passait de 17 à quatre salariés. « Si j’écris l’éditorial, deux journalistes président en toute indépendance au choix des sujets et à celui des contributeurs selon les thèmes », explique Jean-Luc Veyssy. « Pour sauver le projet, nous avons mutualisé avec le Bord de l’eau les services de gestion, graphisme, routage ou encore relecture. »
Départ de Bordeaux Bacalan
Et de présenter des chiffres plus souriants à l’heure de la parution ces jours-ci du 136e numéro « Place au spectacle ! », qui marque le retour au millier d’abonnés (500 pendant la crise) et une vente de 2 500 exemplaires en moyenne. Tout le stock « Festin » se trouve dans les anciens chais carignanais, comme quelques milliers d’ouvrages siglés « Bord de l’eau », 250 000 de ces derniers étant stockés à Paris. Dans les 250 m² de la maison se répartissent la dizaine de salariés, entre salon, salle à manger ou encore chambre avec baignoire d’angle restés dans leur époque. « On a juste amélioré la connectique… »

Le Bord de l’eau est installé dans un ancien domaine viticole qui appartenait à la famille Colineau.
Y. D.
Pourquoi cette nouvelle migration ? « L’immeuble de Bacalan va connaître des travaux salutaires, mais aussi un nouveau loyer qu’on ne pouvait pas assumer », explique M. Veyssy. « Nous avons cherché pendant un an et trouvé ici le bon compromis, au calme et près de Bordeaux. » Un investissement de 600 000 euros porté par une maison d’édition qui se porte plutôt bien (2 000 références et 85 livres ou numéros de revues sortis par mois, 1 million d’euros de chiffre d’affaires), poursuivant son travail d’éclaireur et d’agitateur en sciences humaines, alternant ouvrages universitaires pointus et livres plus accessibles.
« Guide de survie »
Témoin, ce réjouissant « Petit guide de survie aux discussions des repas de famille », sorti judicieusement un mois avant les fêtes. À partir de 11 clichés volontiers agaçants (« Les jeunes ne veulent plus travailler », « Parcoursup, si tu bosses, tu as ce que tu veux » ou encore « Ils profitent du RSA plutôt que travailler »), des chercheurs et chercheuses proposent des pistes de réflexion et, études scientifiques à l’appui, dégomment les idées reçues. Le livre est coordonné par Clément Reversé, auteur du 2e succès du moment, « La Vie de cassos », sur la jeunesse (oubliée) en milieu rural.

Plus de 2 000 exemplaires de l’ouvrage se sont vendus en deux semaines.
Bord de l’eau
Le Bord de l’eau s’appuie aussi sur la gestion de quatre autres revues : « Mauss » à la diffusion mondiale (sciences sociales), « Écologie & politique » (pionnière en la matière), « Germinal » (philosophie politique) et la « Recma », revue internationale de l’économie sociale fondée en 1926 par Charles Gide. « Grâce à cette convention d’édition avec le Crédit coopératif propriétaire, nous avons titularisé une apprentie », souligne Jean-Luc Veyssy. L’équipe du Bord de l’eau, aux 32 heures (payées 35) depuis 2023, découvre le réseau de transports en commun du sud de l’agglomération mais aussi le vélo électrique… ou pas.

Dominique-Emmanuel Blanchard en septembre 2023.
Jean-Claude Meymerit / SO