Niché entre les Cinq-Avenues et Saint-Just, le quartier des Chartreux dans le 4e arrondissement de Marseille, apparaît comme le prolongement naturel du centre-ville, qu’un certain nombre d’acteurs s’activent à redynamiser.

« On rêvait d’ouvrir dans notre quartier »

Copines et voisines du quartier, Clara Tronçon et Emma Galopin avaient pris leurs habitudes à la Brasserie du Chartreux. Professionnelles de la restauration, lorsqu’elles ont appris que le lieu allait être vendu, elles se sont inquiétées : « Si nous le reprenions pas nous, qu’est-ce que la brasserie allait devenir ? », s’interroge Clara. Leur projet était mûr, le site idéal. « On rêvait d’ouvrir dans notre quartier, on a fait appel à Baptiste Renucci pour la cuisine et on s’est lancés. » Portée par le trio d’associés et deux salariés pour les assister en cuisine et en salle, la BDC est ouverte depuis mars du mercredi au samedi (8h-0h) et le dimanche (10h-18h).

« On a fait du lieu quelque chose qui nous ressemble et qu’on fréquenterait en tant que clients, poursuit Clara. On tenait à ce que prône le retour de la simplicité, avec des propositions classiques comme notre poulet rôti du dimanche, et des petites surprises. » Le midi, le plat du jour avec café et madeleine maison est à 15 €, et les prix à la carte oscillent entre 13 et 19 €. Le soir, trois plats de 17 à 23 € sont mis en concurrence avec des assiettes apéritives de 3 à 10 €. « On a déjà nos fidèles, de tous les âges, des profs, des étudiants, des gens des Cinq-Avenues ou de Saint-Just qui se retrouvent ici ». Des rendez-vous (concert, jam, bingo…) sont fixés chaque premier jeudi du mois, et le 21 décembre, c’est autour d’un loto que les voisins se retrouveront (réservation au 04 91 62 81 09).

Léo Marchal et Christophe Dudelin, 35 ans et 57 ans, référents bénévoles à la Base, 3, rue Pierre-Roche (4e) : « Un lieu autogéré qui travaille sur des enjeux politiques mais pas partisans »
Léo Marchal, 35 ans et Christophe Dudelin, 57 ans, référents bénévoles à la Base.Léo Marchal, 35 ans et Christophe Dudelin, 57 ans, référents bénévoles à la Base. / PHOTO L.M.

C’est en février 2020 que la Base Marseille a vu le jour au 3, rue Pierre-Roche. Comme les quatorze autres Bases de France, celle des Chartreux, qui compte plus de mille adhérents, offre un lieu de rendez-vous et d’expression à une trentaine d’associations engagées dans la lutte contre le dérèglement climatique, l’écologie et le social, mais aussi à des mouvements d’insertion et de culture. « On accueille ici des réunions, des tables rondes, des ateliers de fresque collective mais aussi des séances de yoga, du théâtre, des conférences gesticulées ou des concerts », précise Christophe Dudelin, membre d’Alternatiba et référent bénévole à la Base.

Léo Marchal, son acolyte, y tient une permanence tous les jeudis. Dans cet espace de 200 m² auquel s’ajoutent une cour et une cave, trois salles peuvent accueillir jusqu’à 90 personnes. « Le lieu est autogéré, financé par les réservations d’espaces et les recettes de la buvette, ajoute le bénévole. Les enjeux qu’on défend sont politiques mais pas partisans, on n’accueille ici ni parti politique ni syndicat. » En revanche, les actions solidaires y sont légion, à l’instar de la Cantinerie solidaire et vegane des Chartreux, qui organise régulièrement à la Base des repas de quartier gratuits, collectifs et solidaires pour aider les personnes en situation de précarité, offrir un moment de réconfort et un accompagnement solidaire et tisser des liens d’entraide entre habitants.

Éric Brunel, 65 ans, codirecteur du Théâtre des Chartreux, 105, avenue des Chartreux (4e) : « Notre public ? Des gens du quartier mais pas seulement »
Eric Brunel, codirecteur du Théâtre des Chartreux.Eric Brunel, codirecteur du Théâtre des Chartreux. / PHOTO L.M.

Après un début de carrière dans l’import-export d’armes, Éric Brunel a tout plaqué à 25 ans pour dessiner et devenir comédien. Artiste engagé tant dans ses œuvres picturales et photographiques que scéniques, il crée en 1985 la compagnie Equivog, d’abord installée à Trets avant de migrer à Marseille, sur l’avenue des Chartreux il y a seize ans. Codirecteur du Théâtre des Chartreux depuis son ouverture, Éric Brunel aime à rappeler qu’avec sa petite équipe d’intermittents du spectacle, « on travaille 7 à 8 jours par semaine pour 4 à 5 cachets par mois ».

Sans subvention ni publicité, l’association donne 150 représentations par an, et défend une programmation ouverte aux tout-petits comme aux ados et aux adultes. Sept spectacles sont prêts à être joués dans le théâtre aux 70 places assises ou dans les écoles, à la demande des profs. Récemment, ce sont des collégiens de Saint-Mauront (3e) qui ont assisté à la pièce Je n’ai rien fait de mal, sur le délicat thème de l’inceste. « Les mots que les élèves nous ont laissés à la fin du spectacle étaient particulièrement émouvants », glisse-t-il. Toute l’année, le théâtre donne aussi des cours à une trentaine d’élèves, enfants, adolescents et adultes. « Les gens du quartier viennent assez régulièrement, mais grâce au métro et au tram, ils ne sont pas les seuls. »

Thibault Guérin, 44 ans, responsable d’Octo Factory, 106, avenue des Chartreux (4e) : « Depuis peu, on sent une nouvelle dynamique »
Thibault Guérin, 44 ans, responsable d'Octo Factory.Thibault Guérin, 44 ans, responsable d’Octo Factory. / PHOTO DR

Vous connaissez sans nul doute ses poulpes colorés en éco-résine acrylique. Originaire de la Pointe Rouge, Thibault Guérin a posé il y a cinq ans ses valises aux Chartreux où il avait déjà vécu quelques années auparavant. « J’ai acheté le local de l’ancienne pizzeria la Calèche pour y installer mon atelier, explique-t-il. Et puis le 15 décembre 2022, j’ai proposé à des artistes émergents et inconnus de présenter leur travail sur quelques cagettes posées sur des tréteaux. » Octo Factory, « usine à poulpes et épicerie d’art », était né. « C’est une boutique de créateurs locaux, voire ultralocaux puisque la moitié d’entre eux vient des Chartreux », s’amuse Thibault Guérin. L’association Octo Factory a pour objet de promouvoir ces artistes à travers des baux d’exposition-vente de trois mois. Une quarantaine d’artistes et artisans sont représentés.

« Je suis très content d’être installé ici, confie le responsable. Il y a cinq ans, ce coin de l’avenue était une sorte de no man’s land, le même que j’avais quitté en partant du quartier en 2013. Mais depuis peu, on sent une nouvelle dynamique, entre la librairie Nozika, la Brasserie des Chartreux, les artistes du coin. Et puis on n’est pas vraiment dans le centre-ville mais tout est à côté, parce qu’on est bien desservis. On commence même à voir de plus en plus de touristes logés dans des meublés, sans doute moins chers que dans l’hypercentre. »

Illustration du dossier Quartiers de Marseille