Le prochain docu-fiction du sociologue lorientais Alain Pichon va évoquer « Les colosses des mers ». Ces colosses, ce sont les bateaux. Pas les hommes. « On passe du dundee aux gros bateaux à vapeur puis à moteur, plus longs de dix mètres en dix mètres. On change de dimension ». L’histoire prend naissance à la fin du XIXe siècle pour s’achever au mitan des années 1990, avec les difficultés de l’armement Jégo-Quéré et l’arrivée des Espagnols de Pescanova. D’hommes, il en sera forcément question. Alain Pichon appuie son récit sur un grand témoin. « Un marin pêcheur qui a aujourd’hui 85 ans » et dont le vécu, les images – aussi bien cinématographiques que photographiques -, vont nourrir le projet. « On se voit régulièrement, je lui donne un plan de travail et on essaie d’écrire aussi cette histoire de son point de vue ».

Rencontre avec Pêcheurs du monde

Alain Pichon est sociologue du travail. « Ce qui m’intéresse dans le travail, c’est voir comment ça marche ». Il est aussi ingénieur de recherche en sciences humaines. À Paris Saclay, où il a exercé, il a rejoint un laboratoire d’histoire économique, sociale et des techniques. C’est là qu’il a tiré la conviction que « pour faire passer nos travaux, le meilleur média c’était le cinéma ». Une rencontre avec Jacques Chérel, de Pêcheurs du monde, va l’embarquer dans ce monde de la pêche. Son premier documentaire (« Thoniers dans la tempête ») nous ramène en 1930 et cette tempête ô combien cruelle qui va couler 27 thoniers et faire plus de 200 morts. Alain Pichon s’est intéressé aux hommes (« Voiliers en pêche »), aux femmes (« Conserveries de poissons » et « Femmes à bord »), aux techniques avec « L’aventure de la langouste » qui met en avant la motorisation qui étire l’espace…

Fascination pour les marins-pêcheurs

« Colosses des mers », dernier film de la série, aborde un ensemble de bouleversements. Géographique avec « le déplacement du port vers Keroman et son aménagement en 1927 », technique avec l’évolution des bateaux… Forcément, lorsqu’on est de Lorient, qu’on y a grandi, le port, ses quais, ses marins, ça parle. « Qui n’est pas venu au port de pêche ? ». Alain Pichon n’a pas de réponse toute faite à cette fascination qu’exercent sur lui les marins pêcheurs. « Parce ce qu’ils vont dans l’immensité… à l’extrémité du monde… ». Ce côté aventurier lui plaît bien. Peut-être « Parce qu‘au fond, ils sont de nos derniers chasseurs-cueilleurs et qu’ils nous procurent une des dernières ressources naturelle ».

Le collectage terminé

Alain Pichon s’est entouré d’un comité scientifique, a écrit le scénario, réalisé le document audio sur lequel il va désormais poser les images. « On a environ un millier d’iconographies, une cinquantaine de films significatifs ». Son grand témoin « a sorti deux bobines de son grenier ». Il a pu compter également avec le soutien du musée des thoniers à Etel et de la Ville de Lorient « qui a accepté de mettre les archives iconographiques à disposition gracieusement ». Le collectage est fini. Alain Pichon s’attaque à la voix off et Trio Vag, groupe de Lorient, s’attelle à la musique. Le travail est encore long. « Il faut aussi tout bruiter car il y a beaucoup de films muets ». Le film de 70 à 80 minutes, comme tous les autres, est réalisé dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Il sera présenté en avant-première lors de l’édition 2026 du Festival pêcheurs du monde avant d’être mis « à disposition gratuitement sur internet ou pour projection publique au profit des associations, musées et collectivités territoriales ».

Un article de la rédaction du Télégramme